Magazine Humeur

Le temps de l'inculture politique : transmission, mémoire et histoire.

Publié le 20 juillet 2018 par Ep2c @jeanclp

Repenser les rapports entre culture et politique c'est, on le sait, l'une des questions centrales abordées par ce blog.

C'est aussi le titre d'un grand entretien avec ROBERT ABIRACHED 

publié par le magazine La Terrasse (22 juin 2018 - N° 267 ; propos recueillis par Catherine Robert)

Écrivain et critique, professeur émérite des universités, directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture de 1981 à 1988,Robert Abirachedsort de sa réserve et dresse le bilan de la politique culturelle des dix dernières années. Cet intellectuel acéré, fin connaisseur des artistes et du théâtre, nous rappelle que la culture de l’imaginaire et de l’intelligence est indispensable à la démocratie.

"J’ai fait l’expérience assez inattendue d’une disparition systématique du champ du ministère depuis une bonne dizaine d’années. Le contact avec les prédécesseurs était auparavant une tradition qui ne relevait pas seulement d’une sorte de bienséance mais du désir de maintenir une pensée. Au-delà de la vexation personnelle, qui n’est qu’anecdotique même si elle m’a éprouvé, j’ai surtout considéré ce silence avec inquiétude : cette absence de lien et de relais me paraît très significative. Les ministres de la Culture ne tiennent désormais plus compte des acquis. Ils profitent de ce qui a été mis en place mais en ignorent l’histoire, les difficultés et l’avenir. C’est ainsi que certaines choses piétinent, comme, pour n’en citer que quelques-unes, l’éducation artistique, l’évolution des rapports avec la société, la rénovation des initiatives embourbées ou tenues en échec, la mise à jour des idées fondatrices du service public. Ce silence, en supprimant la mémoire, rend plus difficile l’approfondissement de la réflexion". 

(..)

"La particularité du service public est de devoir être constamment réajusté, ce qui doit passer par un contact de ses agents avec les tutelles, dans le souci d’une réflexion commune : le ministère doit faire des propositions au service public. La réflexion sur la notion de politique culturelle, son évolution, la place qu’elle tient dans l’art contemporain s’est interrompue, surtout chez les politiques. Cet effort s’était fait autour de Jack Lang et avait essaimé dans toute la France. Je ne citerai que l’Observatoire des politiques culturelles, organisé à Grenoble autour de René Rizzardo, militant engagé qui avait acquis de fines compétences d’expertise par ses échanges avec le ministère. Ce qui a été décidé et mis en œuvre entre 1981 et 2000 et, je le prétends, réussi, l’a été parce qu’il y avait une volonté de travailler mais aussi une réflexion continue".

© La Terrasse, Publié le 22 - N° 267 juin 2018 , Propos recueillis par Catherine Robert.

Lire l'entretien.

Politiques culturelles par Jean-Claude Pompougnac

Pour le reste, l'ancien condisciple de Pierre Bourdieu à Normale Sup' (je sais ça n'a rien à voir mais je ne pourrai jamais oublier les savoureuses anecdotes narrées au sujet du champion de la sociologie/sport de combat) par Robert Abirached, à une heure fort avancée de la soirée, l'été, à la fin d'un repas lors du Festival d'Avigon ), pour le reste donc, l'ancien directeur du théâtre et des spectacles n'y va pas de main morte, on en jugera en lisant l'intégralité de cet entretien.

Exemples : 

"J’ose le mot : la navigation à vue, au risque de l’incompétence. 

Le « passe culture » coûte cher. Le danger, c’est que les sommes qui y seront consacrées soient ponctionnées sur des crédits généraux infiniment plus utiles ailleurs… Une idée aussi indigente que ce « passe culture » est dépourvue de véritable générosité dans la mesure où elle relève d’une incapacité à croire à la possibilité d’une collaboration des imaginaires pour transformer la société".

Ou encore, cet implacable description du désordre présentement établi :

La stagnation actuelle est d’autant plus stupéfiante qu’elle a lieu sous le mandat du premier Président de la République réellement cultivé depuis vingt ans ! Il est incroyable de l’entendre faire de magnifiques discours alors que, faute d’une politique culturelle qui renoue avec une réflexion sur les rapports entre la politique et l’art, son projet demeure infirme et reste prisonnier de vieilles routines et de gadgets inutiles.

A propos, de transmission, ou plutôt de non-transmission (cette absence de lien et de relais qu'évoque Robert Abirached), et donc, à propos de mémoire et d'histoire...

Culture et politique. La Cité des sens.

C'est Augustin Girard qui, en , a crée le Comité d'histoire du ministère de la culture et de la communication et, une quinzaine d'années plus tard, René Rizzardo qui avait souhaité que celui-ci s'aventure à tenter une « histoire » des politiques de démocratisation culuturelle.

J'ai eu le privilège d'y être associé, d'où les quelques propos suivants, adressés à des étudiants à des fins de transmission et de recherches...

A l'automne 2014, le Comité d’histoire animait l’Atelier de l’histoire dans le cadre de la journée de l’étudiant organisée par les Archives nationales. Devant un public nombreux d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, il s’agissait de faire un bilan méthodologique du séminaire sur « La démocratisation culturelle au fil de l’histoire contemporaine » dont les communications seront, par la suite, publiées sur Le carnet de recherches du Comité. Il s’agissait également de présenter des pistes de recherches intéressant le Comité et ses chercheurs associés en s’appuyant sur les archives disponibles désormais sur le site de Pierrefitte-sur-Seine.

La démocratisation culturelle peut-elle faire l’objet d’une approche historique  ?

Par  Jean-Claude Pompougnac, correspondant du Comité d’histoire

Le présent atelier a été organisé en partenariat avec les Archives nationales que je tiens à remercier très chaleureusement pour leur contribution et leur accueil.
Il me revient, au nom du Comité d’histoire du ministère de la Culture et de la Communication, d’introduire cette table ronde au cours de laquelle nous allons essayer d’être le plus contributifs possible pour le public que vous constituez, un public composé en grande majorité d’étudiants qui s’interrogent sur le bon usage qu’ils peuvent faire des fonds d’archives et de l’expérience construite par le Comité d’histoire depuis déjà de très nombreuses années. C’est aussi l’occasion de remercier vos enseignants qui ont suscité votre intérêt pour cette rencontre.
Il ne s’agit pas ici d’énumérer les nombreux travaux et chantiers conduits par ce Comité ou en partenariat avec lui. La documentation que nous mettons a votre disposition aujourd’hui, comme les informations actualisées sur nos pages internet peuvent répondre, je l’espère, à ce questionnement général.

Le Comité d’histoire du ministère de la culture et de la communication a pour missions principales :
– de rassembler et faire connaître les travaux existant sur l’histoire du ministère chargé de la culture et des institutions qui sont placées sous sa tutelle ;
– de susciter des recherches, des études, des travaux bibliographiques et des guides de sources, les publier et assurer leur promotion auprès du public ;
– d’organiser des séminaires, des colloques et toutes autres manifestations dans ce domaine.
En d’autres termes, ce Comité peut accompagner et soutenir des recherches qui ont été engagées par d’autres, susciter des travaux en fonction de son propre agenda ou bien en être à l’initiative.
Mais tous ces travaux s’inscrivent évidement dans une relation de va-et-vient entre des corpus disponibles ou à construire et les problématique de la recherche historienne, d’où l’importance de cette rencontre aujourd’hui, ici, aux Archives nationales.
Nous avons privilégié une présentation à partir d’un chantier parmi d’autres en mettant l’accent sur la méthode suivie ces trois dernières années pour coordonner un ensemble de recherches et construire un séminaire autour des questions relatives à ce qui est généralement désigné par les termes de démocratisation culturelle 

Ce faisant, notre but est d’insister sur le fait que le Comité d’histoire ne limite pas ses objets et ses problématiques à une histoire du ministère mais se soucie, au contraire, d’inscrire l’action de l’État dans une approche des politiques culturelles élargie et contextualisée. Il ne s’agit évidemment pas d’en rester à une histoire administrative, mais de ne pas se limiter non plus à une recherche sur les seules politiques culturelles. Si on veut comprendre l’évolution de ces politiques dans notre pays, il est extrêmement important de s’ouvrir à des territoires d’investigation qui ne sont pas strictement centrés sur elles, telles qu’elles se sont définies depuis qu’elles ont été formalisées à travers l’existence d’un ministère chargé des Affaires culturelles, créé en 1959 par André Malraux, comme chacun sait.

Il y a eu des politiques publiques de la culture avant 1959 ; il y a eu des politiques publiques en faveur d’autre chose que ce que l’on nomme aujourd’hui « la culture », à commencer par les politiques d’éducation et d’instruction publique, par exemple, ou de l’éducation populaire, de l’action sociale ou en faveur des producteurs et distributeurs de biens culturels.

Je vous présente donc un projet qui est né en 2010 à la suite de nombreux échanges au sein du Comité d’histoire.
Il s’agissait de se saisir d’un sujet transversal portant sur les politiques de démocratisation culturelle. Il n’est évidemment pas si simple de le construire comme un ensemble d’objets permettant un traitement scientifique, un traitement de sociologie, de science politique, d’histoire, d’économie, de science administrative, de droit… Au fond, la notion de démocratisation culturelle, telle qu’elle apparaît très souvent, est d’abord un sujet de débats de société, de polémiques journalistiques ou de confrontations politiques tout à fait légitimes dans une démocratie, Mais ça n’est pas d’emblée un sujet qui est construit de manière à être approché de façon un tant soit peu rigoureuse.

Comment avons-nous procédé pour organiser une série de deux séminaires qui se sont intitulés « La démocratisation au fil de l’histoire contemporaine »  après que le sujet ait été énoncé sous une forme interrogative : « La démocratisation culturelle peut-elle faire l’objet d’une approche historique » ?

Nous avons pris soin de constituer un conseil scientifique composé de :
– Anne-Marie Bertrand, directrice de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, membre du Comité d’histoire
– Olivier Donnat, économiste, chercheur au Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture et de la Communication
– Vincent Dubois, professeur à l’Université de Strasbourg (Institut d’études politiques)
– Laurent Martin, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris 3, membre du Comité d’histoire
– Philippe Poirrier, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, vice-président du Comité d’histoire
– Guy Saez, directeur de recherche au CNRS, membre du Comité d’histoire
– Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique à l’Université Paris Ouest – Nanterre

C’est à l’issue d’un travail suivi avec ces chercheurs (et la consultation, en parallèle d’un comité de pilotage composé de certains membres du Comité d’histoire) que Pierre Moulinier (qui interviendra dans un instant) et moi-même avons construit un cadre problématique et un appel à contributions volontairement assez large et ouvert à différentes disciplines.
Je voudrais indiquer en quelques mots dire comment cet appel à projet a été reçu et ce qu’il a produit au cours de ces deux dernières années de séminaire en espérant qu’une rencontre comme celle de cet après-midi pourra être l’occasion de prolonger sur cette question-là ou sur d’autres, la recherche historique sur les politiques culturelles.

Si vous voulez en savoir plus sur ce questionnement et la mise en place de cette problématique, vous trouverez sur le site du Comité d’histoire, non seulement l’appel à contribution qui a permis de construire les séminaires de 2012-2013 et 2013-2014, en partenariat avec le Centre d’histoire de Sciences Po et de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, (les séances se sont tenues au Centre d’histoire de Sciences Politiques), mais aussi trois documents élaborés par Pierre Moulinier qui permettent de saisir la façon dont ce questionnement a été problématisé et documenté. :

une chronologie de ces questions, qui est à la fois une chronologie des publications, des textes officiels, des colloques, mais aussi des modifications institutionnelles et des mises en place de dispositifs – je ne rentre pas dans le détail, mais c’est un cadre extrêmement sécurisant pour se repérer sur la façon dont les choses se sont déroulées un peu avant 1959 et jusqu’à nos jours
un recueil d’écrits sur la démocratisation culturelle et tout ce qui est connexe à cette question, c’est-à-dire la démocratie culturelle, les problématiques d’élargissement des publics, d’aménagement culturel du territoire, d’éducation populaire…
– et enfin des éléments de bibliographie.

L’appel à contribution comportait quatre volets.
Le premier consistait à interroger les chercheurs sur la manière de construire et de problématiser l’objet politique de démocratisation culturelle.

Une deuxième série de questions portait sur les approches scientifiques, et en particulier les approches statistiques et sociologiques censées permettre d’objectiver les pratiques culturelles des Français et les usages polémiques et sociaux qui ont pu être faits de ces enquêtes et de ces travaux.

Un troisième ordre de questionnement portait sur l’évolution des dispositifs politiques, administratifs et d’action culturelle. Il s’agissait de documenter et d’analyser ce qui s’est passé des années 60 et à nos jours s’agissant des acteurs des politiques de démocratisation culturelle, de tester et d’objectiver l’hypothèse du passage d’une administration de mission vers des dispositifs de plus en plus professionnalisés et normalisés.

Enfin, un quatrième volet concernait la question du rapport entre les secteurs artistiques et culturels, (patrimoine, création dans les domaines musical, chorégraphique, du théâtre ou des arts plastiques….) et les politiques proprement transversales.

Ce qui permet, en effet, de construire la catégorie politique de la culture ou politique culturelle, c’est un ensemble de dispositifs d’abord discursifs et rhétoriques permettant de mettre dans le même panier, si j’ose dire, des choses aussi différentes que la protection des monuments historiques, la création chorégraphique contemporaine, les salons du livre, l’éducation artistique à l’école et les installations d’art contemporain dans l’espace public.


Par rapport à cet appel à projet, nous avons reçu des réponses, en assez grand nombre soit trente-deux propositions de communications pour la première année qui nous ont permis de retenir vingt et un sujets.

Accéder à la suite de cette communication.

Les autres contributions à cette journée :

Pierre Moulinier la dimension territoriale de la démocratisation culturelle[lire]

Laurent Martinles industries culturelles[lire]

Malcolm Théoleyrela question de la diversité culturelle[lire]

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l'histoire contre l'inculture politique

BONUS

SPECTACLE VIVANT / MÉMOIRES VIVES

Avignon, 18 juillet 2007

Il y a onze ans déjà, Arcadi organisait, dans le cadre du Festival d’Avignon, un atelier sur le thème de la transmission.

Ces questions de la mémoire et de la transmission concernent l’ensemble des domaines de la vie sociale. Comment se posent-elles dans le champ du spectacle vivant ? Comment un parcours artistique se construit-il entre la volonté d’innover, l’utopie d’un futur aux habits neufs et la référence aux grandes figures du passé, aux textes anciens et à l’histoire du théâtre?

Entre l’héritage, peut-être trop lourd à porter, et la reconnaissance, parfois conquise par la force, qu’est-ce qui se perpétue et se transforme aujourd’hui sur les plateaux ? De la scène au spectateur, et du spectateur à la scène, qu’est-ce qui peut, ou doit, circuler et se transmettre ?

Intervenants :

Jean-Pierre Vincent, metteur en scène ; Julie Brochen, metteur en scène et directrice du Théâtre de l’Aquarium (Paris XIIe) ; Ludovic Lagarde, metteur en scène.

Atelier préparé et animé par Sabine Quiriconi, dramaturge, maître de conférence en arts du spectacle à l’Université de Poitiers.

Téléchargez la retranscription

Le temps de l'inculture politique : transmission, mémoire et histoire.

Consultez aussi ces pages sur La Cité des sens.

Liens conseillés.

 Lecture et bibliothèques.

 Actualités des politiques culturelles.

 Politiques culturelles (mon fil d’actualités sur Scoop'IT)

 Création sociale et innovations culturelles

 Politiques culturelles : ressources et documents.

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