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Le "mot de trop" de Nicolas Sarkozy

Publié le 07 juillet 2008 par Roman Bernard
Le président "joue avec le feu", selon Maryse Dumas (CGT). Il "attise les conflits", pour Jacques Voisin, président de la CFTC. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière (FO), estime même que c'est "le mot de trop". Du côté du Parti socialiste, Julien Dray conseille à Nicolas Sarkozy de "prendre garde". Et d'ajouter : "Comme on dit dans les cours de récréation : 'Rira bien qui rira le dernier'". De sa rue de Solférino dont chacun sait qu'elle ne s'apparente jamais à une cour de récréation, Julien Dray aurait pu ajouter : "Il ne faut pas vendre les écailles du dinosaure syndicaliste avant qu'il ne se soit éteint de lui-même." Mais au parti de la (p)rose, on n'aime les calembours que lorsqu'ils sont destinés à la droite et à son chef abbhoré.
Car qu'a dit Nicolas Sarkozy, hier, au conseil national de l'UMP ? Comme le rapporte Libération, dans un article à charge intitulé "Sarkozy décrète la grève invisible et nargue les syndicats", le chef de l'Etat a déclaré que "la France change beaucoup plus vite et beaucoup plus profondément qu'on ne le voit. Pour preuve, désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit." Cela valait bien un concert d'indignations. Oui, vraiment, il y a bel et bien lieu de s'indigner des propos du président de la République, mais peut-être pas exactement pour les mêmes raisons que celles invoquées par la gauche syndicale et politicienne.
Car affirmer que personne ne s'aperçoit des grèves en France dénote, au mieux, une déconnexion totale du locataire de l'Elysée d'avec la réalité de la vie quotidienne des usagers des transports publics, par exemple. Au pire, le président se satisfait d'un léger tarissement des conflits sociaux au profit d'une attitude plus réformiste adoptée par les leaders syndicaux. Alors que ce réformisme timide des syndicats est surtout dû à leur difficulté de plus en plus grande à mobiliser les salariés autour de revendications, dont, en étant de bonne foi, on ne voit guère le bien-fondé.
Rappelons que, depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, les syndicats ont trouvé le moyen de s'opposer au service minimum, alors que le bon sens voulait que cette réforme fût enfin prise.
Lors des grèves d'automne contre la réforme des régimes spéciaux, contre laquelle on ne voit pas non plus quels arguments recevables pouvaient bien être avancés, le service minimum n'était certes pas encore en vigueur. Mais outre le fait que la preuve de la pleine applicabilité du service minimum n'a pas encore été apportée par les faits depuis, ces grèves de l'an dernier ne sont pas assez loin pour que Nicolas Sarkozy puisse se contenter de cette très relative accalmie des rapports sociaux.
Comme s'en réjouissait tristement Eric Dupin récemment, les syndicats n'ont pas dit leur dernier mot. Cette vindicte est ridicule, nous l'avons dit, parce que les centrales syndicales peinent désormais à fédérer leurs troupes. Mais aussi parce que l'on ne voit pas bien au nom de quoi des syndicats illégitimes, qui pèsent au mieux 8% du salariat, seraient en droit et en mesure d'imposer leur vision archaïque de la société et de l'économie à un gouvernement dont on peut tout contester sauf sa légitimité. Enfin, parce que cette vision archaïque, justement, pénalise la France dans la compétition internationale. On en avait eu un exemple éclatant avec l'obstination des syndicats à faire grève lors de la venue du Comité international olympique, en 2004, pour visiter les installations parisiennes en vue de la sélection de la ville qui devait accueillir les Jeux Olympiques de 2012. Le spectre de la grève générale avait, à cette occasion, été agité par le comité de soutien à la candidature de Londres.
Ce n'était certes pas le problème des syndicalistes, dont le solipsisme les fait se moquer de l'avenir de la France alors qu'ils sont incapables de penser hors du cadre hexagonal. Solipsisme propre à la majeure partie de la gauche d'ailleurs. Nicolas Sarkozy, lui, devrait davantage se préoccuper de ce que ces syndicats obsolètes tirent la France vers le bas. Il a la légitimité - et un mandat clair donné par les citoyens l'an dernier - pour engager un vrai bras de fer avec les syndicats, et leur imposer des réformes dont tout esprit sensé sait qu'elles sont indispensables. Et ce même si cela doit soulever un nouveau concert d'indignations à gauche. Il faut dire, à cet égard, que selon une vieille tradition française qui remonte au moins à la Révolution, la démocratie n'est jamais mieux flétrie que par ceux qui s'en réclament.
Roman Bernard
Criticus est membre du Réseau LHC.

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