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Chroniques d’été. Épisode 30

Publié le 04 août 2018 par Antropologia

La maison aux volets bleus

Thierry est originaire d’un petit village d’Auvergne qui n’a jamais vu de personnes d’origine étrangère mais dont les habitants n’hésitent pas à dire pis que pendre sur les étrangers…  rien à voir avec les habitants de Decazeville, qui eux , cohabitent depuis des décennies avec les gens venus de partout travailler dans la mine et aux aciéries et pour qui la mixité est un fait acquis. Entre ces deux villages 20 km seulement…

Depuis sept ans, il a choisi son camp. Il entretient les valeurs d’ouverture et de solidarité dans le gîte qu’il a repris à l’entrée de Decazeville. Après une tranche de vie en tant qu’éducateur, il cherchait plus d’indépendance et une bouffée d’air. A la maison « aux volets bleus », le randonneur de passage choisit son degré de confort : le dortoir, la chambre simple ou celle avec la salle de bain…. Il y en a pour toutes les bourses. Tous les jours, Thierry s’octroie une petite pause entre le départ des marcheurs de la veille et l’accueil de ceux du jour mais si besoin, il l’écourte pour rendre service. Il regrette que nous ne l’ayons pas appelé plus tôt, il m’aurait déposé chez « sport 2000 » pour acheter une nouvelle paire de chaussures de randonnée ou chez son cordonnier pour qu’il me recolle mes chaussures en lambeaux…  « Il fait des miracles et t’aurais évité des ampoules demain.» Thierry est bavard mais pas trop,  cuisinier à ses heures, spécialiste du chou farci, qu’il fait façon lasagne pour qu’il reste très moelleux. Il bricole le reste du repas pour qu’il soit copieux et surtout avec les légumes frais pour compenser les sandwiches du déjeuner.

Chez Thierry, la porte est ouverte tard le soir. A 21h, un autre randonneur débarque pour la nuit… Thierry s’interrompt pour lui montrer dortoir et les douches et lui proposer un encas. Il a déjà diné … qu’à cela tienne, on lui sert un petit verre à son retour de la douche.

Mais le lendemain, dès 7h, Thierry est aux fourneaux : c’est l’heure du pain perdu à la cannelle. Il nous explique qu’il en fait depuis qu’une Canadienne est tombée en pleurs dans ses bras … Elle venait de retrouver sa petite madeleine de Proust. Depuis il recommence tous les matins pour faire pleurer les filles et avoir l’occasion d’en consoler une !

Le pain grésille dans la poêle et Thierry chantonne un vieux tube réarrangé « C’est une maison bleue adossée à la bourgade…  on y vient à pied….  on ne frappe pas…. celui qui vit ici a jeté la clé….

A la retraite, il repartira dans sa maison natale à 20 km de là…. Réussira-t-il là-bas un petit miracle ?

Virginie Perchais


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