Toute petite, depuis l'âge de cinq ans, en fait, ma chambre a été mon refuge. Mon espace, le seul endroit où je me sentais chez moi et en (relative) sécurité pendant que mon beau-père violentait ma mère psychologiquement et/ou physiquement. Je me bouchais les oreilles mentalement pour ne pas les entendre, continuant à lire, bricoler, tricoter, faire mes devoirs ou écouter de la musique, perdue dans mes pensées et mes rêves.
Seule dans ma chambre, j'adorais créer - et écrire aussi, déjà 😉 - et j'étais habile de mes mains. J'ai d'ailleurs appris l'an dernier, lors de retrouvailles avec des amies de l'école primaire, que toutes mes collègues de classe étaient jalouses de moi car j'arrivais toujours la première à remettre mes travaux manuels alors qu'elles peinaient laborieusement. Je ne m'en était jamais rendue compte. C'était juste normal pour moi. Première de classe en tout, ou presque, durant les cinq années du primaire, surtout aux travaux féminins, j'adorais.
Sortir fait peur
L'extérieur de ma chambre m'était apeurant si le beau-père était dans la maison. Aux repas, à table, il me répugnait par son attitude mesquine manipulateur. Il me faisait parfois tellement peur que j'en avais mal au ventre au point de ne pas pouvoir avaler une bouchée. J'étais tétanisée. J'avais juste hâte de retourner dans ma chambre. Même si je savais qu'il se pouvait que maman ramasse des coups, je voulais juste m'enfuir dans mon refuge.
Heureusement, il n'était pas souvent là, juste pour les repas et encore. Sa maîtresse, dont tout le monde connaissait l'identité, occupait pas mal de ses temps libres, ce qui nous arrangeait, dans le fond. La maison était calme et agréable quand on était juste avec maman.
Une fois sortie de la maison, sur le chemin de l'école, deux voisins m'attendaient souvent au coin de la rue pour me harceler et ce, durant les quatre premières années du primaire. À l'extérieur de mon monde, de ma chambre, j'étais un bouc émissaire sans amis. Ma mère me protégeait du mieux qu'elle pouvait mais elle n'était pas toujours là.
Incapable de bouger quand on m'agressait. Je fermais toutes les connexions au coeur et faisais juste en sorte de survivre. Pas d'émotions. Un état complètement déconnecté de Soi pour ne pas s'effondrer, pour rester forte.
Comme je vivais ces moments de violence verbale et physique à la maison et sur le chemin de l'école, j'avais appris à me couper de mes émotions, à me blinder bien solidement car je n'avais pas appris à me tenir debout et à faire face. Je figeais devant l'adversité, ce que je fais encore aujourd'hui. On appelle ça de la sidération psychologique.
Dans d'autres (rares) moments, n'en pouvant plus, j'explosais de colère et de larmes, criant à l'injustice et réclamant ma place dans la vie. Il n'était pas rare que ça se solde par une claque. Je ne me sentais pas le droit de prendre ma place. Je me refermais alors et continuais à subir, figée, jusqu'à la prochaine agression.
C'est là que ma chambre devenait mon havre de paix, de méditation, de réflexion, de création. Je savais qu'il existait une vie meilleure hors de cette famille et je savais qu'un jour, j'allais la vivre.
Voyager
Toute ma vie, j'ai aimé vivre dans mon espace, dans mon logis (qui doit être ouvert mais pas trop grand) où je me sens en sécurité, quand je suis dans mon pays de résidence ou en Suisse. Sans me sentir repliée sur moi-même, c'est mon espace de repos, de méditation, de création. J'ai appris à l'aimer et à l'utiliser positivement, à en avoir besoin aussi, régulièrement, pour me ressourcer.
Par ailleurs, étonnamment, j'adore voyager, être dehors, dans des régions et pays inconnus, parmi de parfaits inconnus, dans d'autres cultures, avec l'infini devant moi où je sens que je peux aller au bout de l'horizon. J'aime ces grands espaces ouverts devant moi, ce sentiment de liberté incroyable.
J'ai rencontré tellement de gens gentils dans mes voyages. J'aime m'asseoir sur un banc dans une ville et juste regarder les gens passer. Il n'est pas rare qu'une personne s'assied à côté de moi et qu'on commence à parler, simplement, agréablement. Bien sûr, parfois, c'est pour me soutirer quelques sous mais là, j'ai appris à dire non avec un sourire !
En voyage, je peux être moi-même. Le sourire qui attire un sourire, une gentillesse qui en attire une autre, un partage, des échanges agréables. Bien sûr, je garde les yeux tout le tour de la tête en mode vigilance mais cela est valable partout dans le monde, même au coin de ma rue.
Avec les années et bien de la thérapie, je vis aujourd'hui le coeur en paix mais je sais que, si j'entends de la violence verbale, par exemple, je fige et mon sang peut commencer à tourner plus vite dans mes veines. Mes muscles se contractent et ma propre violence de protection commence à monter, me préparant à ne pas me laisser marcher dessus, ou à défendre la personne qui se fait agresser.
Je reste cependant figée, sidérée, à moins qu'on me pousse à bout. Je risque alors de piquer une colère et me manifester clairement par les mots mais c'est rare. Je préfère respirer profondément, envoyer de la belle énergie dans la situation, rester calme et tenter la discussion car je sais que la violence attire la violence, l'amour attire l'amour.
Et moi, je veux vivre dans l'amour, depuis et pour toujours.
Et vous, comment réagissez-vous face à l'adversité ?
De tout coeur
©Dominique Jeanneret
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