Après que les banques aient, en dépit de leur position idéale, abandonné pratiquement toute velléité de devenir des fournisseurs d'identité numérique, on pouvait imaginer que les géants du web se mettraient sur les rangs. Le premier candidat sérieux est toutefois assez inattendu, puisqu'il s'agit de l'éditeur de la messagerie sociale Telegram.
Une fois l'effet de surprise dissipé, il faut reconnaître que les arguments de la startup pour justifier cette irruption dans un domaine aussi éloigné de ses origines ne manquent pas d'une certaine logique. Après tout, la marque de fabrique de Telegram est la sécurité de bout en bout qu'elle garantit aux échanges menés sur sa plate-forme. Bien qu'elle soit parfois mise en doute dans des affaires criminelles, elle constitue une valeur sur laquelle il peut sembler raisonnable de capitaliser, en lançant de nouveaux services.
Dans un premier temps, les fonctions offertes restent modestes. Elles se limitent en effet à l'enregistrement et la conservation – dans un espace en ligne sécurisé auquel seul le propriétaire a accès – d'informations personnelles, (de photographies) de documents d'identité et autres justificatifs. Les sites web et applications mobiles qui requièrent une identification peuvent alors demander à l'internaute de leur donner accès aux pièces dont ils ont besoin, qu'ils devront cependant eux-même vérifier et authentifier.
Naturellement, Telegram n'a pas l'intention de s'en tenir à ces préliminaires, dans ce qui ressemble à une intéressante démarche expérimentale. Selon l'intérêt des adeptes de la messagerie et des entreprises ayant l'utilité d'une solution d'identité numérique, la jeune pousse indique qu'elle introduira prochainement une capacité tierce de contrôle des informations fournies. Dans cette hypothèse, il deviendra donc possible de confirmer son identité sans avoir à transmettre les données et documents personnels.
Pour espérer convaincre individus et entreprises de se convertir à son Telegram Passport, la jeune pousse devra préalablement justifier qu'ils peuvent lui faire confiance. Sa réputation en matière de sécurisation des données y contribue mais elle ne suffira pas. Pour la renforcer encore, elle promet en outre d'adopter ultérieurement une infrastructure de cloud décentralisé pour l'hébergement des données, ce qui ne surprend pas quand on connaît son penchant pour la blockchain. Le plus important sera cependant le choix des « certificateurs » d'identité, quand ceux-ci seront mis en place.
L'annonce de Telegram porte une certaine ironie lorsqu'elle précise que ses cibles privilégiées pour le déploiement de son concept d'« identité as a service » sont les établissement financiers (aux côtés des ICO – « Initial Coin Offerings »). Ainsi, son premier partenaire est une plate-forme de paiement en ligne, ePayments, et il est aisé de concevoir que d'autres acteurs de la FinTech puissent rapidement s'intéresser à l'initiative, au grand dam des banques traditionnelles qui auraient pu jouer là une carte facile.
En pleine ère « digitale », le besoin d'une identité numérique fiable et simple d'usage est plus que jamais critique. Pourtant, les tentatives dans cette direction sont étonnamment peu nombreuses et aucune solution ne semble devoir s'imposer à court terme, surtout à une échelle mondiale. Alors, même si Telegram n'est pas la meilleure candidate a priori, elle a tout de même pour elle quelques atouts, qui lui apportent de la crédibilité et lui donnent une chance de prendre une place enviable de pionnière.