Le 14 mai 2018, l’ONG Oxfam a publié un rapport qui montre que la France est le pays qui traiterait le mieux ses actionnaires, et aurait rattrapé le montant des dividendes d’avant la crise de 2008 (voir les surpasser) et que certaines sociétés iraient jusqu’à distribuer des dividendes en situation de perte. L’ONG Oxfam est, à l’heure actuelle, l’une des plus riches du monde avec un chiffre d’affaire de plus de 500 millions d’euros . et 1.07 milliards d’euros de ressources, la plaçant au second rang selon NGO Advisor.
Une méthode critiquable ?
Les propos tenus dans le rapport d’Oxfam ont déclenché » une polémique dans certains journaux, dénonçant une attaque contre le CAC 40. En revanche l’Etat français n’a pas souhaité se prononcer sur ce type d’attaque informationnelle. Marc Vignaud dans Le Point recentre ainsi le débat :
« Disons-le tout net, le rapport d’Oxfam sur les dividendes versés par le CAC 40 est trop idéologique pour être tout à fait honnête. L’ONG, qui sera bientôt dirigée par Cécile Duflot, nous livre, en collaboration avec le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic),un soi-disant scoop : après le paiement des salaires et de leurs charges, les entreprises du CAC 40, mondialisées et très profitables, versent l’essentiel de leurs profits, non à leurs salariés, mais… à leurs actionnaires ! Mais le profit, c’est justement ce qui reste à l’entreprise, soit pour réinvestir, soit pour rémunérer les actionnaires, soit pour faire participer ses salariés aux bénéfices, mais après les avoir déjà payés en salaires… »
Le buzz orchestré par les soutiens d’Oxfam a trouvé des relais favorables, allant de la caricature de société du CAC40 à des articles vantant la qualité de l’étude ou demandant la fin du verrou de Bercy tout comme repenser la répartition de la valeur au profit du salarié. Notons au passage que dans les semaines qui suivirent, des entreprises du CAC tenaient leur réunion d’actionnaires. Peu après cette affaire, un projet de loi pour faire sauter le verrou de Bercy était proposé par un député LREM et plus récemment un projet de loi visait à vendre la participation de l’Etat dans Engie (fortement visé par Oxfam), ADP et FDJ.
Ce rapport a suscité beaucoup de critiques, notamment sur la méthode d’analyse de l’ONG :
- Le CAC ne représente pas l’intégralité des entreprises française, analyser les 40 sociétés du CAC ne revient donc pas à analyser l’ensemble du tissu industriel français.
- Concernant les sociétés analysées, la répartition de la valeur en leur sein est difficile à analyser du fait que leur chiffre d’affaire n’est que peu réalisé en France.
- Le partage de la valeur, avancé dans le rapport, est une chose louable et justifiée mais l’analyse de la valeur n’est pas vue d’une façon globale dans le rapport. En effet, il serait judicieux d‘intégrer aussi la part captée par le salarié via le revenu, la participation, les bonus, les Comptes épargnes entreprises, etc.. et non se focaliser sur le dividende comme le rapport le fait. Considérant que selon l’OCDE, le salaire en France a augmenté plus vite que la productivité, il semble donc important d’intégrer cette notion dans l’évolution de la valeur afin de la comparer à l’évolution du dividende depuis 2008.
- En France, la seule valeur de l’actionnaire est le dividende, alors que dans d’autre pays les actionnaires perçoivent d’autres revenus du capital que le dividende. En effet aux Etats-Unis, il faut considérer la plus-value ce qui n’est pas pris en compte dans l’analyse du rapport.
Ce n’était pas la première fois que la méthode utilisée par Oxfam était critiquée. Ce fut le cas en 2015 à propos de la répartition des richesses dans le monde. La critique rebondit en 2017 lors de la publication par Oxfam d’un rapport « choc » sur les inégalités sociales. En juin 2018, c’est au tour du préfet des Alpes maritimes de dénoncer le mode opératoire d’Oxfam à propos du débat lancé par Oxfam sur le mauvais comportement des forces de l’ordre à l’égard des migrants qui cherchent à pénétrer illégalement en France. Georges-François Leclerc accuse les ONG qui ont un point de vue « essentiellement politique » et qui sont « peu recommandables », comme Oxfam.
Des soupçons de collusion avec des intérêts privés
Ces accumulations de polémiques laissent planer quelque doute sur le bien-fondé des discours à vocation « humanitaire » d’une telle ONG. S’il est relativement facile de dénoncer l’accaparement historique de la richesse par une minorité d’individus, il est plus compliqué de ne pas faire de cette cause « facile » à vendre un véritable « fonds de commerce ». Et lorsqu’on est sur une telle ligne de crête morale, on n’a pas droit à l’erreur. L’ONG Oxfam n’est pourtant pas si bien placée pour faire la morale aux autres. En février 2018, une série de révélations ont fortement écorché son image. Accusés d’abus et de malversations commis en Haïti après le séisme de 2010, sept employés d’Oxfam en Haïti ont du quitté l’ONG. Quatre ont été licenciés pour « faute grave » et trois ont démissionné. D’autres révélations ont émergé à la suite de cette affaire. Selon le quotidien Le Monde, d’autres employés d’Oxfam ont été accusés d’avoir commis des viols au cours de missions humanitaires au Soudan du Sud et des abus sexuels au Liberia. En 2017, « 87 rapports d’incidents » ont été remontés au sein de l’ONG au Royaume-Uni et à l’étranger. Cela va d’affaires « mineures » à des affaires « très graves », selon M. Goldring, le directeur général d’Oxfam.
Dans le même temps, l’ONG Oxfam n’a pas fait beaucoup d’efforts pour discourir sur d’autres anachronismes. L’entreprise américaine Tesla perd 2 milliards de dollars en 2017 mais pourtant continue à voir sa capitalisation boursière croître pour atteindre 52 milliards de dollars. Ce paradoxe place l’entreprise au même niveau de capitalisation que General Motors et donc la protège contre d’éventuelles OPA.
Des anciens membres de la branche britannique d’Oxfam ont laissé de côté leurs principes humanitaires pour se lancer dans la politique en participant à des gouvernement anglais qui n’ont pas particulièrement fait bouger les lignes en matière de lutte contre les paradis fiscaux ou de redistribution de la valeur. D’autres anciens membres de cette ONG se sont reconvertis dans la finance. Le soupçon de malversation financière a affecté aussi une personne de l’équipe dirigeante de l’ONG. Au début de l’année 2018, l’ancien président du Guatemala, Alvaro Colom, ainsi que son ministre des Finances de l’époque, Juan Alberto Fuentes Knight, qui préside alors Oxfam International, ont été arrêtés dans le cadre d’un scandale de corruption.
L’examen de la liste des donateurs d’Oxfam révèle aussi des amitiés sulfureuses à l’image de Georges Soros, ex-financier de renom ayant été formé à Londres et est surtout connu en France pour certains raids menés contre les entreprises du CAC et l’Etat français.
Benoit Ligier
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