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La presse allemande et le roi de Bavière en 1876 au regard de Victor Tissot.

Publié le 31 août 2018 par Luc-Henri Roger @munichandco

La presse allemande et le roi de Bavière en 1876 au regard de Victor Tissot.

aus dem Ulk: illustriertes Wochenblatt für Humor und Satire, 1874 , Nr. 33

Musique des hautes sphères. Duo musical.  Otto (von Bismarck) à Louis: Ah, il est si difficile de se quitter!


En 1876, Victor Tissot publiait Les Prussiens en Allemagne (chez E. Dentu, à Paris), un ouvrage qui faisait suite à son célèbre Voyage au pays des milliards. Excellent connaisseur des affaires allemandes, il y consacre plusieurs pages au roi Louis II de Bavière.
En voici un premier extrait dans lequel il montre comment la Prusse de 1876 s'applique à contrôler la Bavière et son roi  au moyen de la presse. (Extrait d'une édition de 1878 chez L. Schulz et Fils à Paris,  pp. 245-246).
"Maîtresse de l'armée et de l'école, la Prusse a voulu être maîtresse de la presse. Elle acheté des journaux, elle en a fondé, et elle entretient à Munich un bataillon de journalistes qui combattent pour elle et surveillent de près les « ennemis de l'empire ». Le roi est soumis à un contrôle très-sévère, et quand il s'écarte du chemin qui conduit de Munich à Berlin, il faut entendre les admonestations qu'on lui adresse! On lui fait croire que l'hydre de l'ultramontanisme va le dévorer tout vif et que Rome et la France l'attendent au coin d'un bois, l'escopette au poing. Louis II rentre alors en lui-même et dans le bon chemin. Un journal berlinois lui disait dernièrement qu'il serait un lâche et un imbécile (sic) et qu'il deviendrait « le valet de la prêtraille » s'il tolérait un ministère catholique. 
Le Tagblatt de Berlin écrivait à la même époque qu'en Bavière il y a deux souverains : l'un qui se nomme Louis II, est un roi constitutionnel ; l'autre, un jeune homme à l'esprit extravagant, est connu dans le peuple sous le sobriquet de Huber. Et la prophétesse inspirée par M. de Bismarck, la Gazette de l'Allemagne du Nord, faisait entrevoir l'éventualité où « un poing vigoureux (eine nervige Faust), armé d'une éponge énorme, passerait sur les poteaux bleu et blanc des frontières bavaroises, et renverserait d'un seul coup la table où un ministère patriote serait en train de manger ». 
Les journaux charivariques de la « capitale de l'intelligence » ont de tout temps égayé leur public aux dépens du roi de Bavière. Ils le représentent quelquefois sous les traits d'un guerrier de l'Iliade, remontant péniblement le penchant d'une montagne escarpée, en soulevant avec effort le fameux casque à chenille, conservé par l'armée bavaroise. Au sommet de la montagne, un soldat coiffé d'un casque à pointe barre le passage au Sisyphe royal et lui dit : « Tu t'uses en puérils efforts. » 
L'Ulk, de Berlin, montrait, il y a un mois, S. M. Louis II travesti en Lohengrin et les deux pieds posés sur deux meubles de table de nuit. 
Le roi dit aux habitants de Füssen qui avaient décoré leurs maisons pour le recevoir : « Je ne veux que des couleurs bavaroises dans mon royaume, » le Kladderatsch [sic pour Kladderadatsch] montra Louis II occupé à peindre les poteaux de ses frontières. Les deux pots à couleurs (bleu et blanc) avaient la forme de pots de chambre, et on lisait sous la caricature cette légende insolente : Farben und Pinzel, ce qui veut dire Couleurs et Serin. Les almanachs pour l'an de grâce 1876 sont aussi remplis de planches odieuses contre la dynastie des Wittelsbach. L'almanach du Daheim donne, comme pendant au portrait de Kullmann, le portrait de la reine douairière de Bavière, qui a commis le crime de se convertir au catholicisme. Ce sont là de petits faits, mais ils montrent où l'on veut en venir. On mine de tous côtés la monarchie ; on met tout en œuvre pour séparer le roi de son peuple ; on cherche enfin à faire comprendre aux Bavarois que leur souverain véritable est l'empereur ; que si la Bavière existe encore , c'est par la grâce de l'empire, et que hors de l'empire il n'y a point de salut."

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