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Prélèvement de l'impôt à la source : une usine à gaz et toujours pas de vraie réforme fiscale...

Publié le 06 septembre 2018 par Albert @albertRicchi
Un usine à gazAdresser une lettre ou un email à 35 millions de personnes pour annoncer le prélèvement de l'impôt à la source prenant effet au 01/01/2019 et dans le même temps douter du bien-fondé de cette mesure, on ne peut que s’interroger sur cette tragi-comédie gouvernementale qui a duré une dizaine de jours et dont le but reste assez opaque.
 Pâle copie de systèmes fiscaux étrangers où l'impôt sur le revenu est infiniment plus simple qu'en France, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont finalement confirmer le 4 septembre dernier la mise en place du prélèvement de l'impôt à la source, initié sous le quinquennat de François Hollande…

Le prélèvement de l’impôt à la source est avant tout une usine à gaz coûteuse et une mesure peu adaptée à la France qui a un système fiscal très complexe avec notamment l’existence de 457 niches fiscales et de nombreuses autres déductions fiscales. Cette mesure ne va absolument rien changer à une fiscalité des revenus qui va demeurer très injuste.

Le prélèvement à la source serait simplificateur et source d’économie : faux !

Ce sera un véritable casse-tête pour les entreprises, surtout pour les plus petites qui devront coûte que coûte se munir de nouveaux logiciels et qui seront contraintes de demander de nouvelles prestations à leur comptable qui vont donc entraîner des coûts supplémentaires qui leur seront évidemment facturés. L’employeur, transformé en agent du fisc, va connaître le taux d'imposition de chacun de ses salariés, donc une estimation des revenus de chaque foyer. Une indiscrétion d'autant plus inadmissible, qu'elle influencera nécessairement les négociations salariales. Si par exemple dans le cas d'un salarié dont le conjoint gagne très bien sa vie, comment imaginer que cela n'incitera pas le chef d'entreprise ou le DRH à penser que le salarié en question n'a pas besoin d'augmentation de salaire, son conjoint gagnant bien sa vie !  Il est aussi évident que le prélèvement à la source va créer des tensions sociales au sein de l’entreprise où les relations risquent de se dégrader. Lorsque les salariés verront leur salaire net baisser, ils considéreront qu’ils sont mal payés. Or, la plupart n’iront pas se plaindre au fisc responsable de cette amputation mais auprès de leur employeur.

Le prélèvement à la source serait un progrès social : faux !

Dès qu’un salarié connaîtra un changement dans sa situation familiale : mariage, divorce, naissance d’un enfant, décès, etc., l’entreprise sera immédiatement informée et devra adapter le seuil de l’impôt. Cela pose un vrai problème d'atteinte à la vie privée car les employeurs et les services comptables des entreprises n’ont pas à connaître la vie de famille de leurs salariés, à commencer par le niveau de revenu du foyer. 
De plus, les différentes déductions fiscales ne pouvant être prises en compte dans le taux de retenue à la source, l'Etat ponctionnera souvent trop d'impôt, chaque mois, sur le salaire ou la retraite, et il faudra attendre des mois avant d'être remboursé. Pire, beaucoup de ménages qui, compte tenu des déductions fiscales, sont aujourd'hui sous la barre de l’impôt ne le seront plus demain. Ils se retrouveront ponctionnés à la source et devront attendre avant d'obtenir un remboursement.  

Le prélèvement à la source serait moderne : faux !

Cela fait belle lurette que l’impôt est prélevé à la source en France. L'impôt principal s’appelle la contribution sociale généralisée (CSG) qui n'est même pas progressive et dont le rendement est supérieur à l'impôt sur le revenu (près de 100 milliards d’euros par an, soit 25 milliards de plus que l’IR) !En réalité, la France est un des rares pays au monde où le contribuable subit plusieurs impositions sur le revenu : l’IR stricto sensu, la CSG, la CRDS et même la taxe d’habitation (au moins partiellement) qui tient  compte des revenus du contribuable. Or, à l’étranger, l e prélèvement à la source s’apparente beaucoup plus à la CSG qu’à notre vieil IR. 

Emmanuel Macron refuse de faire une véritable réforme fiscale 

Une véritable réforme de l’IR passerait par des mesures courageuses introduisant plus de justice fiscale mais Emmanuel Macron se garde bien de les mettre en œuvre, comme en son temps son mentor, François Hollande : 

Rendre l’impôt sur le revenu plus progressif

L'IR souffre toujours d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4 tranches d’imposition : 14% (9 701 à 26 791 €), 30% (26 792 à 71 826 €), 41% (71 827 à 152 108 €), et 45% (152 108 € et plus). Le simple rétablissement des quatorze tranches, supprimées par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures à celles rapportées chaque année (76 milliards  € représentant seulement 19,6 % des recettes de l'Etat). 

Remplacer le quotient familial par une déduction d'impôt uniforme

L’IR est calculé en fonction du quotient familial (QF) qui est un mécanisme qui prend en compte la taille de la famille mais qui a pour défaut de subventionner davantage les familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant proportionnelle au revenu dans la limite d'un plafond.

Supprimer le quotient conjugal

L’IR est modulé aussi en fonction du quotient conjugal (QC) qui consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. Le QC réduit ainsi fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important. 

Supprimer les niches fiscales 

Elles sont évaluées à plus de 70 milliards € sans compter les différentes exonérations fiscales accordées aux entreprises. Si quelques niches répondent à un souci d'équité ou à des mesures économiquement utiles, la plupart d'entre elles permettent surtout à une minorité de personnes de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine important. Emmanuel Macron n'a jamais imaginé un seul instant qu’avec la récupération même partielle de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les intérêts annuels de la dette publique qui se montent à 50 milliards €…

Lutter contre la fraude fiscale

La fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et 80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux.  Comme on le voit, les chantiers d'une véritable réforme de l'IR sont nombreux mais Emmanuel Macron ne fait aucune proposition sérieuse pour changer un système fiscal profitant d'abord aux personnes et familles les plus aisées et rapportant de moins en moins. Les seules mesures prises concernent la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, la suppression de l'exit taxe créée en 2011 pour dissuader les Français d'installer leur foyer fiscal à l'étranger et la création d'une taxe allégée sur les revenus financiers, soit au total près de 10 milliards € de recettes budgétaires en moins chaque année… 
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