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Contradictions françaises sur le développement des territoires

Publié le 07 septembre 2018 par Infoguerre

Contradictions françaises sur le développement des territoires

L’évolution de la compétition mondiale a modifié le de développement des territoires. Jusqu’à la fin du siècle dernier, les Etats étaient dans la très grande majorité des économies de marché, les grands maîtres d’œuvre de la stratégie dans ce domaine. Cette légitimité a été acquise en plusieurs étapes échelonnées au cours des siècles : la construction de l’unité nationale, l’unification des systèmes de taxation entre territoires d’un même Etat, maillage des moyens de communication et de transport, politique d’aménagement du territoire, mise en valeur de l’attractivité pour attirer des capitaux étrangers. Dans le cas de la France, la construction européenne a ajouté une nouvelle dimension à cette problématique. La restructuration des régions qui est entrée en application en 2016, a été une réponse au besoin de donner une taille critique aux territoires français, à l’image des Länder allemands.

Cette réforme reflète la difficulté que la classe politique française à affronter ses propres contradictions. La première est son incapacité à dissocier ses angoisses historiques de la nécessaire révolution des idées à opérer dans notre stratégie pour ce pays. Les politiques continuent à donner la priorité absolue à la cartographie administrative et à ses retombées électorales. La vision géoéconomique quand elle existe se polarise sur le maintien de l’unité nationale. Concrètement parlant, si on prend l’exemple du Grand Est, l’axe Strasbourg-Metz est contrebalancé par l’axe Nancy-Reims. Paris se méfie de la dynamique marchande et industrielle qui chemine entre l’Alsace, l’ancienne partie allemande de la Lorraine, les pays rhénans et la Suisse. La crainte d’une reconquête silencieuse de nature germanique de cette partie de la France.

La création de l’entité régionale du Grand Est doit en principe censée parer à ce risque.  Et l’Etat français sait s’y prendre pour faire comprendre à certains décideurs politiques et économiques alsaciens que le moindre écart à cette ligne de conduite serait interprétée comme une dérive autonomiste. Mais dans la réalité, que se passe-t-il ? La dynamique résultant de l’axe Strasbourg-Metz est bridée par des arrières pensées « patriotiques ». La vieille classe politique alsacienne, portant encore les stigmates de la seconde guerre mondiale, est incapable pour l’instant d’apport une réponse crédible, si ce n’est par la volonté d’exercer un lobbying afin de fusionner les deux départements et donner à l’Alsace une position plus forte au sein du Grand-Est.

De leur côté, les villes de Nancy et Reims ont bien du mal à concrétiser un axe pertinent d’échange et de créativité économique. Certains politiques de Nancy continuent à se nourrir du traumatisme hérité des bouleversements territoriaux de la guerre de 1870. Nancy est resté française et Metz est devenue allemande… Mais ce type d’enlisement idéologique ne favorise pas pour autant un quelconque dynamisme du côté des entreprise locales. La Lorraine » française » ne se porte pas très bien à l’image du département de la Meuse. Que dire des zones limitrophes comme les Vosges ou les Ardennes. Si le découpage administratif du Grand-Est est une garantie pour le maintien d’une certaine intégrité territoriale de cette partie de la France, il ne génère pas de stratégie de rebond ou d’élargissement des zones actives par rapport aux zones en difficulté ou en décomposition lente.

Faute de pouvoir unifier des élites régionales dans une démarche à géométrie variable, le système politique qui préside la destinée du Grand Est se débat dans ses contradictions géographiques. On ne construit pas une dynamique industrielle de Land allemand à partir d’une grille de lecture administrative très marquée par les relents de l’Histoire et une vision de la puissance qui reste ancrée à la garantie des frontières historiques de la France.

Le développement des territoires implique aujourd’hui une capacité d’accepter la géométrie variable des zones d’activité efficaces et productives, y compris dans un cadre transfrontalier.  Le cas du Grand Est fait figure d’exemple parmi d’autres. Il existe d’autres territoires dans l’hexagone, qui présentent des caractéristiques comparables. Dans la perspective d’une recomposition de la stratégie de développement territorial, il est nécessaire de les laisser s’épanouir comme les Chinois avaient su le faire avec leurs zones économiques spéciales. Il ne s’agit pas en l’occurrence de zones franches mais de maillage d’activités et de liaisons marchandes qui peuvent servir de base d’appui à l’essor d’entreprises et de levier la création d’emplois.

Christian Harbulot

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