Au sommet de la pyramide Khéops, en Egypte, dans les années 20.
A l'époque où l'escalade des pyramides de Gizeh était encore permise et où les touristes, en particulier les britanniques -- du fait de l'Occupation militaire de ceux-ci sur le territoire égyptien--, la faisaient avec costumes trois pièces, robes et talons.
Photo ci-dessus : des touristes prennent le thé (1938)
En même temps qu'il profane un lieu, le tourisme lui confère une nouvelle sacralité, mais sans dieu (dieux). Dans beaucoup de pays, et même le nôtre, la muséification des lieux de visite est d'apparition très récente. Je pense à Carnac, au pont du Gard qui, il y a peu, étaient libres d'accès tels des éléments naturels du décor. Il faudrait un érudit comme Michel Foucault pour désigner le moment, l'endroit exact où le basculement historial a eu lieu, d'une sacralité en déshérence à une résurgence du sacré sous forme de pèlerinage touristique, le sentiment esthétique ayant suscité la notion de patrimoine et tout son appareil de mise en valeur, qu'il soit didactique, muséal ou même logistique.
Monter au sommet d'une pyramide paraît inconcevable à un siècle de distance. Y prendre le thé ! Encore que cette nouvelle croyance patrimoniale est également l'ordre de la consommation de type colonial. La dose d'exotisme de ces images sépia qui font sourire (ou pas) s'ouvre sur un univers de flux touristiques incessants qu'il faut canaliser, diriger, satisfaire dans son désir de sacré. Le lieu d'histoire devient ainsi un non lieu, un endroit qu'on a vu et qu'on authentifie d'une photo (d'un selfie). Procédé magique de la mise en valeur avec archivage personnel de la présence. le touriste est passé, reste la photo mille fois partagée comme les sandales d'Empédocle. Le colonialisme est l'ancêtre du tourisme de masse et le définit encore, même si les sacralités se sont déplacées.