L’absence de variation topographique et la monotonie paysagère de la Plaine de Beauce cachent un monde en relief : celui du productivisme agricole mondialisé, d’une région que l’Etat et l’Union européenne ont progressivement transformé en grenier à blé de l’Europe. En une centaine de pages, sept portraits et quelques scènes du quotidien, le géographe Gatien Elie parvient animer cet espace apparemment plat.
Derrière les machines, des hommes – ou plutôt des chefs d’exploitation. C’est un monde quasi exclusivement masculin, rythmé par l’évolution de la technologie, les cours des prix, les rencontres avec les agronomes, les assureurs, les banquiers… Derrière l’orge, le blé, le colza, les machines sont toujours plus sophistiquées et plus chères, et les produits phytosanitaires omniprésents.
A l’horizon de la Beauce, on voit apparaître l’argent bien sûr, mais aussi la charge mentale des impératifs de production, l’angoisse de l’endettement, de la dépression, du cancer, de l’isolement conjugal, et l’envie d’ailleurs. Malgré tout, « tous continuent. Au rythme des saisons. Inexorablement. Ils poursuivent dans la même direction, celle du productivisme, ils maintiennent le cap, celui de l’augmentation des rendements pour des consommateurs de plus en plus abstraits et lointains. » La Plaine retrace ainsi l’histoire, la géographie et la sociologie du morne consentement au capitalisme de la terre.
Cécile Gintrac
Gatien Elie, La Plaine. Récits de travailleurs du productivisme agricole Editions Amsterdam, Collection L’Ordinaire du capital, 154 pages, 12 €
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