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Carrousel du vent, de Marc Agron

Publié le 15 septembre 2018 par Francisrichard @francisrichard
Carrousel du vent, de Marc Agron

Donnant libre cours à sa plume, il confond les époques, il écrit au présent, qui à peine transcrit devient le passé, parcourant les pays et les langues...

Il, c'est Maks. Libraire de son état, à l'enseigne de Cosmos, dans une ville suisse de l'Arc lémanique, originaire de l'ex-Yougoslavie, il a quitté son pays peu après la mort du Maréchal Tito, qui a suivi celle de Luka, son père.

C'est la visiteuse aux yeux verts, la porteuse d'histoire à la corpulence généreuse qui l'a incité à écrire sur celui qu'il appelle père, en lui mettant des feuilles sous le nez pour qu'ils les noircissent. Il a cru qu'elle s'en était allée, mais non.

Alors il se souvient: Se souvenir, c'est accepter de ne pas mourir seul. Il ne lui reste plus qu'à ramasser les miettes et à faire d'elles un pain perdu. L'on pense à tort que les mots se volatilisent et que seuls les écrits restent...

Sa mémoire, fût-elle en cavale (il se sert tout de même de notes qu'il a prises dans un carnet vert...), à force de persévérance, lui permet d'accéder au coeur de son être et de franchir une étape de sa mutation personnelle.

Ce n'est finalement pas en laissant dormir le chagrin qu'il peut y parvenir. Il doit se faire créateur, c'est-à-dire partir de rien: Il voudrait inventer les mots qui donnent les couleurs au vent, les formes au silence, une voix à la mémoire.

Sinon Maks, du moins Marc Agron le fait très bien à sa place, et avec humour, ce qui, c'est connu, rend tout supportable. Il fait remonter Maks sur le carrousel de son enfance tout en le faisant tourner sur celui d'aujourd'hui.

Alors, c'est vrai, c'est une histoire sans queue ni tête, gribouillée, mâchouillée, décatie, fleurie, déshabillée et revêtue, à la recherche de la phrase juste, d'une couleur adéquate, d'une sonorité agréable à l'ouïe, mais c'est plus que ça.

C'est aussi une satire du monde d'hier, notamment communiste, et du monde d'aujourd'hui, notamment artistique et littéraire; une réflexion sur le temps qui, après des pauses, se remet à virevolter, Carrousel du vent, et peut faire chuter:  

Être plus âgé que son père, c'est le déchirement, la perte de l'innocence. C'est la descente du sommet qu'on avait gravi la moitié d'une vie pour regagner la plaine...

Le roman reste bien sûr inachevé...

Comme le disait à Maks le peintre Music, à qui il avait demandé chez le grand galeriste Ditesheim pourquoi il ne finissait jamais ses toiles:

Aucune oeuvre n'est terminée tant qu'il y a de la vie.

Francis Richard

Carrousel du vent, Marc Agron, 224 pages, L'Âge d'Homme

Livre précédent:

Mémoire des cellules (2017) L'Âge d'Homme


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