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Train et d’autres amours III

Publié le 09 juillet 2008 par Madelgado

1ère partie et 2e partie

Ce ne fut qu’après lui avoir parlé que je me suis souvenu de que j’étais accompagné d’un ami, qui était allé à la plage et qui en retournait avec moi, toujours à mon coté. Je vous avoue qu’il avait été offusqué par elle.

C’était quand il est arrivé, hébété et complètement surpris d’avoir eu courage de lui parler et de ne pas encore avoir reçu une gifle sur l’oreille.

Putain, c’est que…

J’ai même pas commencé à parler, il avait déjà tout compris.

Pas de problème. Allez-y, mon vieux. Puis on se rencontre au hostel.

Et il s’est éloigné.

Elle, qui sera dorénavant appelée Lis, a trouvé tout ça un peu étrange, mais tout de suite a souri et dit :

Moi aussi, je préfère comme ça.

Hébété.

Écoute, je connais très peu Amsterdam, mais j’ai vu un tas de cafés dans cette direction-là.

Ne t’inquiète pas, moi je connais un tout petit peu. Près d’ici, y a un lieu qui est pas mal du tout. Si ça te gêne pas, on pourrait marcher.

Pendant la marche, la conversation a déployé. Moi, dans ma petite expérience amoureuse, je sais que c’est quand la conversation se déploie que vous avez besoin de vous en préoccuper. Autre motif pour penser qu’elle était/est la femme de ma vie.

Avant même d’être arrivés au café, elle savait déjà quelques choses intéressantes sur moi. Par exemple : il était mon anniversaire.

Je te ferai un cadeau que tu n’oublieras jamais.

Et je n’ai jamais oublié, surtout parce qu’elle m’a rattrapé par mon talon d’Achille : la nourriture (je dis et je répète ça souvent : mon péché préféré est la gourmandise). Elle m’a donné mon premier pot de Häagen Dazs. Du chocolat suisse avec des noix de cacao et des petits morceaux entiers de truffe… Repas des dieux. Je me suis senti jadis avec un pied dans le paradis.

Mon cadeau n’a été pourtant donné qu’après.

Toujours au café, ambiance réservée, on s’est assis dans un coin, loin de tous. Au contraire de ce que j’ai l’habitude de faire, j’ai pris la place d’à son coté. La première fois je m’assois toujours en face de la fille par plusieurs motifs particuliers. M’assoir à coté prescinde déjà un peu de confiance, choses qu’on acquiért après avoir eu une bonne conversation. Avec elle, j’en étais déjà sûr.

Si la conversation, lors de l’allée au café, avait déjá déploié, les deux assis c’était encore mieux. Lis m’a raconté toute sa vie. De parents cubains, elle est née à Havanne, d’où ils se sont échappés lors de son infance, vu qu’ils étaient des anticastristes. Ils ont pris deux kayaks ouverts, l’un pour la famille et l’autre pour leurs biens, et se sont dirigés en haute mer vers les États Unis. Ont débarqué à Floride et ont fini par s’installer à Miami, où, par hasard, elle est dans cet instant-là.

Elle y est passée sa jeunesse et aux 16, 17 ans est allée vivre à New York pour étudier. Est entrée au conservatoire de musique de la ville (dont le nom je me souviens plus). Avec des amis, a monté un groupe, qui peu à peu a eu du succès. Il y a eu quelques concerts à New York et à d’autres villes importantes de la région jusqu’à ce qu’ils ont signé avec un label musical hollandais (voilà la Hollande qui commence à se faire expliquer). Ils sont allés en Europe, y ont fait quelques concerts et, pour enregistrer leur premier CD, ont déménagé à Amterdam. Lis y a habité à peu près deux ans.

CD enregistré, ils ont continué à faire du succès et, par des motifs de désaccord parmi les participants du groupe, elle est partie. Est allée habiter Paris, où a essayé de se faire une carrière solo. Ce fut quand, grâce à une rencontre des anciens amis, elle est allée leur rendre visite à Amstelveen. Le 9 septembre 2004, lors de mon anniversaire de 23 ans, elle a décidé de passer le jour tout seule pour réfléchir. Beaucoup de choses se passaient dans sa vie, lesquelles vont finir par postérieurement influencer mon histoire avec elle.

Les deux étions allés à Zandevoort aan Zee pour réfléchir. Elle à cause de tous ces motifs ; moi parce que je faisais 23 ans, j’habitais hors du Brésil pour la première fois et je décidais, comme je le fais presque tous les jours, quoi faire de ma vie.

Au café, le temps est passé en un clin d’oeil. Du coup, il était 20h (il faut ne pas oublier qu’en Europe, en été, le coucher du soleil n’est qu’à 22h).

Pourquoi on ne paie pas et ne profite pas qu’il y a encore de soleil pour nous promener.

Pas mal comme idée.

Elle m’a pris de la main et m’a conduit vers la rue. J’ai cru qu’on allait nous embrasser, mais c’était évident qu’elle était encore craintive. Peut-être parce qu’elle en avait peur, peut-être parce qu’elle avait été blessée d’une histoire du passé. J’ai décidé ne pas la pousser.

Elle m’a conduit par les rues d’Amsterdam, en me montrant ses lieux préférés et me racontant des histoires. Notre conversation semblait ne jamais avoir fin, ce qui, pour moi, était parfait. Même aujourd’hui, si la fille n’est pas bavardeuse (pas dans le sense de trop parler, mais dans celui de savoir bien parler), je finis par ne pas en vouloir plus.

Lorsqu’on est passé devant un supermarché, elle m’a pris de la main et on est entré.

C’est là que je vais t’acheter le cadeau dont tu n’oublieras jamais.

Häagen Dazs. Pas de commentaires.

On s’est assis sur l’escalier de la place d’en face et, avec les petites cuillères de plastiques offertes par la cassière du supermarché, on a dévoré le pot tout entier. Il faut que je dise que Häagen Dazs a finit par être vaincu par Persicco, d’Argentine, mais ça ne veut pas dire que ce premier pot-là, aux 23 ans, a perdu tout le symbolisme qu’il a pour moi. Tout au contraire.

Nos mains se sont touchés plusieurs fois. Nos regards se sont entre-croisés et se sont congélés l’un dans l’autre pas mal de fois, mais quand même j’ai senti qu’elle avait peur. J’ai continué à ne pas vouloir la forcer. D’autre part, j’ai perdu la compte de combien de fois elle a passé la main sur mon visage en geste de caresse.

Vers 23h, juste quand on était devant la catédrale de Amsterdam, avec les cloches sonnant les 23h, on a su qu’allait se passer quelque chose. Il y a eu entre nous, la première fois depuis qu’on s’est parlé, un silence. On s’est regardé fond dans les yeux, s’est approché et a évité d’avoir besoin de décider.

Tu viens avec moi jusqu’à la gare pour acheter mon billet ?

Bien sûr, quoi.

Chaque minute de plus avec elle était, pour moi, un plaisir.

Il y avait encore beaucoup de places dans le train. Elle a acheté le billet, a payé et, en me poussant d’à coté, m’a demandé :

Pourquoi tu ne viens pas avec moi à Amestelveen ? Tu pourrais rester chez mes amis sans aucun problème.

Quoi ? Quoi ? Quoi ? Je n’arrivais pas à croire à ce que j’avais écouté. Au même temps et par contre, un tourbillon de pensées, qui listaient pas mal de problèmes l’un après l’autre, a commencé de passer par ma tête. Argent : je n’avais que deux euros ; il fallait lui en prêter pour le billet et pour n’importe quoi d’autre chez ses amis. Vêtements : ceux que je portais, qui étaient sales. Vêtements : mes choses étaient restées cachées au Vondelpark, au milieu du bois, où j’avais dormi le soir pour ne pas avoir/vouloir épargner de l’argent. Passeport : dans le cabinet du hostel où j’allais dormir ce soir-là, une fois que j’y avais fait la réservation le jour avant. Amstelveen : c’est où ça exactement ? Amis : qui ? Mon ami : comment l’avertir ? Est-ce qu’il se préoccuperait de moi ? J’ai fort hésité.

D’un coté, j’avais trop d’envie d’y aller.

D’autre coté, je n’arrivais à voir que des tracas.

J’ai hésité. J’ai hésité. Et elle s’est rendue compte de que j’hésitais.

Aï, j’pas. J’ai pas d’argent, toutes mes choses sont là, mon ami va devenir fou pour savoir où je suis.

Écoute, c’est pas grave ça. Si tu crois qu’aujourd’hui c’est pas bon pour toi, tu peux y aller demain. Je te donne mon numéro de portable et tu m’appelles.

Ah bon ?

Bien sûr.

Elle m’a donc donné son numéro et j’ai décidé que ce serait mieux d’aller la rencontrer le lendemain.

Ma joie a été sans mésure. Pourtant, je ne savais même pas qu’avoir hésité et ne pas être allé a été une des plus grandes bêtises amoureuses que j’ai déjà faites dans ma vie, sinon la plus grande.

Néanmoins, de l’avenir je ne savais rien. Pour moi, on irait se rencontrer le lendemain et, qui le sait, notre passion en attente ébouillirait finalement.

On a pris congé l’un de l’autre sans nous être embrassé. Pas encore. Son regard, pendant le départ, n’a que certifié plus encore la certitude de que c’était elle. Quoique nous nous soyons pas embrassés (je sentais qu’elle le voulait mais ne le voulait pas à la fois), nous nous sommes touchés les mains l’un de l’autre jusqu’à ce qu’elle est montée dans le train.

suite…


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