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A la recherche de Marcel le ragondin ou la corruption des idées

Publié le 27 septembre 2018 par Alexcessif

« Longtemps je me suis couché de bonne heure…. »
L’incipit le plus célèbre de la littérature française n’est pas dédié à Marcel Proust mais à Marcel, le ragondin.
Rue des Pelourdes, de Gaulne, place Mareilhac , Boulevard Brandenburg, Place Maran soit 500 mètres à peine franchis et déjà je cale la bicyclette offensée devant la boutique du dealer de farine contre un platane et sous les yeux de la femme du boulanger.
«- Café ou chocolat ? » demande la pâtissière avec un sourire.
Le look tour de France/tour du quartier, culotté du cuissard rembourré au niveau de l’assise est d’un effet comique infaillible sans la bécane en dessous.
« -Les deux ! » Tranché-je devant ce choix impossible. Maintenant, j’ai une bonne raison de pédaler.
Je n’ai pas déjeuné, j’ai mal dormi et je suis parti sans eau. Dans l’obscurité du garage, du vélo et moi, j’étais le plus gonflé car la bicyclette poussiéreuse était à plat et semblait me faire le reproche muet de ne l’avoir pas enfourchée depuis l’été dernier.
7 kilos d’air dans chaque pneus me feront des semelles de vent et la selle rembourrée aux noyaux de pèches me promet une chevauchée fantastique. Je complète in extrémis mon équipement d’une paire de mitaines destinée à filtrer les vibrations de ce guidon qui deviendra vite un marteau piqueur.
Toujours prendre des gants…! Malgré le paquetage léger et l’absence d’eau, la bécane s’est doutée que la virée dépasserait le tour du pâté de maison. Pourtant même moi, toujours dans l’improvisation, ignorait la mesure, la rencontre et la surprise de cette sortie car je viens de décider à l'instant d’aller à la rencontre de ma chère et tendre en weekend chez sa mère à Damazan, Lot & Garonne puis de rentrer en voiture pour le trajet retour en sa compagnie. Mais qui sait si une surprise sera bonne ou mauvaise… ? Partir à bicyclette c’est faire, d’un saut de puce, une odyssée ! Mon tempérament grincheux pestant contre l’envahissement automobile devant la future cité du vin et la piste partagée piéton/vélo/auto/tram se fait oublier : avec deux roues, c’est l’enthousiasme qui prend le dessus sur les désagréments urbain. Et Marcel le ragondin dans tout çà ? A vrai dire je ne l’ai pas vu ! Je n’ai qu’une suspicion basée sur des racontars sur sa présence classifiée nuisible.
C’était à Villeton, un peloton de canetons remontait le canal vers la Fallote derrière maman cane. Sympatoche, cette cane et ses canetons en file indienne. Coin-coin,coin-coin, coin-coin, ça caquette à qui mieux-mieux.
Seulement, il y a la loi du canal. A l’heure où partout dans le monde le prédateur se rapproche d’un point d’eau, Simba dans le rift, Shere Khan aux rives de l’Indus et Marcel à Villeton. Son museau en périscope dessine un inquiétant sillage avant de disparaître en immersion.
Un coin-coin, puis deux coin-coin manquent et chaque trille manquant correspond à un caneton engloutis sous la surface spéculaire du canal tiré par ses petites palmes à peine formées dans la mâchoire de l’impitoyable Marcel.
Marcel* fait ses courses. Il a une famille à nourrir et sa position naturelle dans la chaîne alimentaire autorise ce prélèvement.
Cela, ajouté à ses qualités d’architecte aménageur des berges à son profit, dérange ici le pécheur, là-bas le promoteur. L’indigène primo occupant doit faire une place à l’envahisseur avec ou sans soucoupe. Ici et partout, dans la dictature de la démocratie, c’est le nombre qui fait loi. Marcel, que la controverse de Valladollid a déclaré sans âme, n’a pas été évoqué dans la publicité glacée des passeurs. Le migrant, qui a payé son ticket, inclus l’option tacite d’occupation et de jouissance de sa part de soleil. L’histoire l’a prouvé avec ou sans misère le migrant est toujours à terme une richesse. Il faudra juste que Marcel résiste un peu pour préserver son identité et sa culture. 100 bornes plus loin et trois heures plus tard, une dernière grimpette, un coup de rein dressé sur les pédales dans la posture dite "en danseuse" pour sortir du chemin de halage vers la départementale et retour en voiture. Last but not least Pas de bagnole dans le jardin, pas bon ça, pourvu qu’elle soit encore là. « -Kat est là ?
- Ah non, elle est partie depuis une heure ! »
C’est ça les surprises, c’est surprenant !
Avantage : je connais déjà la route !
Allez, cent bornes de mieux et dodo. Dure journée !"
*Le ragondin est végétarien mais quand on veut se débarrasser des indésirables, la vérité est anecdotique , la vraisemblance suffit Nota bene: Marcel le ragondin est un personnage créé par Luis Erasmo Diez Arias dont on peut suivre les aventures dans le journal Bacalan

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