Je souhaite également recevoir
les bons plans et offres partenaires
la newsletter des professionnelles
Benoit Biteau, agriculteur bio en Charentes, a fait appel sur sa page Facebook au financement participatif le 27 juillet pour sauver sa ferme. Il risquait la cessation de paiement le 31 août.
" Dans 35 jours, si non-paiement des aides dues par l'Etat à ma ferme, représentant un montant de 70 000 euros, je serais en situation de cessation de paiement et je cesserai les activités de la ferme, avec mise en vente des animaux, des bâtiments, du matériel, et licenciement du salarié ", écrivait-il avec désespoir. Son action a porté ses fruits puisque le gouvernement lui a versé début septembre une partie des aides, soit 43 000 euros (voir son interview TV sur www.francetvinfo.fr).
Selon lui, de nombreuses fermes sont dans la même situation, surtout parmi les nouveaux venus à la bio. Et ils étaient en effet nombreux, venus des douze départements de la région Nouvelle Aquitaine, à manifester mi-septembre à Limoges devant l'Agence locale de services et de paiement (ASP) chargée de verser, au nom du gouvernement français, les aides de la Politique agricole commune (Pac) co-financées par Bruxelles. Ils exprimaient leur désespoir. Symboliquement, ils ont déposé le bilan de la ferme bio.
Jusqu'à 90 000 euros d'aides non versées en 4 ans
Le phénomène n'est propre à la région Nouvelle Aquitaine, il est national. Philippe Grégoire Le Plessis, agriculteur en Maine et Loire, a lancé à son tour le 21 septembre un cri d'alarme car sa ferme était également en péril. L'Etat et la région lui doivent tout cumulé 90 000 euros pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018.
" On a signé un contrat d'engagement avec l'Etat, il n'a pas été respecté ", alors que la laiterie Bel située près de chez lui a reçu 200 000 euros d'aide, " des industriels qui font partie des premières fortunes de France ", explique amer l'agriculteur sur sa page Facebook. Il invite ceux qui le souhaitent à l'aider financièrement à attendre des aides qui ne viennent pas depuis sa conversion en 2015. " Soit on a des gens pour nous aider, soit on met la clef sous la porte ", déclare-t-il.
La Fnab va lancer une évaluation des fermes en difficulté
" On passe en dernier pour les aides parce que nous sommes les moins nombreux. On risque moins de faire des vagues. On attend les aides de 2017 et 2018. Certains agriculteurs ont reçu des acomptes pour les aides de 2016 mais souvent des sommes dérisoires. On ne sait pas combien d'exploitations sont en réelle difficulté. Nous allons réaliser une évaluation. Les plus récents en bio sont les plus fragiles ", explique Stéphanie Pageot, secrétaire générale de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab).Et elle ajoute : " La situation risque encore de s'aggraver car, avec le prélèvement de l'impôt à la source, le paiement des impôts se fera avant le versement des aides ".
En cause officiellement : des problèmes informatiques
Pourquoi un tel retard pour verser l'argent public aux producteurs bio ? Des problèmes informatiques sont évoqués par le ministre de l'Agriculture. Mais ces problèmes ne frappent pas les agriculteurs conventionnels. Le ministre de l'Agriculture a annoncé en inaugurant en septembre le salon Space à Rennes, dédié à l'élevage conventionnel, que les aides Pac de 2018 seraient réglées au plus vite à ces éleveurs.
Quant aux producteurs bio, le ministre s'est engagé à débloquer leur situation d'ici la fin de l'année sans plus de précision. Interrogé sur le sujet par Bioaddict, le ministère de l'Agriculture n'a pas donné de réponse.
Les problèmes informatiques sont une réponse " indécente ", s'est indigné Benoit Biteau. L'agriculteur craint que devant le sous-emploi des aides, Bruxelles soit amené à les supprimer. Pour sûr en tout cas, ces situations freinent les agriculteurs conventionnels tentés par la conversion en bio, alors que la production française ne suffit pas à la demande. L'actuel gouvernement, qui a déjà décidé de supprimer brutalement une partie des aides, n'est pas dans les actes un promoteur de l'agriculteur biologique.
Anne-Françoise Roger