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598ème semaine politique: des abrutis en Macronie.

Publié le 20 octobre 2018 par Juan

  598ème semaine politique: des abrutis en Macronie.

Où il faut bien parler de Mélenchon. 

Enfin.


L'accouchement
Finalement, Macron accouche d'un gouvernement, une flopée de nouveaux ministres avec peu de surprises. Quinze longs jours pour trouver enfin un remplaçant à Gérard Collomb, et par un curieux effet de dominos, voici un tiers de l'équipe qui change. Le gouvernement ne prête pas serment devant ses député(e)s godillots comme la coutume l'aurait voulu, malgré 8 entrées au gouvernement, dont les postes clés de l'intérieur et de l'agriculture.
Le nouveau monde ressemble à l'ancien, avec ses rivalités, ses petites manoeuvresn ses grosses disputes. Ce remaniement a surtout révélé la rivalité naissante entre Macron et Philippe, comme hier entre Sarkozy et Fillon ou Hollande et Valls. A force de petites traitrises et blocages minables, la République est restée sans ministre de l'intérieur de plein exercice pendant deux semaines parce que Jupiter ne trouvait pas forcer la main à son indispensable premier collaborateur. La tribu ministérielle devient ainsi pléthorique (35 ministres), malgré la promesse présidentielle d'une équipe resserrée à forces de dosages politicards.
598ème semaine politique: des abrutis en Macronie. Petit caprice, Jupiter prend en otage les antennes télévisuelles pendant 12 trop longues minutes mardi soir... pour ne rien de neuf, tel le VGE ébranlé de 1978. Il lit un discours raturé, face caméra."Parfois, par ma détermination et mon parler-vrai, j'ai pu déranger ou choquer certains, et j'entends les critiques. Mais nous avons réapparaitre des mœurs anciennes et le poison de la division et de l'instabilité." Macron utilise cette formule bien connue, aussi fatigante qu'obsolète: se réfugier dans le "contact direct" avec le peuple qui le propre de tous les monarques de cette Vème République. Il répète ce contre-sens historique, qu'il aurait été élu pour un programme. Jupiter a été élu par défaut, contre Le Pen, pas pour son programme qui, par ailleurs, fut peu détaillé pendant la campagne. Sa majorité législative, écrasante, l'a remportée sur fond d'abstention massive, à la faveur du scrutin majoritaire. Que les oppositions n'aient pas fait électoralement mieux, et de peu, ne signifie pas que la "majorité" institutionnelle qui gouverne le pays doit rester sourde au reste du pays.
Macron ne veut pas l'entendre, il le payera. C'est l'autre leçon de ce remaniement poussif.
Il poursuit son contre-sens en affirmant que puisque ses (contre)réformes n'ont pas rencontré d'opposition dans la rue, elles sont acceptées et légitimes. Ce serait un "succès" de ces 18 premiers mois qu'il l'autoriserait à poursuivre, c'est-à-dire s'enfoncer. La croissance a été abimée par la dégradation du pouvoir d'achat de l'immense majorité du pays, au profit de l'extrême minorité des plus riches qui, elle, s'est vu octroyer de juteuses exonérations fiscales. Sa politique migratoire suscite l'indignation de toutes les organisations humanitaires. Sa gestion personnelle est un désastre, de l'affaire Benalla au départ précipité de deux poids lourds du gouvernement, mais non, Macron ne change pas.
Au contraire, il s'obstine: "Il n'y a aujourd'hui ni tournant, ni changement de cap ou de politique."
Gouvernement des riches
Le nouveau ministre de l'agriculture, un ex-socialiste, se distingue rapidement. Les fabricants de pesticides peuvent dormir tranquille. Cet homme a une curieuse manière d'inaugurer son ministère, en méprisant la loi, son principe de précaution, et la loi qui impose au contraire à tout pesticide de prouver son innocuité.
"C’est aux scientifiques de faire la preuve ou non qu’il y a des conséquences à l’usage des pesticides ou pas" Didier Guillaume, ministre.
598ème semaine politique: des abrutis en Macronie.Didier Guillaume n'est pas seul. Il a une nouvelle collègue Emmanuelle Wargon, ex-patronne de la communication et du lobbying de Danone, nommée à l'Ecologie secrétaire d’État auprès du sinistre De Rugy, qui tente de justifier son engagement en faveur de l'environnement.  Jupiter a aussi nommé deux membres de la même famille, une nouvelle ministre de la Cohésion des Territoires, la très catholique anti-mariage pour tous Jacqueline Gourault, et son gendre, Marc Fesneau, aux Relations avec le Parlement, et le petit copain de son conseiller politique...
Et bien sûr Castaner, le Rantanplan de la Macronista. Un gars qui fut patron du mouvement En Marche, et qui, à ce titre, salaria sans le savoir un barbouze, Vincent Crase, comme l'a révélé l'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla. Castaner est aussi loyal qu'incompétent. Macron lui a retiré la politique territoriale, et l'a flanqué d'un ministre adjoint sarkozyste et d'un directeur de cabinet ancien proche de Claude Guéant et déjà condamné par la Justice...
On est bien.
La fête à Méluche
Mais la planète éditocratique a la tête ailleurs. C'est la fête "à" Méluche, en deux étapes.
Il a d'abord suffit d'une étincelle. Mardi, une centaine de policiers sont dépêchés au petit matin pour perquisitionner les appartements de responsables de la France insoumise, dont Jean-Luc Mélenchon. Il s'énerve, il gueule, il râle avec le fichu caractère qu'on lui connait, il hurle devant les caméras, lors d'une seconde perquisition, sa grosse voix fait peur aux godillot(e)s, et dérange certains de ces alliés. Pire, il pousse un procureur adjoint qui l'empêche d'avancer. Il faut voir et revoir et les images: Mélenchon bouscule l'homme  légèrement. Contrairement à ce que répètent ensuite la plupart des médias, la violence n'est pas physique mais symbolique. 
On ne touche pas à un représentant de l'Etat paraît-il. Il faudra s'en souvenir quand le pays sombrera en autocratie.
Voici donc le Parti médiatique qui s'échauffe: éditocrates et perroquets du pouvoir - Méluche ne serait pas digne d'être président. Cette argument de "stature" est curieux: il n'y a aucune campagne présidentielle avant 4 ans. Mélenchon n'a affiché aucune ambition personnelle pour 2022, le projet institutionnel de la France insoumise est au contraire de supprimer la monarchie présidentielle, et dans 4 ans, Mélenchon aura 70 ans. Bref, cette focalisation sur la stature présidentielle est d'abord une diversion et un épouvantail. L'ampleur du dispositif policier, pour une simple enquête parlementaire, interroge. La justice a-t-elle procédé ainsi, groupant les enquêtes, pour l'affaire Benalla ? Non, le barbouze et ses soutiens ont été si bien protégés que personne n'est venu "les chercher", et Benalla a même eu le temps de planquer son coffre.  La justice a-t-elle procédé ainsi pour les affaires Kohler, Ferrand, ou même le financement de la campagne Macron ? Non bien sûr.
La disproportion du dispositif est surprenante. Mais la République paye aussi aujourd'hui un autre soupçon sur sa police et sa justice, celui de la partialité: une police renforcée dans ses pouvoirs par des dizaines de lois, jusqu'à la loi sur l'état d'urgence qui lui attribue quasiment tous les pouvoirs; une justice de procureurs aux ordres de l'Elysée comme l'a rappelé Macron lui-même récemment lors de la nomination du successeur de François Molins; et une pratique verticale, monarchique du pouvoir où tout remonte à Jupiter comme ce dernier aime à le rappeler.
Mais ce n'est pas tout.
Seconde étape de cette "Fête à Méluche", quelques heures plus tard, France inter publie une quelques maigres révélations sur les comptes de Mediascop, la société de Sonia Chikirou, l'ex-patronne du Media TV, et qui fut en charge de la com du candidat Mélenchon en 2017.... Là encore, notez la disproportion: la campagne de Mélenchon fut la moins chère des 5 plus hauts candidats. Les prestations facturées par Mediascop ont couté 1,2 million d'euros. Mais l'effet de loupe est manifeste. Mediapart en rajoute une couche, quelques heures plus tard, et révèle que Mme Chikirou aurait une "relation extra-professionnelle" avec le leader de la France insoumise sous prétexte qu'elle dormait là la nuit précédente la perquisition. Fabrice Arfi, journaliste star du journal, ne s'excuse pas, au contraire, d'étendre le soupçon: "La vie privée de M. Mélenchon (...) devient d’intérêt public quand elle percute le soupçon judiciaire d’enrichissement indu durant la campagne de 2017 de celle qui est aussi sa compagne." C'est dit. Mediapart étend le soupçon, rien que le soupçon.  "Je m'attendais à une chose bien glauque" résume Jean-Luc Mélenchon. Et de démentir toute relation intime.
L'agenda est curieux, commente Daniel Schneidermann sur Arrêt sur images. "De deux choses l'une : soit ces nouvelles révélations se fondent sur les documents saisis mardi lors des fatales perquisitions. Dans lequel cas, le circuit menant de la police aux investigateurs aura été particulièrement court. Soit l'équipe de Sylvain Tronchet (France inter) se fonde sur des documents en sa possession depuis longtemps. Et dans ce cas, pourquoi les publier précisément trois jours après lesdites perquisitions ?"
Mélenchon demande la publication intégrale de ses comptes de campagne, mais personne n'écoute. On reste figé sur la "bousculade", requalifiée en "violence sur agent de l’État". La même presse reste discrète sur la campagne de Macron, 45% plus chère (17 millions), pour laquelle des soupçons similaires existent.
Les vraies choses
598ème semaine politique: des abrutis en Macronie. Pendant que la totalité des éditocrates du pays et une belle majorité du corps journalistique s'obnubile sur Mélenchon, Jupiter est actif: il multiplie les scènes filmées de signature de loi sur son pupitre, toujours encadré de deux ministres, comme pour cette loi de programmation militaire (qui accroit le budget de la Défense aux 2% du PIB réclamés par l'administration Trump), ou la funeste réforme de la SNCF qui ouvre la voie à la concurrence du rail français.
Jupiter a fort à faire avec le Breixit, qui s'annonce catastrophique. Le sommet européen de la semaine est un fiasco pour tous. On voit Macron faire la bise à la quasi-totalité de ses homologues, président du conseil italien compris. Sourire, bises et palpation pour aboutir à un échec. Macron n'est pas responsable, le gouvernement britannique l'a bien cherché. Mais lors de sa conférence de presse, Macron dévoile son alignement sur les propositions du gouvernement autrichien en matière migratoire. En Autriche, les conservateurs dirigent avec l'extrême droite, qui détient le porte-feuille de l'intérieur justement. Macron assume et salue "l’engagement de la présidence autrichienne sur celles-ci qui désormais font consensus : le renforcement de l’agence européenne de protection de nos frontières, FRONTEX, dont les effectifs seront augmentés et l’accélération des procédures de reconduite des migrants qui ne remplissent pas les conditions du droit d’asile en Europe." Le projet européen de Macron est d'abord migratoire, la fermeture, l'expulsion, les clôtures et les reconduites. Le Code de la Honte n'a pas été voté il y a quelques mois pour rien. Cette semaine, contre l'avis du gouvernement, des députés macronistes ont fait passer un amendement offrant une réduction fiscale de 5 euros par nuit, 1500 euros par an, aux familles hébergeant des réfugiés rescapés des filtres de la nouvelle loi Asile/Immigration. En matière migratoire, Macron est notre Orban national.
Macron se lance dans la campagne des élections européennes, il a en France un mauvais bilan. Après les injustes, contre-productives mais massives réductions fiscales pour les 1% les plus riches du pays Macron avait promis de rééquilibrer la barre: "6 milliards d'euros de réduction d'impot en moins pour les ménages l'an prochain" avait-il braillé en septembre. Les perroquets macronistes "de gauche" étaient fiers et soulagés même si une partie du miracle était du à la réintroduction partielle de l'une des aberrations sarkozystes, l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Et pus patatras... La taxe d'habitation n'a pas baissé autant que les macronistes l'avaient promis. Et puis les tarifs régulés du gaz ont explosé depuis janvier (+16%)
Le dernier tour de passe-passe macroniste concerne l'impôt sur le revenu. Les perroquets du pouvoir répétaient depuis septembre combien les impôts allaient baisser l'an prochain, et en particulier l'IR. Il n'en sera rien en fait. Le gouvernement a décidé de repousser à 2020 l'enregistrement comptable de l’impôt de décembre 2019. Et hop ! Cela permet d'afficher une baisse de près de 3 milliards d'euros, alors qu'en fait, à, périmètre constant, l'IR progressera de 4 milliards, à 76 milliards.
598ème semaine politique: des abrutis en Macronie. Diplomatie enfin, Macron a beaucoup de grands mots pour décrire l'Europe qu'il affectionne, "cette Europe plus forte." Mais il se couche quand on évoque la dictature saoudienne, business oblige. Après ses silences sur la guerre au Yémen provoqué par les Saoudiens, le jeune monarque, obligé servile du royaume saoudien, n'a pas dit grand chose sur l'assassinat, puis le découpage en morceaux, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul. Un air contrit en direct à la télévision quand on lui annonce la disparition il y a 8 jours ("les faits sont très graves"), puis plus rien, plus rien, bien au contraire. Macron affiche son soutien à l'Arabie Saoudite dans la "lutte contre le terrorisme" à Erevan lors du sommet de la francophonie. Puis à Bruxelles, interpellé sur le sujet, le voici contraint de répondre avec un peu de langue de bois ("Nous attendons sur ce cas que toute la lumière soit faite sur ce qui s'est passé") et une prudence surréaliste.
Chaque phrase de sa réponse annule la précédente pour laisser apparaître au final une non-prise de position: "Dans les circonstances actuelles nous avons décidé de surseoir à certaines visites politiques telle que celle prévue par le ministre M. Le Maire en Arabie Saoudite, une décision prise de manière coordonnée entre européens. C'est, je crois, ce qui s'imposait à court terme compte tenu des faits et l'absence de clarification à ce stade. Enfin comme vous le savez il ne m'appartient pas de commenter la situation politique interne des pays." Macron est couard, alors que nombre de multinationales annoncent qu'elles boycotteront le futur "Davos du désert" à cause de cette affaire.
Inefficace en politique économique intérieure, xénophobe en matière migratoire, couard sur le terrain international, Emmanuel Macron n'a pas grand chose à vendre pour convaincre.

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