Titre
: Les Mauvaises Herbes
Auteurs :
Keum Suk Gendry-Kim (scénario et dessins)
Editeur :
Delcourt
Collection
: Encrages
Année :
2018
Pages
: 480
Résumé :
Une
vieille dame quitte sa famille et sa demeure au fin fond de la
province du Jilin en Chine pour se rendre en Corée du sud et
retrouver les siens ! Cette personne âgée s'appelle Lee Oksun. Elle
est Coréenne de naissance et a grandi dans les années trente à
Busan. Comment est-elle arrivée à avoir une famille en chine et une
autre en Corée ? Avant de comprendre les raisons de son voyage, nous
découvrons son enfance et le drame qui l'a frappée. La pauvre Lee
Oksun s'est retrouvée aux mains de l'armée Japonaise lors de la
seconde guerre mondiale et a été utilisée par les soldats comme
esclave sexuelle, dure réalité qui se cache derrière le doux
euphémisme de « Femme de réconfort ». C'est son
histoire que nous allons découvrir.
Mon
avis :
L'histoire
d'une vie. La vie de Lee Oksun, qui, du jour où ses parents ont dû
l'abandonner à une autre famille pour qu'elle s'en sorte, n'a pas
revu ses frères et sœurs avant une bonne cinquantaine d'année.
Et
une BD fleuve pour raconter ce parcours incroyable, mais aussi les
rapports entre Lee Oksun et l'auteure de cette BD, la talentueuse
Keum Suk Gendry-Kim. Car en plus de l'histoire d'une vie, c'est aussi
le récit d'une rencontre entre deux femmes, deux générations, deux
regards sur la vie.
La
BD se déroule donc sur deux époques, la seconde guerre mondiale,
avec Lee Oksun et toutes les épreuves qu'elle a endurées et le
présent, où les deux femmes se rencontrent et échangent.
Ce
récit dévoile une page d'histoire, car au travers du drame de Lee
Oksun, c'est toute l'histoire des « Femmes de réconfort »,
esclaves sexuelles donc, qui est présentée et évoquée par
l'auteure. Comment parler de l'horreur sans faire dans le
misérabilisme, le pathos, ou sans faire dans l'horreur révulsante ?
Mais surtout, comment demander aux rescapées de parler de ce
qu'elles ont vécues ? Voilà le problème qui se pose à la
scénariste. Et la réponse brillante tient en plus de quatre cent
cinquante pages !
Je
ne me lancerai pas dans le résumé de ces années insensées, où le
pire côtoie l'innommable. Je vous laisse découvrir comment, tout en
pudeur mais sans masquer la réalité, Keum Suk Gendry-Kim nous
raconte Lee Oksun.
Pour
parvenir à ce tour de force, elle utilise le noir et blanc et adopte
différents styles graphiques au long du récit. Jamais purement
réaliste, mais naturaliste parfois dans ses paysages, symboliste
pour certains événements, où les mots prennent le pas sur le
dessin pour raconter ce qui ne peut être montré. Les personnages
stylisés au trait dense demeurent expressifs et attachants.
Les
décors parfois nappés de noir et parfois magnifiquement rendus au
hasard d'un trait de pinceau pour une branche, un épi dans la
campagne, n'adoucissent pas l'histoire, mais permettent des pauses
nous laissant reprendre notre souffle.
Magnifiques paysages esquissés à l'encre... Ou le calme avant la tempête et le drame
Cela
rappelle aussi que la nature continue à vivre, les saisons passent,
indifférentes à l'horreur humaine.
Ces
variations de style, ce contraste ne nous éloigne jamais du cœur de
la narration. Il prend sens dans l'histoire, l'enfance laisse la
place à l'adolescence et des traits plus bruts, et des dessins aux
multiples petits traits tracés marquent également le présent et la
rencontre des deux femmes.
Cette
BD qui peut sembler graphiquement simple au premier abord est un
trésor de variations intéressantes, prenant toujours son sens au
rythme du récit.
Pour
son graphisme étonnant, pour ce récit émotionnellement chargé, il
faut lire cette BD.
Mais
aussi par devoir de mémoire, car le drame des esclaves sexuelles,
surnommées « Femmes de réconfort », ne peut être
laissé sous silence et cette BD contribue à faire connaître ce
morceau d'Histoire mais aussi ses conséquences.
D'ailleurs,
à la fin de la BD, des textes de l'auteure mais aussi de Yun
Myungsuk, historienne, nous en disent encore plus.
Zéda
rencontre Oksun Lee !
David
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