En ce début d’automne, cette euphorie footballistique estivale étant maintenant retombée et bien qu’y allant d’une tardive analyse à rebours, je souhaiterais revenir avec recul sur cet événement sportif, ce triomphe des bleus, vu sous différents angles, l’euphorie médiatique retombée. Et cela alors que la rentrée politique et sociale s’offre à nous, non sans animations. On se souvient de cette liesse populaire et historique, en ce dimanche de juillet (comme la France les aime), sous le soleil et la chaleur estivale. La France célébrait son titre de championne du monde de football et ne voulait pas que la fête se termine. Une foule impressionnante était réunie sur les Champs-Elysées pour acclamer quelques minutes ses héros, ses joueurs qui ont non seulement remporté le titre suprême mais aussi acquis une popularité hors-norme. En tout cas, la célébration fut bruyante, parfois même délirante, prouvant que ce qui s’était passé à Moscou, était bien plus que du sport. C’était un moment de communion nationale comme en juillet 1998. Ce retour populaire fut à la hauteur de l’émotion, des moments de réjouissance collective, absolument immense avec un mélange de fierté, de plaisir, suite à cette victoire en finale face à la Croatie. Quand on est-ce qu’on a entendu un footballeur dire vive la République à part peut-être Thuram, revendiquant son appartenance à la République et à la France ? Comment fait-on pour reconquérir sportivement, pour l’équipe de France, le cœur des Français, après différents échecs ? Etait-ce le triomphe du sport ou des sponsors ? Grande liesse populaire mais superficielle et éphémère et quand le carrosse redevient citrouille, qu’advient-t-il ? On a parlé de la Russie de manière positive. Sur place, est-ce que cela a été le fait d’une coercition un peu excessive ? Outre son très beau parcours, est-ce que le peuple russe s’est approprié cette coupe du monde ? Etait-ce aussi une victoire pour Poutine ? Quelle est l’histoire de la coupe du monde de football ? Qu’est-ce qui démarque cette coupe du monde, sur le plan sportif, pleine de rebondissements avec l’élimination du Brésil, de l’Allemagne… ? Que disent les économistes sur les retombées de cette victoire, maintenant en cette rentrée ? Est-ce que l’euphorie de cette victoire en coupe du monde peut avoir un effet positif sur l’économie ? Macron profite-t-il de cette victoire à fond ? Est-ce vraiment de la récupération de la part de Macron ? Quels sont les critères pour recevoir la légion d’honneur, les joueurs de l’équipe de France l’ayant tous reçus récemment ? Les joueurs sont-ils conscients de ce qu’elle représente ? Fallait-il leur donner la légion d’honneur ? A-t-on le droit de trouver excessive cette mainmise du ballon rond sur l’actualité ? Combien ce mondial rapporte-t-il à la FIFA ? Didier Deschamps va-t-il poursuivre sa mission ? A défaut, Zidane ? Est-ce que Deschamps et certains joueurs comme Mbappé, Giroud, Griezmann contribuent aussi à cette envie de participer à cette équipe ? Pourquoi certains sont-ils écoeurés par cette euphorie ?
Nous sommes toujours à la recherche d’une signification sociologique et politique, à savoir pourquoi cela arrive à cette France-là, à ce moment-là. Et cela pour trouver des explications qui ne sont pas toujours pertinentes, accompagnant cet événement, avec cette sorte de mythe s’écrivant. C’est la mythologie du sport français dans ses grandes heures. Cela arrivait dans une période qui n’était pas inédite, il faut le dire. Toute une série d’épreuves ont été traversées à l’échelle nationale, non seulement les attentats, mais depuis 1998 et la précédente victoire, la crise de 2007-08 notamment dont on porte encore aujourd’hui les stigmates. Soit toute une série de traumatismes et de tensions sociales qui donnent une certaine couleur à cette victoire. Certains diront que c’est le début d’une ère nouvelle, où cette équipe de France enthousiaste ensemencerait cette humeur collective d’un sens du positif. Et dont l’histoire continuerait à s’écrire, après ce match nul plutôt décevant face à l’Islande, mais aussi suite à cette victoire face à l’Allemagne sur un doublé de Griezmann, en vue de l’euro. Ce qui est aussi important car autant de drapeaux bleu-blanc-rouge dans les rues, on voit cela très rarement. On a vu cela le 8 mai 1945, le 11 novembre 1918, mais c’était pour clore des tragédies gravissimes, des guerres. Mais sinon on voit cela très rarement. Or le football a cette capacité de mettre dans la rue des millions de Français agitant un drapeau et ce qui éteint un temps les différences sociales, comme à l’armistice, pendant ce moment de patriotisme positif. Il y a cet hommage républicain devenu un rituel, avec la réception à l’Elysée. Et éventuellement le bain de foule au balcon de l’hôtel Crillon, place de la Concorde, comme ce fut le cas en 1998 et en 2006 lors de la finale ratée. Emmanuel Macron a profité à plein de ce bref interlude socio-médiatique, comme Jacques Chirac et Lionel Jospin le firent en leurs temps. Mais seul le football permet de communier ainsi. Ce n’est pas faire offense, mais la finale de volley à laquelle s’est hissée, durant la même période, l’équipe de France, n’a pas, loin s’en faut, suscité cela. Le football a cela de particulier de générer des passions collectives autour du ballon rond, étant à la fois mondialisé et venant renforcer l’identité nationale, en rassemblant.
Cela contribue à détourner l’attention de l’actualité, à titre provisoire, comme l’avait dépeint Jean d’Ormesson dans son éditorial du Figaro, après la victoire en finale de 1998. Effectivement, il y a ce besoin de communier, le football suscitant des émotions collectives, dans une ferveur à l’échelle nationale. C’est originel. La particularité du football c’est qu’il a été très vite, étant né, approprié par la société, d’abord la classe ouvrière anglaise à la fin du XIXe siècle. En 1885, le professionnalisme émerge tandis que les premiers clubs professionnels apparaissent à travers le monde particulièrement en Europe (Bordeaux en 1882, la section football du club omnisports de Munich en 1899, l’Olympique de Marseille la même année…) et en Amérique du sud. La FIFA est fondée en 1904 à Paris par des représentants de sept pays européens. La FFF est née la même année. Encouragée par le succès populaire rencontré par les tournois de football aux jeux olympiques (décidée en 1928 sous l’impulsion de Jules Rimet alors président de l’organisation), la FIFA organise en 1930 la 1ère édition de la coupe du monde en Uruguay, dont l’équipe nationale sort vainqueur. Prévue tous les quatre ans, les éditions suivantes se déroulent en 1934 et 1938 et après un intermède lié à la guerre, la compétition reprend en 1950. La France a eu de très grands joueurs dans l’après-guerre. On peut citer Raymond Kopa ou Just Fontaine, qui a inscrit 164 buts en 200 matchs dans sa carrière et inscrit 13 buts en équipe nationale en une seule phase finale à l’édition du mondial 1954. Par ailleurs, à l’image de nombreux pays, le football en France est le sport le plus populaire et la dont la pratique est la plus répandue. Si le football est né en Europe, il a donné lieu, en Amérique latine, à une culture de masse spécifique d’une puissance telle que l’objet transféré en est ressorti profondément transformé. Les conditions de sa réception et de son développement ont été fondées sur un antagonisme avec le vieux Continent sans cesse réactivé. Des dimensions sociologiques, coloniales, politiques entrent en compte dans la mise en avant du football en tant que vitrine idéologique notamment et le succès d’équipes nationales. Comme du temps des républiques populaires d’Europe centrale et de l’URSS, avec la RFA et la RDA, soit une vitrine politique. Et on en a fait des outils de construction nationale mais aussi des éléments d’opposition par exemple avec les dominants coloniaux, etc. Et l’on voit cela dans tous les pays, au travers des rivalités régionales aussi, à Barcelone lorsque le Barça remporte la ligue des champions ou le Real Madrid. On le constate aussi au travers la rivalité entre le PSG et l’OM, le club de la capitale et celui de la province. Donc un sport d’emblée qui est plongé dans des problématiques sociales, nationales, politiques, voire culturelles, etc., pour un jeu professionnel, médiatisé très vite aussi (radio, tv…). Dans le développement des médias privées dans les années 1980, c’est ce que l’on va chercher comme type d’activités à montrer aux téléspectateurs, le football. Canal + lance rapidement son offre privée autour de la rediffusion de certains films et des matchs de football, notamment ceux du PSG.
Cela démultiplie également les effets du ballon rond, dans des pays qui ne le connaissaient absolument pas et qui vont le reprendre également, comme dans les pays d’Asie. Le nombre de licenciés en Inde ou en Chine, au Japon, dans certains pays d’Asie du sud-est, en Océanie, en Amérique du nord (et en particulier aux Etats-Unis) progresse. Le football reste toutefois un sport mineur outre-atlantique, détrôné par le football américain et l’éternel baseball, mais touchant un nombre sensible tout à fait intéressant de personnes. Une petite génération de footballeurs asiatiques évoluant dans certains clubs étrangers (notamment européens) de haut niveau, commence à émerger. A l’image du défenseur japonais Kiroki Sakai à l’OM, l’attaquant Keisuke Honda (ayant évolué jusqu’à récemment au Milan AC) ou le Sud-coréen Son Heng-Min, qui joue au poste d’ailier droit à Tottenham. A ce titre, cette coupe du monde fut étonnante sous de nombreux abords, certaines équipes nationales s’étant démarquées. Telle la Corée du sud qui a éliminé l’Allemagne, à l’étonnement général, dès le 1er tour. La Manschafft a craqué dans le temps additionnel, surpris par les attaquants Kim, puis Son, la star de l’équipe asiatique. Les Sud-Coréens furent également éliminés d’entrée, car il leur fallait une victoire du Mexique pour espérer se qualifier. Ils ont alors gagné pour rien ou presque, puisqu’ils sauvent l’honneur et terminent à la troisième place d’un groupe F indécis jusqu’au bout. Le Japon a également mis à mal la Belgique de Eden Hazard, qui a signé une remontada pour s’imposer 3 – 2. Et cela alors qu’elle était longuement menée 2 – 0. La Belgique a pu finalement obtenir son ticket pour les quarts de finale sur des buts de Vertonghen, Fellaini et Chadli, lors l’un des plus beaux matchs de la coupe du monde. Les diables rouges ont ensuite défait le Brésil de Neymar (2 – 1 ) pour se qualifier en demi-finale face à la France. Pour la deuxième fois depuis 1986, la Belgique entrait ainsi dans le dernier carré d’une Coupe du monde. Mais on peut mentionner également la prestation de la Suisse, qui s’est hissée en huitièmes de finale. Après l’élimination de l’Egypte, du Maroc et du Sénégal, le Nigéria, alors dernière équipe africaine encore en lice, s’est pris à rêver de grand huit, mais fut logiquement battue 2 – 0 par la Croatie. La plupart des grandes équipes prétendantes et toutes les équipes sud-américaines étaient éliminées en 1/4 de finale : Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, Brésil, Argentine… Tel le titrait « courrier international », ce fut le naufrage de l’Amérique du sud. La corruption, l’exportation précoce de talents et une formation adéquate se retournant contre une école jadis éblouissante. La seule exception fut l’Uruguay.
L’organisation a été implacable, le hooliganisme qui était prévu n’a pas été vu. Et puis quand même, il y a eu une ferveur nationale et c’est un immense pays. Classé 70e au classement mondial de la FIFA, la Russie est arrivée en 1/4 de finale, donc un très beau parcours, mais en outre en tant que hôte. Les Russes sont fiers d’avoir accueilli le monde dans de bonnes conditions. Et tous les supporteurs étaient surpris de la qualité de l’accueil, car la Russie n’a pas spécialement une réputation notable du moins, en la matière. Les JO de Sotchi étaient plus verrouillés. Chirac suit le peuple en 1998, le football est populaire, bien qu’à la différence de Macron, Hollande ou Sarkozy, il n’y connaissait rien au football. Invité à s’exprimer au micro depuis les tribunes, il avait eu besoin que l’on l’assiste pour égrener les noms des bleus évoluant sur le terrain, n’en connaissant pratiquement aucun. Si le président, à savoir Macron, s’était détourné du football, on aurait dit qu’il ne comprenait pas les Français. 36 millions de Français ont regardé le match, sans compter les bars, les fan-zones, etc. Emmanuel Macron n’en fait pas nécessairement trop, il est avec les bleus. Mais il aurait inconvenant qu’ils ne les reçoivent pas et qu’il ne se déplace pas pour la France, assister à la finale à Moscou. C’est quelqu’un qui maîtrise très bien la com’, la fameuse photo de lui exaltant le poing levé en avant dans les tribunes ayant été prise instantanément par un photographe présent pour cela, puis posté instantanément sur les réseaux sociaux. C’est quelqu’un qui réagit très spontanément. Il y a eu ensuite l’histoire des vestiaires, c’est évidemment sympathique. On se souvient de de Gaulle qui renvoie le ballon à une finale de coupe de France. Cela tombe très très bien. En 1998, Chirac et Jospin ont beaucoup récupéré également cette victoire, édifiée autour du mythe du black-blanc-beur. Bien que l’équipe de France ait déjà compté, dans le passé, des joueurs de couleur et / ou d’origine étrangère (Larbi Benbarek, Abdelkader Ben Bouali en 1938, Raymond Kopa, Abderrahman Ibir, Jean Swiatek, Edouard Kargulewicz, Mustapha Ben M’Barek dans les années 1950, Luis Fernandez, Michel Platini, Jean Tigana ou Marius Trésor dans les années 80…). Cela vient dans une période doute, la France ne cessant de s’interroger sur la question de l’identité nationale, présente dans plusieurs domaines, avec également plus de chômage encore qu’en 1998. Mais il faut effectivement éviter de renouveler les mêmes histoires, de reprendre les mêmes recettes communicatives, dans une société merveilleuse de bisounours. C’est aussi le pouvoir de séduire, le rayonnement à l’étranger étant positif. Car tout le monde peut parler de football, car c’est quelque chose que tout le monde partage. Tous les politiques récupèrent les événements qu’ils peuvent récupérer. Macron aurait eu tort de ne pas s’intéresser à ce mondial, de ne pas se déplacer à Moscou, donc il était obligé de participer et en participant, il récupère.
En 1998, cela validait le black-blanc-beur, qui était la visibilité des minorités. On ne va pas avoir de projet, mais on aura des discours, sur l’excellence, le travail, la relation à la symbolique de cette équipe. C’est très différent que ce qui se passe en 1998. D’abord parce que le mythe du black-blanc-beur, on sait que c’est un leurre, les problèmes se posant, avec Le Pen au second tour en 2002. Mais on sait comment on va lutter pour éviter cet éclatement, l’exemplarité d’un Mbappé, le discours d’un Pogba et c’est là-dessus que l’on va demander aux jeunes des banlieues de se prendre en main, avec l’Etat, les collectivités locales, si possible des jeunes qui vont se trouver un boulot, fonder une famille et construire la République française. Et c’est là l’objectif de cette coupe du monde. Black-blanc-beur, c’était une réponse à Jean-Marie Le Pen, disant qu’il y avait trop de noirs dans l’équipe de France, la France n’étant pas représentée équitablement dans sa diversité. Car là, on ne va pas reprendre les mêmes termes, nous sommes français dans la diversité de la France. On parle de fraternité, en disant la même chose, avec d’autres termes car déviés, de gagner dans la diversité, avec des gens qui viennent de Bondy (Seine Saint Denis), d’autres de Mâcon, de Chambéry, de Baie-Mahault (Guadeloupe), de Maubeuge, de Nice, etc…. Aujourd’hui, même si les médias étrangers parlent de l’origine étrangère de certains joueurs (environ onze sur vingt-trois étant d’origine africaine ou antillaise), on a l’impression qu’en France a surtout parlé de sport, et non plus du pourquoi du comment. On a beaucoup parlé de fraternité, sans faire des clivages comme dans la presse transalpine ou étrangère. On se souvient de cette polémique autour de l’affaire dite des quotas, qui a été aussi grossi comme souvent dans les médias. Dans les centres de formation, il était question d’essayer d’éviter de choisir trop de blacks et de beurs et une longue conversation avait été enregistré. La décision n’a jamais été prise. Le monde du football est l’un des plus grands vecteurs de lutte contre le racisme. Il est toujours un peu curieux de monter cela en scandale, car en termes de lutte contre le racisme et d’égalité des chances, il n’y a plus significatif que le football. En foot, vous êtes bon, vous n’êtes pas bon, peu importe votre origine. C’est une histoire de l’empire colonial français. Hernandez aurait pu choisir aussi l’équipe espagnole, par les trajets des parents, etc. C’est propre aussi au football et Hernandez a vécu longtemps en France, bien qu’étant retourné vivre en Espagne.
On célèbre le sport. Il n’y avait pas une star aussi, comme Zidane en 2006. L’équipe était plus équilibrée, s’appuyant sur les joueurs d’expérience à savoir Hugo Lloris, Olivier Giroud… Mbappé s’appuie plutôt sur les joueurs extérieurs, à savoir Varane, Giroud et Pogba. Mais c’est vrai, ce qui avait tué un peu le football français, c’était ces bandes générationnelles, à savoir la génération Benzema, Nasri voulant prendre leur place aux joueurs de 1998 (Thierry Henry, etc…). A part Giroud et Lloris, légèrement plus âgés, l’équipe était assez homogène sur le plan de la moyenne d’âge, allant de 22 à 25 ans. Pogba a pris une certaine dimension dans cette coupe du monde. Ce qui est intéressant par ailleurs, au sujet d’un joueur en particulier, à savoir Antoine Griezmann, c’est qu’il vient vraiment de la France profonde du foot, le petit club local, dans la tradition très républicaine, la France, son clocher, son terrain. Et ce n’est pas en France qu’il fait sa carrière, puisqu’on n’en veut pas. Il a été rejeté très jeune dans les centres de formation hexagonaux, parce qu’il est trop petit. Il doit tenter sa chance de l’autre côté des Pyrénées, où il a effectué toute sa carrière mais il se rattrape de ce rejet, au travers son engagement dans l’équipe de France. Olivier Giroud a bien joué aussi et s’est montré indispensable, bien que n’ayant pas marqué de but. Didier Deschamps a toujours été lui le stratège sur le terrain, comme Jacquet, qui était entraîneur alors qu’il était déjà capitaine. Il en est le digne successeur car il prend toujours de haut les problèmes. Et puis, Jacquet a eu le courage d’évincer David Ginola et Eric Cantona en 1998, énormes stars mais des fortes personnalités assez égotistes. Et il a pesé pour que ces deux-là soient évincés, car jugés responsables de la défaite de 1993 face à la Bulgarie. On a fait de même pour Karim Benzema.
C’est une autre manière de retrouver Jacquet. C’était le modèle de l’instituteur, soit retrouver des entraîneurs de football qu’avaient créé la République, une forme de terroir, une certaine forme de réalisme basque véhiculé par Deschamps, avec une forme d’exigence dans le travail et qui le rend sympathique. Il semble travailler bien, il a toujours le sourire, il fait des plaisanteries. Il y a un très grand écart entre cette extrême simplicité et son statut sportif professionnel, entrant dans le carré des trois entraîneurs ayant associé deux coupes du monde remportées en tant que joueur et entraîneur. En même temps, c’est une immense vedette, mais qui ne se prend pas au sérieux, le voisin d’à côté, ce qui forcément crée de la sympathie. C’est une victoire du sport. Il y a des sponsors, il y a de l’argent. Le foot est un business, c’est incontestable. Vive la France, vive la République ! Ils singeaient les présidents avec leurs discours et donc effectivement cela fait plaisir aux gens d’entendre cela. On ne sait pas si c’est du 1er ou du second degré. Ils ont une façon de s’exprimer, d’être, cette culture, cette façon d’être. Ils viennent plutôt des banlieues résidentielles de petite classe moyenne ou de province, à l’image de Benjamin Pavard, Griezman, Olivier Giroud. Ce qui est intéressant au-delà de valeur sur la République, sur le vivre ensemble, la gentillesse, l’humour, l’envie de s’amuser. On les a vu comme des gosses après le coup de sifflet final, glisser sur la pelouse mouillée. Ce qui est naturel, car c’est une bande de copains qui s’amuse, et le sourire c’est Deschamps. Mais plus jamais des joueurs qui se font éliminer parce qu’ils ne descendent pas du bus, qui ne répondent pas aux autographes des supporteurs. Il y a eu un travail pédagogique pour reconquérir les Français par le comportement. Il y a une réflexion. C’était un peu le juin 1940 des Français, cette série d’échecs en 2008, 2010 et 2012. Il y a une perte de licenciés, les sponsors commençant à se détourner. Donc quand même il y avait un danger, si l’on peut dire et là il y a un travail de réflexion, de pédagogie, de reconquête de l’esprit et du cœur des Français. La France se retrouve dans cette équipe, dans ses valeurs, dans son esprit. Cette question de la relation entre le public et une équipe.
La France du football ne démarre pas au quart de tour. On ne sait pas ce que l’on va découvrir, les Français ne s’étaient pas déplacés beaucoup à Moscou. C’est un football barpapa qui s’adaptait à l’adversaire, à la fin de la 1ère mi-temps, on mène 2-1 alors que l’on a pratiquement pas touché un ballon ce qui est miraculeux, puis on se rattrape dans la 2e mi-temps, ayant été clairement en-dessous durant la 1ère mi-temps de la finale mais plus efficace que les Croates. Avec toute une série d’entrelacs, stratégique, tactique, car en 2016 on a été supérieur techniquement aux Portugais et on a perdu. Mais là, on était peut-être inférieur sur ce plan aux Croates, mais on a gagné. Il y a toujours cette question du rapport entre des supporteurs et une équipe, étant dans une grande prudence, car on ne sait pas ce que l’on va découvrir. C’est une victoire progressive, ce qui est très important, d’où ce qui était évoqué précédemment. Et puis le match, les matchs, on a des idées. Donc il y a la fois une mutation devant les téléspectateurs, ils ne sont pas enfermés sur eux-mêmes, et il y a Didier Deschamps qui a travaillé sur cette équipe et sur la manière de créer le groupe. Mbappé est celui qui a le plus impressionné durant cette coupe du monde, en gagnant à 19 ans, et la ville dont il est originaire, Bondy en Seine-Saint-Denis. La vedette du PSG, ce n’est plus Neymar, mais Mbappé. Et le sélectionneur va devoir gérer cette rivalité au sein de l’équipe. Neymar passe pour une diva un peu égoïste, alors que Mbappé coche toutes les cases, bien que l’attaquant brésilien, se soit rattrapé récemment, à l’occasion d’un superbe triplé lors d’une large victoire à domicile 6 – 1 du PSG face à l’Etoile rouge de Belgrade (ligue des champions). Tout à l’air naturel, chez ce garçon de 19 ans, le talent, on l’a ou on l’a pas, le père étant sportif professionnel et entraîneur de handball. C’est assez impressionnant, car on a l’impression qu’il a fait du média training pendant de 5 ans, en arrivant à 19 ans, avec un côté p’tit gars sympa. C’est très réconfortant, car cela veut dire que le talent, la réussite n’empêche pas la solidarité. La France était fâchée à mort avec son équipe nationale. Normalement, Didier Deschamps poursuivra jusqu’en 2020 pour justement sécuriser son contrat. Ca, c’est une logique du sport. Il y a effectivement l’ombre de Zidane, mais cela se fera dans l’ordre des choses, dans les règles. Jacquet avait quitté sa fonction en 2018, comme Hidalgo en 1984, après la victoire à l’euro avec la bande à Platini, Giresse et Rocheteau, qui était le 1er succès français dans le football au travers une compétition importante. Jacquet a été aussi très touché par les critiques de la presse. Mais là, Deschamps a signé une prolongation de contrat pour 2020 et lorsque Zidane a démissionné du Real Madrid, il n’était pas question qu’il y ait remise en cause de cela.
Des efforts financiers sont faits pour les petites structures formant les jeunes footballeurs. Ce que touche la FIFA, c’est colossal par les droits télé. Mais la FIFA ne fait pas de bénéfices, elle redistribue tout. 25 millions d’euros pour la Fédération Française de Football. Tout au long de l’année, de l’argent est redistribué aux fédérations des Caraïbes ou africaines par la FIFA. Il y a eu des scandales de corruption aussi, mais il y a de la redistribution. La FFF redistribue. Entre 50 et 60 millions d’euros, sur un budget de 250 millions d’euros, sont redistribués aux footballeurs amateurs. L’argent, ce sont les sponsors, les droits télé, donc en fait, il ne faut pas croire que ce sont les petits qui paient pour les gros. L’équipe de France de football bénéficie aux clubs amateurs, par l’argent qu’elle ramène. Donc elle est bénéficiaire. Cet argent est redistribué aux petits clubs. Entre 0,1 et 0,2 % de croissance de PIB en 1998, sur le plan des retombées économiques. Mais on était en pleine ascension. Par ailleurs, que faut-il penser de la remise de la légion d’honneur ? Quand bien même, ils gagnent de tels trophées, il faudrait réserver la légion d’honneur à ceux qui risquent leur vie pour accomplir des actes héroïques et arrêter de la donner à des sportifs. La réserver à ceux qui risquent leur vie, les palmes académiques aux enseignants, l’ordre du mérite à ceux qui le mérite, la dernière promotion ayant été limité à 398 mais c’est déjà trop. Il n’y a pas eu trop de grincheux, par ailleurs. En général, c’est l’extrême-gauche, qui considère que c’est l’opium du peuple et l’extrême-droite comme avec la polémique de 1994 de Jean-Marie Le Pen sur les joueurs ne chantant pas la marseillaise, car visiblement ils ne la connaissaient pas. Ce sont des moments de liesse éphémère, mais il faut les goûter, sinon c’est refuser tous les plaisirs car ils sont éphémères. Il est vrai qu’à partir de la victoire sur la Belgique, on a parlé surtout du football, à l’image de la mort de Johnny Hallyday, c’est le principe des événements d’actualité qui étouffent le reste, ce qui entraîne des manifestations populaires. Mais cela fait partie de notre histoire, de notre roman national. Et cette équipe de France s’avère prometteuse, car elle est jeune et talentueuse.
J. D.