Notre baiser fut brutal, passionné, étrangement adulte. Ensuite je rentrai seule à pied à la maison. En marchant très lentement. A mi-chemin, je m'arrêtai et contemplai un bout de trottoir que j'avais enjambé un millier de fois et connaissais intimement. Il y avait une fente dedans - profonde, longue, en dents de scie, et obscure. C'était le jour où les immenses et vieux peupliers de Virginie perdaient leur bourre cotonneuse. L'air était empli de duvet qui tombait, et l'herbe des fossés et les caniveaux étaient rembourrés d'une neige de lumière. J'avais cru que je me sentirais joyeuse, mais j'éprouvais une peine confuse, ou peut-être de la peur, car ma vie me paraissait une histoire vorace dont j'étais la source, et avec ce baiser j'avais maintenant commencé à me livrer tout entière aux mots.
Louise Erdrich, La malédiction des colombes
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