Pierre Jourde: extrait de:"L'oeuvre du propriétaire"
A bas toutes les patries, nationales ou internationales,
avec leurs vieux ou leurs nouveaux maîtres, démocrates ou absolutistes,
A bas toutes les patries qui font toujours tuer les uns afin de faire vivre les autres.
Refuse de crever pour qui que ce soit.
Croise les bras! Sabote tout!
Demeure lourd de toute ta masse.
Dis à ces messieurs, quels qu'ils soient, d'aller, eux, se faire tuer pour toutes ces patries
qu'ils inventent chaque siècle et qui se ressemblent toutes.
Toi,homme nu, homme qui n'a que tes pauvres bras ou ta pauvre tête,
refuse-toi à tout, à tout : à leurs idées comme à leur technique; à leurs arts comm
à leur révolte confortable.
Et si l'envie te prend de crever quand même pour quelqu'un ou pour quelque chose,
crève-toi pour une putain, pour un chien d'ami ou pour ta paresse.
Vive l'homme qui n'adhère à rien."
"Je crie pour me défendre: A moi les étrangers!
La vie est bonne à prendre et belle à partager."
"[...] Nul chemin ne conduit à la cité fraternelle, sauf le chemin de l'individualisme.
Eveiller un homme à lui-même, seul moyen d'ébaucher un frère de tous.
Mais si, nous croyons créer des frères là où l'homme n'est même point commencé,
là où vit encore l'animal national où la bête de classe, nous nous préparons,
pour la première épreuve, de bien effroyables déceptions."
"...et je terminerai alors, le coeur joyeux, ce récit que je fais uniquement par amitié,
ce qui est, parmi beaucoup d'autres, une définition (celle que je préfère) de la littérature:
un récit que l'on fait par amitié, et aussi pour apprendre aux autres quelque chose de religieux, une sorte de respect religieux de la vie réelle, dans un monde réel que la littérature devrait refléter (ce qu'elle fait ici).