Peut-être plus encore que leurs homologues dans le reste du monde, les banques singapouriennes subissent la désaffection de leurs agences et, en conséquence, la perte de contact humain avec leurs clients. OCBC lance une démarche originale en vue de restaurer les liens, en parfaite complémentarité avec ses efforts en matière « digitale ».
Alors que les applications mobiles deviennent rapidement le premier média d'interaction des consommateurs et des entreprises avec la banque, OCBC annonçait [PDF] au cours de l'été dernier son intention de diviser par deux les effectifs affectés à ses guichets, tout en insistant sur sa volonté de faire monter en compétences les collaborateurs concernés, de manière à développer une approche d'expertise et de conseil à valeur ajoutée dans ses agences. Le discours est connu… mais, ici, il s'accompagne d'actes.
En l'occurrence, l'établissement va proposer à tous ses clients qui se sont engagés dans une démarche active d'épargne avec sa solution « Life Goals » – soit environ 8 000 personnes depuis son lancement, en novembre 2017 – de réaliser un bilan annuel de leur situation financière, gratuitement, avec leur conseiller habituel ou avec un spécialiste. Alors que la majorité des intéressés dispose d'un patrimoine inférieur à 200 000 SGD (environ 127 000 euros), ils auront accès à un entretien digne d'une banque privée.
La plate-forme se prête bien à une telle initiative, car son modèle d'accompagnement dans la réalisation au long cours de projets de vie (préparation d'une retraite confortable ou des études supérieures d'un enfant, par exemple) mérite, pour porter pleinement ses fruits, des messages de réassurance, des explications pédagogiques et même des encouragements réguliers, plus efficaces en face à face. Ce besoin est d'autant plus crucial que les clients peuvent désormais s'inscrire seuls au programme « Life Goals », sans l'assistance d'un conseiller qui était requise il y a encore quelques semaines.
OCBC se livre en fait à une véritable inversion de la relation bancaire historique. Autrefois, celle-ci commençait obligatoirement dans l'agence, avec une personne en chair et en os, puis, éventuellement, se déplaçait ensuite vers les outils de libre-service, principalement pour l'exécution de transactions. Aujourd'hui, elle démarre et existe en priorité à distance. Et c'est donc à l'institution financière d'encourager son client à recourir à l'expertise de ses collaborateurs, en justifiant de l'intérêt qu'il y trouvera.
Cet exemple singapourien révèle ainsi l'extraordinaire complexité de l'indispensable mutation du concept d'agence bancaire au XXIème siècle. Il n'est en effet pas seulement question d'adapter les connaissances et les savoir-faire des conseillers (ce qui représente déjà un chantier colossal !). Il faut également positionner ces derniers en support avancé des services mis à la libre disposition des clients, et non plus en point d'entrée incontournable de tout produit. Enfin, il faut constamment prouver la valeur du dispositif.
Concrètement, dans le cas d'OCBC, le premier enjeu est de former les employés – dont ceux qui étaient auparavant exécutants d'opérations du quotidien – au conseil patrimonial. Le deuxième consiste à leur demander de réaliser leur mission à partir des informations que fournissent les clients via l'utilisation de la plate-forme « Life Goals ». Le troisième est de leur démontrer que le rendez-vous annuel proposé par la banque leur permettra d'atteindre plus rapidement leurs objectifs. Bienvenue dans le monde « digital » !