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"Globalisation, le pire est à venir"

Publié le 10 juillet 2008 par Argoul

Après avoir autodétruit le capitalisme et ruiné leurs enfants ensemble, tandis que Patrick Artus seul incendiait les banques centrales, voilà Patrick Artus et Marie-Paule Virard persuadés que le pire est à venir… 

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Crédit photo : Steve Woods/SXC

Une fois passée la titraille baroque des éditions La Découverte, dégoulinante de moraline “alter” à la mode, le lecteur pourra entrer dans les ombres fraîches et dures d’un court essai d’actualité pensé clairement et écrit pédagogiquement, avec de nombreux d’exemples. Il y a eu une mondialisation heureuse, elle a duré 15 ans. Depuis… 2006, nous entrons dans une seconde « globalisation » cette fois dangereuse. Le chapitre trois est le cœur du sujet, les autres étant chargés de fournir un argumentaire à la moraline en vogue, le « social », « l’environnement » et « le casino financier ».

Les causes de la mondialisation actuelle
Dans ce chapitre 3 donc, sont exposées les racines de la mauvaise situation actuelle. Tout vient des écarts de croissance entre pays développés (autour de 2% l’an) et pays émergents (autour de 7.5% l’an). Les premiers épargnent peu alors que les seconds gèlent les devises acquises par les excédents commerciaux, créent de la monnaie en les rachetant aux exportateurs et en plaçant ces devises sur les marchés développés. Ils permettent ainsi aux pays vivant à crédit (essentiellement les États-Unis) de faire comme si de rien n’était - de vivre au-dessus de leurs moyens avec une croissance insuffisante. Cet afflux de liquidité, favor

isé par la politique des banques centrales de soutenir toute faiblesse de conjoncture en encourageant le crédit (baissant les taux), crée une suite de bulles d’actifs qui explosent les unes après les autres : les actions technologie-media-télécom, les crédits à risque, l’immobilier, les PME du private equity. Demain les matières premières et les actions des pays émergents ? L’injonction du rendement et le mimétisme des investisseurs tirés par leurs clients et poussés par leur hiérarchie font prendre du risque – obligatoirement quand les rendements doivent fournir 15% alors que les taux sans risque sont à 4%… D’où l’utilisation du levier, au travers de ces instruments sophistiqués et peu contrôlés que sont les hedge funds, les subprimes, la titrisation, les produits structurés, le LBO, etc.

Où sont les régulateurs ?
Cantonnés au classique : ils ne contrôlent en rien les fonds alternatifs, l’offshore, les crédits base des subprimes, les agences de notation… Les ratios obligatoires des banques sont contournés par les produits hors-bilan et les filiales offshore. Les bonus sont attribués aux gérants et traders même en cas de pertes et de crise bancaire. La pratique comptable obligatoire de valoriser tous les actifs au prix de marché (marked to market) accentue les bulles et rend invendables les actifs en cas de crise, les détachant de leur fondement économique pour ne se focaliser que sur l’offre et la demande.

Replie général des nations
Toutes ces tendances montrent un rééquilibrage des économies du monde en faveur des pays en développement. Les effets néfastes devraient être maîtrisés, aménagés, négociés. Ce n’est pas le cas, chacun se rencognant entre ses frontières et jouant perso. Ce pourquoi l’Union européenne pourrait éclater à terme… La compétitivité des entreprises les pousse à délocaliser, ce qui accroît les inégalités salariales et lamine la classe moyenne. Le recours aux services non-délocalisables fait baisser la productivité, déqualifie la population active, appauvrit le pays. La course aux ressources rares (matières premières, énergie, produits alimentaires) introduit les rapports de force nationaux au détriment de l’environnement et de la maîtrise de la pollution globale. La baisse du dollar, qui fait monter l’euro, accentue les divergences entre pays européens qui soit en profitent (les pays industriels qui sont monté en gamme et ont réduit leurs coûts salariaux – Allemagne, Pays-Bas, Suède, Finlande), soit y restent indifférents (pays essentiellement de services locaux comme l’Espagne), soit en pâtissent (pays encore industriels et aux services tirant la productivité vers le bas, France, Italie).

Comment sortir de cette tendance ?
Deux scénarios : une déflation à la japonaise – ou un assèchement programmé de la liquidité. Le premier est la lassitude des investisseurs : ils n’investissent plus ; ils restent en bons du Trésor ou en épargne liquide ; ils ne consomment que le minimum, ils attendent. Le second passe par un rééquilibrage des comptes extérieurs et de l’épargne domestique des grands pays développés et en développement. Ce dernier scénario peut prendre du temps : il faut en effet que l’écart de croissance entre développés et émergents se réduise, que le change réel s’apprécie, que les coûts salariaux augmentent dans les pays en développement.

Projection dans cinq ans
Sinon ? Eh bien les deux auteurs aiment bien forcer les traits du présent en se projetant dans cinq ans : nous aurions une stagflation (inflation mais pas de croissance), des inégalités en hausse, un appauvrissement général, des dégâts dans l’environnement, d’autres crises financières, le refus d’investir, le protectionnisme, la ruine des emprunteurs, l’immobilier inaccessible… et probablement un autre manuel Artus/Virard catastrophiste et médiatique.

Pour le prix de deux magazines, ce court essai qui se lit bien mérite d’être mis dans votre sac de plage. Juste pour vous dire que vous êtes bien, immobiles sur le sable, alors que tout tourne autour de vous !

Alain Sueur, le Blog Boursier

Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Globalisation - le pire est à venir, La Découverte, mai 2008, 165 pages


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