Brunaulieu, lieutenant d'Albigny, est l'âme de cette entreprise. Il a suggéré d'attaquer Genève dans la nuit du onze au douze décembre, parce que c'est la nuit la plus longue de l'année.
Cette attaque de Genève, lancée en l'an de grâce 1602 par les mercenaires du Duc de Savoie, est plus connue sous le nom d'Escalade, sous-entendu des remparts de la cité de Calvin, censés la protéger contre les envahisseurs.
Henri Gautschi situe son roman, La nuit la plus longue, Au temps de l'Escalade, justement. C'est sa manière à lui de commémorer l'événement, qui donne lieu chaque année à des festivités et à une célèbre Course en ville
Les deux héros, Jean et Marianne, sont deux jeunes gens, du même âge - vingt ans -, qui, quelques jours plus tôt, font connaissance sur le marché de la place du Mollard à Genève, où leurs parents tiennent des étals qui se font face.
Louis Bovier, père de Jean, est charron, comme son père avant lui. Il vend avec son fils, sur ce marché genevois, des brouettes en bois à roue pleine et des miniatures sculptées dans du bois par Théodore, le petit frère de Jean.
Les Détraz, viennent au marché depuis cet automne avec leur fille pour y vendre des légumes de [chez eux]: cardons, poireaux, patenailles, navets, choux et puis des pommes, des oeufs et, quelquefois, des tommes de chèvre.
Les Bovier sont de Chancy, sur la rive droite du Rhône, village situé en France et les Détraz de Malagny, sur la rive gauche, en Savoie: ces derniers n'ont en principe pas le droit de vendre de la nourriture à Genève mais... ils le prennent.
La liberté de circulation des biens et des personnes pose déjà des problèmes à l'époque entre République de Genève, Royaume de France, qui la protège, et Duché de Savoie, le grand perdant du traité de 1601 signé par Henri IV.
C'est dans ce contexte que l'auteur raconte les tribulations de Jean et de Marianne, dont l'attirance réciproque est soumise à de rudes épreuves, d'autant que règne l'insécurité due aux sbires de la maison de Savoie, qui violent et tuent.
Aux revendications territoriales s'ajoutent les querelles religieuses entre catholiques et réformés, qui semblent être plus le fait des politiques que des populations, mais qui conduisent celles-ci pour survivre à se convertir.
Ce livre bien documenté historiquement se lit comme un roman. Car l'intrigue amoureuse est émaillée de moult rebondissements et péripéties, parfois lumineux, souvent bien sombres, car c'étaient encore des temps barbares...
Francis Richard
La nuit la plus longue - Au temps de l'Escalade, de Henri Gautschi, 240 pages, Édition Encre Fraîche