Emmanuel Macron avait des réponses urgentes et sérieuses à apporter à deux préoccupations majeures. Et? Rien.
Hallucinant… Emmanuel Macron avait donc des réponses urgentes et sérieuses à apporter à deux préoccupations majeures: la colère sociale grondante d’un côté, la transition énergétique d’un autre côté, chacune conditionnant nos choix fondamentaux en tant qu’horizon. Il a donc pris la parole, l’air grave. Mais les historiens des vaines élocutions retiendront qu’il a osé affirmer qu’il n’opposait pas «fin de mois» et «fin du monde». Et après ? Rien. Absolument rien. Le vide sidéral, que certains grands astrophysiciens observent aux confins de l’univers. Une heure de discours, c’est long, surtout pour ne répondre à aucune – mais aucune – des attentes des Français. Seule une forme de mépris atavique peut expliquer une telle indigence à mesurer la température de son propre pays, quand la fin d’un mois signifie parfois la fin d’un monde. Dans sa bouche, l’enjeu écologique est posé sans aucune ambition politique ni philosophique. Quant à l’impératif social immédiat, il est totalement passé sous silence, nié, passé au laminoir de sa toute-puissance supposée.
Les Français, gilets jaunes ou pas, doivent ressentir de la stupeur et un profond sentiment de honte à son égard! À ceux qui réclament légitimement de pouvoir boucler leur budget mensuel dans trois jours, avec la perspective des fêtes de fin d’année déjà en tête, Macron dit: on vous donnera des nouvelles dans trois mois, après avoir réuni un énième comité Théodule. On croit rêver. Aucune mesure d’accompagnement pour soutenir le pouvoir d’achat ou réduire la fracture territoriale. Aucun signal donné en matière de justice sociale. Le voilà hors sol, déconnecté des réalités. En particulier lorsqu’il évoque le consentement à l’impôt... sans évoquer les 358 000 familles exonérées de l’ISF, alors que ces dernières, soustraites des solidarités de notre pacte social, détiennent la moitié du PIB de la France.
Pendant ce temps-là, les plus modestes trinquent, leurs yeux perlent d’amertume. Nous ne devons pas nous taire, mais au contraire savoir répondre à ces peines, n’ignorant pas, une fois de plus, que nous restons en ces luttes le couteau fécond de leurs plaies. Inutile d’être devins. À l’invraisemblable mépris de Macron répondra une colère redoublée et peut-être incontrôlable. Entre lui et les citoyens de ce pays en souffrance, le divorce est prononcé.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 28 novembre 2018.]