Quand 2 auteurs remuent l'ennui profond des rentrées littéraires soporifiques, c'est déjà une bénédiction.
Quand les écrits de ces 2 auteurs ont des dénominateurs communs, c'est un signe divin.
Quand les 2 auteurs sont réunis pour une rencontre littéraire, c'est le délire !
Ces notes prises sur le vif pendant une rencontre littéraire au printemps 2015 vous proposent de faire connaissance avec 2 auteurs bourrés d'énergie positive, de facétie et d'une complémentarité quasi miraculeuse.
Qui êtes-vous, Gauz et Sylvain Prudhomme ?Gauz est diplômé en biochimie, photographe, documentariste, directeur d'un journal économique satirique en Côte-D'Ivoire.
" Debout/Payé " est son premier roman. Il y relate l'histoire d'Ossiri, un étudiant ivoirien sans papier, devenu par nécessité vigile à Paris. Par extrapolation, il s'agit aussi de l'histoire de la famille d'Ossiri et donc de celle de nombre d'africains venus en France pour construire une vie meilleure.
Au-delà de l'histoire sociale et sociétale, Debout/Payé est un focus étonnant sur ce métier de vigile, profession refuge de nombre d'africains et également un état des lieux de la Françafrique des années 60 à nos jours.
Sylvain Prudhomme est auteur de plusieurs romans. Il a participé à la création de la revue " Geste " et il écrit des reportages pour le journal " Le Tigre ".
" Les Grands " se déroule en Guinée-Bissau. Le lecteur y suit les déambulations d'un des guitaristes du mythique Super Mama Djombo, un groupe phare des années 70, qui prouve s'il en est encore besoin que la world music recèle des pépites incomparables. Notre guitariste apprend la mort de Dulce, chanteuse du groupe, et se souvient de 30 années passées entre espoir, musique et vacillement de la société de la Guinée-Bissau jusqu'à son indépendance.
Vos 2 romans sont différents mais présentent pourtant des similitudes. Ce sont des mondes croisés. ..Gauz (dans un grand rire) : chez moi, c'est un africain à Paris...
Sylvain Prudhomme : et pour moi, un français en Afrique !
G : Debout/Payé se passe sur 30 années...
SP : Les Grands se concentre sur une soirée mais avec flash-back sur 30 ans.
On y retrouve la description de 2 mondes...G : et l'abolition des barrières. J'avais envie d'écrire sur des destins, sur la réalité, le vécu, les aberrations qu'on rencontre dans la vraie vie. Le quotidien est plus palpitant que la fiction !
SP : C'est un livre de personnages abattus qui se relèvent...
G : ... c'est un combat politique, le courage d'une vie de vigile immigré. Ce n'est pas un document mais un roman, ce n'est pas ma vie.
Gauz, la construction de votre roman est assez particulière. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre construction littéraire ?
G : Oui, j'ai pris le parti de l'écrire sous la forme de scénettes réellement observées et présentées en chronique. Je n'écris pas avec le " je "mais avec le côté conteur africain. C'est différent de la psychanalyse à la française de la littérature actuelle où c'est " je ", " je ", " je "...
SP : ...dans mon écriture, je me démarque aussi de cette tradition à la française que l'on retrouve dans une grande part de la littérature. De plus, mon livre est sur l'Afrique, sur un groupe musical de Guinée-Bissau qui était actif dans la période d'accession à l'indépendance du pays, avec les troubles que cela cause. Et puis, j'ai longtemps vécu en Afrique, j'ai une écriture influencée par cette période.
Un mot sur le titre de vos romans respectifs ?SP : Les Grands, cela signifie les anciens. C'est très respectueux.
G : Debout/payé, c'est comme ça qu'on appelle le vigil ! Il est payé pour rester debout !
Gauz, Sylvain, une lecture d'un extrait de votre roman ?G et SP : ... volontiers mais chacun lit un bout du roman de l'autre...
Malheureusement, les notes ne peuvent retranscrire le bonheur d'un échange aussi riche et aussi complice.
Je ne peux que vous conseiller de vous procurer ces 2 romans qui ont provoqué une heureuse surprise dans les romans de la saison 2014-2015...
Les Grands de Sylvain Prudhomme, aux Éditions L'Arbalète/Gallimard.
Debout/Payé de Gauz, aux Éditions Le Nouvel Attila.
Merci à la Médiathèque G. Wolinski de Noisy Le Grand pour cette rencontre.