Magazine Cinéma
Résumé : Dans l'entre-deux-guerres quelque part en Italie, le pilote Marco, aventurier solitaire, vit dans le repaire qu'il a établi sur une île desserte de l'Adriatique. À bord de son splendide hydravion rouge, il vient en aide aux personnes en difficulté.
Porco Rossofait figure d’ovni dans la filmographie de Hayao Miyazaki. Les bords irisés de l’Adriatique, des héros adultes et la nostalgie font leur apparition dans son œuvre.
Après la guerre
À la différence d’œuvres belliqueuses comme Nausicaä de la vallée du ventet Princesse Mononoké, Porco Rosso se situe après la guerre. Une vraie, en l’occurrence : la Première Guerre mondiale. Aussi, Porco Rosso ne verse pas dans l’ivresse cinégénique de la mêlée guerrière. Les chasseurs aériens laissent place à de gracieux hydravions, et les duels mortels à des courses innocentes.Pourtant, la guerre guette. Nous sommes dans les années 20, en Italie, et le fascisme vient d’arriver au pouvoir. Sur les bords de l’Adriatique où vivent Marco, héros de guerre transformé en cochon, Gina la tenancière et les autres pilotes, comme Curtis le fanfaron Yankee, on paraît ignorer les bruits de bottes en s’adonnant à des défis aéronautiques, un cocktail aux lèvres. Une sorte d’utopie politique règne en ces lieux. Quoi qu’ils aiment se défier, les divers pilotes forment une communauté internationale, pour certains apatrides, une cité en-dehors du monde où chacun est libre de s’épanouir individuellement parmi les autres.Mais ce paradis vit ces dernières heures. C’est un chant du cygne que capte Porco Rosso : celui des pionniers de l’aviation, dont le rêve d’améliorer la condition humaine en lui ouvrant de nouveaux horizons s’est brisé sur le mur de la guerre – et se brisera encore bientôt. Porco Rosso reprend le questionnement moral que soulevait Le Château dans le ciel : quel sens attribuer à la technique ? peut-on transformer des machines de guerre en œuvres de paix ? Alors que Le Château dans le ciel répondait de manière positive, Porco Rosso s’abîme dans la mélancolie d’une technique qui aurait pu servir autrement l’humanité. Dans la plus belle scène du film, Marco, comme en un rêve, traverse les nuages et aperçoit, flottant dans le ciel, la longue cohorte des aviateurs tués au combat. Ici, nulle dénonciation rhétorique : le simple (et poétique) constat de la perte d’amis chers crée une sensible humanité.
Un tournant réflexifMarco inaugure un type de personnages masculins qu’on retrouvera au fil des œuvres de Miyazaki. Comme Hauru (Le Château ambulant), comme Jiro (Le Vent se lève), il tente, impuissant, d’infléchir le cours de l’Histoire, et d’introduire le Bien dans une technologie capturée par le complexe militaro-industriel. Chez Miyazaki, ce sont les hommes qui sont romantiques (hormis Ashitaka dans Princesse Mononoké, Tombo dans Kiki la petite sorcière et Lupin dans Le Château de Cagliostro) : mélancoliques écrasés par le poids du passé, porteurs d’une virtualité magnifique mais inaccomplie, tragiques. Les femmes, au contraire, agissent et bouleversent le fleuve de l’Histoire. Dans Porco Rosso, c’est la petite Fio, pétillante de malice et d’ingéniosité, qui bouscule les choses, n’hésitant pas à faire sacrifice de sa personne pour remporter la course aéronautique, rejoignant la tradition de Nausicaä, Sheeta, San, Chihiro et Sophie.Si sa conception de la montée du fascisme demeure fataliste, Porco Rossoinfléchit en revanche la filmographie du Maître. Neuf ans après, Le Château ambulant repose la question de la guerre, tandis que l’actuel dernier film du cinéaste, Le Vent se lève, reprend le fil des années 20-30, côté nippon à présent. En somme, Porco Rosso marque un tournant réflexif : Miyazaki abandonne la furie guerrière qui animait ses premiers personnages pour, dorénavant, contempler les ravages de la guerre et la fuite en avant des techniques censées régénérer l’humanité.
Porco Rosso, Hayao Miyazaki, 1992, 1h33
Maxime
Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à me soutenir sur Tipeee !