Nendoroid Sasara Kusugawa Valkyrie de la Good Smile Company
Le succès d'un grand compositeur se mesure aussi aux caricatures qu'on en publie, aux pamphlets qui s'attaquent à sa personne et à ses compositions ou, plus aimablement, aux parodies de ses oeuvres.
Adolphe Jullien raconte en septembre 1893 (1) que "circule, en simple copie autographiée, une parodie assez divertissante La Petite Valkyrie ou le Sabre de mon père, drame préhistorique en trois actes, et en vers, s'il vous plaît." Jullien ajoute que l'auteur, qui porte ou prend le nom de Victor Dervil, s'est sans doute affublé d'un pseudonyme. Charles Lecocq est-il à l'origine de cette facétie ?
Remarquons que " Le sabre de mon père " est un des grands airs de la Grande duchesse de Gerolstein.
Le Ménestrel signale sa parution chez l'éditeur Junius Laval en 1896 (2), rappelant qu'une autre parodie, La Valkyrigole (3), a déjà été éditée et publiée à Bruxelles.
Le titre de cette oeuvre qui semble dater de 1893 reparaît dix ans plus tard dans l'action des Apaches, une comédie-vaudeville en trois actes d'Alexandre Bisson qui fut jouée au Palais-Royal et dont A. Biguet, le chroniqueur du journal Le Radical (4), évoquait la première représentation. Elle y est attribuée à un autre auteur, Alfred Margival. On ne saura sans doute jamais si Alexandre Bisson a eu connaissance de la parodie de Dervil et lui a emprunté ce motif pour son vaudeville.
PALAIS-ROYAL. — Les Apaches, comédie-vaudeville en trois actes, de M. Alexandre Bisson.
Les Apaches, ou le Farceur par amour, tel devrait être le sous-titre du vaudeville de M. Bisson, car toutes les fâcheuses aventures dont M. Tricot, président de tribunal, est la victime sont les conséquences de l'impétueuse passion de son facétieux domestique pour la femme de chambre. Ledit valet suit son maître, à la chasse, et l'absence prolongée est pour son cœur enflammé un cruel supplice. Pour précipiter le retour à Paris, ce Machiavel du tablier envoie une lettre à son maître, signée « Gueule de Renne » et « Pomme d'Amour ». Ces gentilshommes supposés préviennent le président, qui a maintes fois prononcé des peines sévères contre les Apaches, qu'ils « lui feront son affaire ».
M. Tricot, bien que magistrat, est un poltron ; il s'empresse de rentrer chez lui, pour la plus grande joie de son domestique, et, après avoir embrassé sa femme et sa fille, il se rend chez sa maîtresse, Mirette, artiste des Bouffes du Centre, en son hôtel, aux confins de Neuilly.
Mirette s'ennuie, en cet endroit désert, et pour obliger Tricot — qu'elle ne connaît que sous le nom de baron Topinard, Toto, — à lui louer un appartement intra muros, elle dresse un plan d'attaque nocturne, genre Apaches, avec Alfred Margival, compositeur de la Petite Valkyrie, opérette dont elle va créer le principal rôle, et un certain Robert, neveu du général de la Souchette, lequel est l'ami de Tricot.
Enfin, Alfred et Robert reçoivent des " leçons d'attaque " d'un limier de l'agence Cacolet, Narcisse, qui est chargé par Mme Tricot de rechercher des mouchettes précieuses, véritable objet d'art — qu'on lui a volées. Mme Tricot collectionne des mouchettes — on a le goût du bibelot ou on ne l'a pas. Toto — le président — est attaqué dans le hall de l'hôtel ; sous le coup de la frayeur il accorde à Mirette le changement de logis tant souhaité par elle. Au dernier acte, quelle n'est pas la stupeur de Toto, ou plutôt de Tricot, de rencontrer, chez lui, l'Apache Robert, accompagné de l'autre Apache, Alfred, qui lui demande, depuis son retour, la main de sa fille. Vous pensez bien que notre magistrat s'apprête à chasser les deux mauvais plaisantins. Mais Alfred tient bon, et, pour obtenir la jeune fille, il sauve le père, en lui suggérant une idée lumineuse pour répondre aux pressantes questions de l'épouse avertie et soupçonneuse : Tricot doit payer sa dette envers le jeune homme.
Et les mouchettes ? C'était l'honorable magistrat lui-même qui, étant momentanément décavé, les glissait dans sa poche afin de subvenir aux dépenses de Mirette, laquelle les monnayait au plus vite.
Ce vaudeville, que nous aurions souhaité plus gai, renferme un second acte assez mouvementé. Il est joué par M. Colombey qui a la bonne humeur très franche et l'ahurissement très drôle, M. Ch. Lamy, M. Hurteau, un général bien planté, M. Hamilton, preste et léger, et M. Bellucci. Mmes Berthe Legrand, Faber, et Berlaud sont à complimenter.
A. BIGUET.
(1) in Journal des débats politiques et littéraires du 2 septembre 1893. (2) La Walkyrie ou le Sabre de mon père, drame préhistorique en 3 actes. Traduction nouvelle par Victor Dervil, Laval, E. Jamin, 1896. B.N. Opéra. (3) La Vallyrigole, parodie-éclair de Théodore Hannon, Bruxelles, Lefèbvre, 1887. (4) in Le Radical du 10 décembre 1903