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Application de la charia à un litige successoral contre la volonté du testateur, un grec issu de la minorité musulmane : violation de la Convention EDH par la Grèce

Publié le 26 décembre 2018 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti
Application de la charia à un litige successoral contre  la volonté du testateur, un grec issu de la minorité musulmane : violation de la Convention EDH par la Grèce


CEDH,  Grande Chambre, Molla Sali c. Grèce (n°20452/14), 19 décembre 2018


Dans cette affaire la Cour européenne des droits de l’homme  a dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) à la Convention.

En effet,  les juridictions nationales grecques avaient fait application de la loi sacrée de l’Islam (charia) à un litige successoral entre des ressortissants grecs issus de la minorité musulmane, bien que le de cujus (un grec issu de la minorité musulmane, le mari défunt de Mme Molla Sali) eut légué l’ensemble de ses biens à son épouse par un testament établi selon le droit civil grec. Les juridictions estimèrent que le testament ne produisait pas d’effet car le droit applicable en l’espèce était le droit successoral musulman. En Grèce, ce droit s’applique spécifiquement aux grecs de confession musulmane. La CEDH juge en particulier que la différence de traitement subie par Mme Molla Sali en tant que bénéficiaire d’un testament établi conformément au code civil par un testateur grec de confession musulmane, par rapport au bénéficiaire d’un testament établi conformément au code civil par un testateur grec n’étant pas de confession musulmane, n’avait pas de justification objective et raisonnable. Entre autres, la CEDH précise que la liberté de religion n'oblige point  les  États contractants à créer un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses un statut spécial impliquant des privilèges particuliers. Néanmoins, un État qui a créé un tel statut doit veiller à ce que les critères pour que ce groupe bénéficie de ce statut soient appliqués d’une manière non discriminatoire.Par ailleurs, le fait de refuser aux membres d’une minorité religieuse le droit d’opter volontairement pour le droit commun et d’en jouir non seulement aboutit à un traitement discriminatoire, mais constitue également une atteinte à un droit d’importance capitale dans le domaine de la protection des minorités, à savoir le droit de libre identification. Enfin, la CEDH  relève que la Grèce est le seul pays en Europe qui, jusqu’à l’époque des faits, appliquait la charia à une partie de ses citoyens contre leur volonté. Cela est d’autant plus problématique que dans le cas d’espèce cette application a provoqué une situation préjudiciable pour les droits individuels d’une veuve qui avait hérité de son mari selon les règles de droit civil, mais qui s’est par la suite trouvée dans une situation juridique que ni elle ni son mari n’avaient voulue;Pour aller plus loin: Arrêt Molla Sali contre Grèce du 19 décembre 2018

+Elisa VIGANOTTIAvocat de la famille internationale
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