Je trouve que l'ambiance est vraiment très bonne entre tous les concurrents. D'ailleurs, dans le règlement, on peut s'aider entre concurrents et c'est donc la seule discipline où on peut faire ça. Et on le fait tous les jours, car on sait que c'est extrêmement dur donc lorsque l'on voit quelqu'un dans la galère, et même si c'est un concurrent direct, on se doit de l'aider. Bien sûr, on est là pour gagner donc entre les 10 premiers du classement, il y a un peu moins d'entraide mais c'est toujours avec beaucoup de respect. Et une fois que la spéciale est finie, c'est 100 % d'aide entre concurrents car sinon, c'est tellement compliqué que personne n'arriverait au bout.
Après les motards, ils ont une vie un peu différente car ils partent très très tôt le matin. Du coup, ils se couchent tôt le soir et commencent à travailler avant nous donc on a du mal à se côtoyer. Mais avec les autres catégories, on se voient pas mal et l'ambiance est très bonne. Je ne pense pas qu'il y ait ça dans beaucoup d'autres disciplines automobiles. En WRC, par exemple, il n'y a pas du tout d'ambiance entre les participants.
Peux-tu nous raconter une journée type lors d'une étape du Dakar ?C'est répétitif mais une journée type, c'est : Levé à 6h du matin, petit-déjeuner (soit le cuisinier de l'équipe soit le catering officiel du Dakar)/vérification que tout ce qu'on a demandé aux mécanos de faire sur notre voiture pour la spéciale du jour a bien été fait, on ne mange pas le midi donc le petit-déjeuner est copieux et très important, départ 7h puis liaison jusqu'à la spéciale (elle peut faire 50/100 km), spéciale chronométrée, puis retour au bivouac avec une autre liaison. On est de retour au bivouac vers 15, 16 ou 17h, cela dépend de la journée et de la distance à effectuer. C'est à ce moment là que je récupère mon " road book " du lendemain, puis retour à notre assistance, débrief de la journée avec les mécaniciens, la logistique et les ingénieurs et voir avec eux ce qu'il faut changer et préparer pour demain. Ensuite, on a une petite demi-heure pour faire du kiné et du physio car la journée est très éprouvante physiquement que cela soit à cause de la chaleur mais surtout des chocs que l'on prend toute la journée. Une fois cela effectué, on fait le repas du soir assez tôt afin de mieux digérer et de bien dormir pour démarrer la boucle le lendemain et enfin j'attaque le " roadbook ".
En fonction des kilomètres, cela me prend 3 ou 4h de préparation, en gros 100km de l'heure. Suite à cela, nous avons des personnes, qui travaillent pour nous, qui essaient d'imaginer la trace sur une carte. Aujourd'hui, cela se fait par ordinateur par Google Earth ou d'autres systèmes compétents. Par après, je vais faire la corrélation " roadbook/Carte " pour essayer d'imaginer ce que je vais rencontrer le lendemain et cela peut prendre toute la nuit. Néanmoins, j'essaie de me coucher à minuit si je peux et ma deadline est 1h du matin afin que je puisse au moins dormir 5 à 6h car sinon le lendemain je n'y arrive pas. Ce sont donc de très très longues journées et je sais que je vais vivre ça pendant 15 jours.
Est-ce un crève-cœur pour tous les concurrents d'avoir quitter l'Afrique ?Oui et non ! C'est sûr que l'Afrique proposait des paysages hors du commun mais que finalement, on retrouve sous d'autres formes en Amérique du Sud avec des passages dans la Cordillère des Andes lorsque l'on faisait Argentine-Chili ou inversement, monter à 5000 mètres en Bolivie ou traverser le Salar d'Uyuni ou encore le désert d'Atacama, qui est le plus aride du monde, arrivée au Pérou avec du sable beaucoup plus compliqué que ce que l'on trouve en Mauritanie. Je pense que c'est le côté émotionnel qui ressort quand on évoque l'Afrique car côté course, il n'y a pas de différences. C'est aussi dur des deux côtés et au final, c'est le même niveau de bataille quelque soit le pays.
Quel pays est pour toi le plus intéressant pour la course en Amérique du Sud ?Ils ont tous un peu leurs spécificités mais je dirais l'Argentine quand même. Déjà par rapport au public, ils ont une vraie notion du sport automobile et ils sont là pour nous suivre et nous supporter. Les premières années, des millions d'argentins se déplaçaient pour nous voir et cela, on ne peut le voir que là-bas. Il n'y avait pas un tel engouement en Afrique car pour eux, le sport automobile, c'est vraiment exotique alors qu'en Amérique du Sud, ils en sont fanas quelque soit la discipline pratiquée.
Pourquoi le Dakar a t-il perdu de sa superbe alors que de grandes courses comme les 24h du Mans ou d'autres sont toujours autant suivies ?Je ne sais pas si le Dakar a vraiment perdu de sa superbe et en plus cette année, il a beaucoup plus d'inscrits que ces dernières années. Après ce qu'il s'est passé, c'est qu'avec l'histoire du décalage horaire, la couverture médiatique européenne a été plus difficile. Du coup, on ne voyait que les premiers arrivés et ce que les gens recherchent, selon moi, c'est vraiment de voir les amateurs et leurs aventures humaines. Honnêtement, je pense que le décalage horaire a fait beaucoup de mal au Dakar. Ensuite, le sport automobile pâti également des histoires de pollution et d'émission de CO2 et tout cela a fait beaucoup de mal à l'image du Dakar. Malgré tout cela, le Dakar est toujours là et reste la course la plus dure et est aussi mythique que les 24h du Mans ou Pikes Peak.