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David Dufresne : la chute fracassante du maintien de l'ordre à la française (vidéo)

Publié le 09 janvier 2019 par Charles Bwele @blog_e_sphere

David Dufresne est un journaliste spécialisé sur les questions de sécurité et de libertés publiques, auteur de l'enquête " Maintien de l'ordre " (Hachette Littérature , 2007) , autrefois reporter à Libération et rédacteur-en-chef de la chaîne d'informations i-Télé (devenue Cnews).

David Dufresne : la chute fracassante du maintien de l'ordre à la française (vidéo)

"   Le fait de multiplier les forces de l'ordre signifie que vous allez mobiliser des policiers qui ne sont pas formés au maintien de l'ordre et qui tirent à gogo, qui ont l'habitude de faire du " saute-dessus ", qui ont l'habitude de se retrouver face à des délinquants parfois armés, qui ont des méthodes qui ne sont pas celles du maintien de l'ordre. Donc, on voit des matraquages démentiels qui n'ont aucun rapport avec la doctrine française du maintien de l'ordre Il faut bien avoir en tête que le maintien de l'ordre obéit à des ordres politiques. C'est la gestion de la rue, il n'y a pas plus politique que le maintien de l'ordre.  On dit beaucoup qu'à la préfecture de police, depuis l'affaire Benalla, ça ne va pas bien ni Place Beauvau, qu'il y a beaucoup d'interrogation Ce qu'on a vu samedi 8 décembre, ce sont des policiers davantage sous l'ordre des commissaires de quartier que du préfet, donc un échelon plus proche. Le maintien de l'ordre est une police très psychologique, puisque c'est la gestion de la foule. On était dans une mise en scène, pour les télévisions, de la reprise des Champs-Élysées avec ses blindés et ses compagnies de gendarmes mobiles. Il restait quoi, 30 Gilets jaunes pour 40 caméras ? Mais les images ont fait le tour du monde ! C'était de la fabrication très réussie d'images, de mise en scène. Pour moi, les blindés répondent à l'Arc de Triomphe en termes de symbole. Moi, j'ai l'impression que les 15 dernières années, on est rentré dans une société très sécuritaire avec des fantasmes qui rehaussent le seuil de tolérance à la violence. Les mêmes images il y a 10 ou 15 ans auraient mis la France dans la rue. Est-ce de l'accoutumance ? Il y a aussi le fait de doter la police d'armes dites non létales : certains syndicats de police reconnaissent de fait que les policiers utilisent plus facilement un Flash-Ball qu'une arme létale. Du coup, on a des blessures qui n'étaient pas là il y a 20 ans. " ( Le Point, 14 décembre 2018 )

Invité par Aude Lancelin / Le Média, l'ex-cofondateur de Médiapart explique pourquoi et comment le gouvernement français et les forces de l'ordre semblent à la fois désorientés, dépassés et poussés dans leurs derniers retranchements face à une contestation sociale proprement inédite.

"   Tandis qu'en France, la police tenue pour coupable d'acharnement appelle à un rassemblement contre la " haine anti-flics ", en Allemagne, en Suède, en Suisse, l'interaction entre police et manifestants se distingue par la maîtrise et le dialogue. La police française résiste aux nouveaux modèles de maintien de l'ordre, articulés autour de la notion de désescalade [...] [...] Comme on le voit, les polices allemandes ne chôment pas. Elles affrontent des violences de gauche et des violences de droite ; des violences dont elles sont l'objet et des belligérant.e.s qu'elles séparent ; elles protègent des ministres et des foules ; elles emploient la force et elles interpellent. Mais le point crucial qui les distingue des polices françaises est ceci : force reste à la loi ; force reste dans la loi. Pas de manifestants menottés et frappés par un policier. Pas de manifestants à terre et frappés. Pas de manifestants injuriés. Pas de jets indiscriminés de gaz lacrymogène dans une foule composite engouffrée dans le métro, au prétexte que s'y seraient glissés des autonomes ou des casseurs. Pas de matraquage dans le dos de passants. Pas de perte de contrôle. Pas de gazage dans les entrées ou les enceintes du métro. Au final, pas de polémique Cette maîtrise de la force, nous l'avons suggéré, est le produit d'une quinzaine d'années de politique dite de " désescalade " (Deeskalation). En Allemagne, la " désescalade " est entre autres le produit de la décision " Bockdorf " du Tribunal constitutionnel (1985), qui avait introduit une " obligation de communication et de coopération " des forces de l'ordre avec les protestataires " ( Or loin d'être propre à l'Allemagne, cette politique a sinon nourri, du moins participé à un nouveau modèle de maintien de l'ordre en Europe, que l'on retrouve désormais dans le système des officiers de dialogue en Suède, l'event police au Danemark, les peace units en Hollande, les Liaison Officers en Angleterre, les Special Police Tactics (SPT) en Suède ou encore le modèle dit des trois D (dialoguer, désamorcer, défendre) en Suisse romande La Vie des Idées, 24 mai 2016 Ce nouveau modèle repose sur quatre grands principes : 1/ une conception des logiques de la foule, alternative à celle promue par Gustave Le Bon [6], toujours au cœur de la philosophie française du maintien de l'ordre ; 2/ la facilitation et l'accompagnement des manifestations de rue ; 3/ le développement de la communication à tous les stades d'une opération de maintien de l'ordre ; 4/ la différenciation et le ciblage des interventions de rétablissement de l'ordre. )

Selon Thucydide: " De toutes les manifestations du pouvoir, celle qui impressionne le plus les hommes, c'est la retenue ".


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