Dans ce volume, il y a deux histoires, une vraie et une fantastique. La vraie ayant inspiré la fantastique.
L'histoire vraie est racontée par Philippe Lespinasse, en fin de volume. Car Atomik submarine existe. C'est une réalisation de l'artiste François Burland. Qui, en juin 2010, a l'idée folle de construire en France un sous-marin, avec l'aide d'un ami, George Kampera.
La charpente est construite à Castelmoron-sur-Lot et la tôlerie à Bordeaux, au Garage Moderne. Résultat: un engin de 1,3 tonne, mesurant 18 mètres de long, 4.9 mètres de large et 5 mètres de haut.
Atomik Submarine sera exposé, de 2011 à 2015, successivement à Bordeaux, à Neuchâtel, à Warth, à Feldkirch et à La Chaux-de-Fonds. Il se caractérise ainsi:
- il carbure à l'imaginaire, au sarcasme...
- il est siglé soviéto-kitsch
- il ne marche pas...
L'histoire fantastique, elle, est racontée par André Ourednik et illustrée par des collages de François Burland, dignes du réalisme socialiste soviétique, ce qui est certainement un compliment à ses yeux...
Dans ce récit surréaliste, Atomik Submarine porte ce nom mais devient l'Arche de l'Utopie, et est découverte par trois allumés: Premier, Deuxième et Troisième, sa proue étant prisonnière de cornes rocheuses
Car ce récit commence par la fin, en pleine cryostase:
D'énormes langues de glaciers léchaient le monde. Elles coulaient entre les chaînes de montagnes, s'enlaçaient, s'enlisaient, formaient dans les plaines de l'Eurasie une seule langue immense et blanche qui émettait des bruits de cathédrales de glace brisées dans leurs fondations.
A l'intérieur du vaisseau échoué, les Allumés raniment les cinq occupants, des muziks complètement gelés. Ils veulent savoir ce qui leur est arrivé. Mais seul le vaisseau lui-même peut raconter le vaisseau. Et il le fait à travers la bouche des... muziks.
Ce récit a un rapport avec l'histoire vraie du sous-marin. Il lui est en quelque sorte parallèle et laisse transparaître la nostalgie d'une utopie basée principalement sur cette idée hors d'atteinte: A chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens.
Le lecteur insensible à la nostalgie de cette utopie mortifère et sanglante, trouvera tout de même de l'intérêt à ce récit, parce que nourri de lectures signées Jacques Prévert, Bertolt Brecht, Alfred Jarry, Jean-Jacques Rousseau ou Friedrich Nietzsche
Et puis, à la performance folle de l'artiste Burland se conjugue la performance tout aussi folle d'Ourednik, dont l'imagination est débordante et dont l'Arche est non seulement sous-marine mais également aérienne et souterraine...
Francis Richard
Atomik submarine, d'André Ourednik et François Burland, 216 pages, Art & Fiction
(avec les contributions de Philippe Lespinasse et Stéphanie Lugon)
Livres précédents d'André Ourednik:
Omniscience, 276 pages, La Baconnière (2017)
Les cartes du boyard Karienski, 280 pages, La Baconnière (2015)
Contes suisses, 184 pages, Éditions Encre Fraîche (2013)