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Harakiri de Maryse Latendresse

Par Venise Landry @VeniseLandry
Harakiri de Maryse LatendresseUn roman couleur peau. Sa couverture m’a fait de l’oeil, j’ai plongé et puis voilà j’en suis ressorti avec la conviction que pour sauver un enfant du désespoir, on se sauve soi-même. Un père et une mère ne s’aiment pas et cela, depuis trop longtemps. Un enfant est né de ce « non-amour », une fillette de six ans, vive d’esprit qui, elle, aime également ses parents.
Une histoire comme il y en a trop, de parents enchaînés, mais ce qui est distinctif sont les problèmes mentaux de la mère, suffisamment importants pour sauter sur le père et lui ouvrir le ventre et, par la suite, retourner le couteau vers son propre ventre. Écrire cette atrocité noir sur blanc m’apparait si tragique que je me demande, après coup, comment j’ai fait pour lire ce roman le cœur léger. C’est bien simple, j’y suis arrivé parce que là n’est pas le propos. Si on s’arrête à ce début, on s’arrête au déclencheur, et on laisse tomber l’essence même de cette histoire qui est toute en douceur et en subtilité.
L’homme, ou le papa repose dans un profond coma, tandis que la maman, moins affectée physiquement (à ce qu’il m’a semblé) est enfermée dans une aile psychiatrique.  La petite fille se retrouve donc sans parents fonctionnels. Elle a une grand-maman qui fait son possible, mais la fillette est clairement attirée par la grande amie adulte. Elle l’a même choisie pour s’occuper d’elle, puisqu’après avoir assisté à la scène Harakiri, la petite part à pied pour retrouver cette amie adulte chez elle. Ce qu’elle ne sait pas du haut de ses six ans, c’est que cette amie est la maîtresse de son père depuis six ans, et qu’elle a trahi sa mère dont elle est l’amie. La maîtresse est donc le trait d’union entre ses parents, ce que la petite doit percevoir. Bien entendu, la relation extra-maritale était sous le couvert du secret.
Le roman relate cette relation improbable entre la maitresse du papa et sa petite fille. Nous suivons les aléas de ce duo de traumatisées, deux cœurs aimants, secouées par un choc monumental. Chez l’enfant, un signe tangible de choc : elle ne peut plus prononcer un seul mot. Muette. Reparlera-t-elle un jour ? La maîtresse du père veille sur elle et tente de lui offrir assez de sécurité pour qu’elle s’abandonne de nouveau à la Vie.
La situation pour l’amoureuse du père est très inconvenante. Posture inconfortable, la culpabilité la tient à la gorge mais l’urgence de la situation l’oblige à continuer de parler, de penser, d’écrire. On entre dans l’intimité de cette femme placée dans une situation des plus stressantes. Ses pensées se déposent par courts paragraphes qui s’enchaînent même s’ils sont interdépendants. Des touches douces, empreintes de tendresse et de réalisme avancent sur un champ miné. La situation est étouffante, mais l'aération des paragraphes de diverses tailles contribue à apaiser. Comment réagir dans une situation aussi incongrue où l’on doit garder le silence pour ne pas pousser le traumatisme de l’enfant dans ses derniers retranchements ? Aucun mode d’emploi. 
C’est l’amour pour le père transféré sur la petite fille qui agira comme catharsis. Oublier son égo pour l’amour d’un enfant, pour qu’il s’épanouisse malgré l’injustice qu’il vient de vivre.  Transcender sa douleur pour sauver un enfant du marasme. Ces paragraphes ont œuvré sur moi comme par magie. Je me suis laissé amadouer par ce style souple, juste et franc. J’ai vécu quelques frustrations face aux hauts et bas du bilan de santé du père comateux mais, sinon, je me suis laissé absorbée par la générosité du geste d’une femme forte et la résilience d’une enfant en bas âge.
Une fois la scène violente derrière moi, j’ai laissé le style de Maryse Latendresse magnifier les maux et j’en suis sortie apaisée.

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