BIOGRAPHIE
Après des études à la HEAR à Strasbourg où elle en est sortie diplômée en 2010, elle intègre la Bezalel Academy of Arts and Design en Israël et Palestine durant un an. De retour en France en 2011, elle poursuit son parcours à l’ENSBA de Lyon et obtient en 2013 son DNSEP avec les félicitations du jury.
Son travail a été montré lors de plusieurs expositions collectives telles que Polyphonie au Centre Pompidou à Paris (FR), Derives do Brasil dans le cadre de la 11e Biennale d’Architecture de Sao Paulo (BR), lors de la 62e édition du Salon de Montrouge (FR), Transformerz à Arondit à Paris (FR), Where silence begins (CZ), et dernièrement, lors de la Nocturne, Au Diapason du monde à la Fondation Louis Vuitton.
Par ailleurs, elle a été la lauréate de plusieurs résidences parmi lesquelles : la Factatory à Lyon (2018), les Ateliers Médicis à Vélines (2018), la Villa Belleville à Paris (2017- 2018), l’Institut d’Architecture du Brésil à Sao Paulo (2017), la Cité Internationale des Arts de Paris (2017), Générator à Rennes (2016) ou encore Triangle France à Marseille (2014).
DEMARCHE
Le travail, à la fois formel et érudit, de Lauren Tortil part d’une recherche généalogique non exhaustive sur les « grandes oreilles », ces dispositifs militaires d’écoute à distance, hérités des technologies de guerre du XXe siècle. Leurs formes fascinantes renvoient à un imaginaire proche de la science-fiction et de l’espionnage, relevant d’un intérêt pour le rétrofuturisme, ces figures d’anticipation utopique du passé. Cette étude documentaire et théorique est à la base d’un travail plastique que l’artiste développe sous forme d’installations sonores, de films, d’éditions ou de sculptures. De fait, c’est d’abord la forme spécifique de ces reliques technologiques qui intrigue l’artiste et qui appelle une démarche iconographique fondée, un peu comme chez l’historien d’art Aby Warburg, sur des motifs formels. En résulte une collection personnelle, ni scientifique ni réellement chronologique, associant images militaires, peintures fantastiques, archéologie et projets scientifiques parfois improbables. Certains, comme ces immenses miroirs acoustiques en béton créés pour la Royal Air Force britannique pendant la Première Guerre mondiale, ont d’indéniables qualités sculpturales, entre abstraction géométrique, architectures utopiques et expérimentations formelles modernistes de type Bauhaus. Replaçant ces images dans un dispositif littéraire, son projet le plus récent déploie une correspondance fictive entre l’inventeur du stéthoscope au XIXe siècle, un agent de l’armée américaine durant la Guerre froide et un informaticien de la DGSE d’aujourd’hui. De fait, plutôt que de tenir un discours sur la surveillance, les oeuvres de Lauren Tortil immergent le spectateur dans des expériences sensorielles et fictionnelles. Pointant la part de mystère qui entoure aujourd’hui ces fossiles militaires et politiques abandonnés, elle propose un retournement de situation avec effet miroir : comme s’il s’agissait de surveiller les dispositifs de surveillance et d’écouter les capteurs sonores eux-mêmes afin qu’ils nous renvoient à leur tour les signaux fragmentés d’histoires transmises à distance, non plus géographique mais historique.
Texte de Guillaume Désanges, 2017
Expositions collectives (sélection) :
2018
* « Terra Incognita #2 », diffusion de la vidéo En libre suspens, Saison Vidéo, Lille, FR
* « Nocturne, Au diapason du monde » à la Fondation Louis Vuitton, Paris, FR
* « Free-floating auscultation #2 » à la Factatory, projet curatorial, Lyon, FR
* « 1+1=1 » à la Villa Belleville, commissariat : Eva Vaslamatzi, Paris, FR
* « What about 2222 ? » au FDP, commissariat : Andy Rankin, Paris, FR
2017
* « Devires do Brasil » à Praça das Artes, commissariat Marcos Rosa, 11e édition
de la Biennale d’Architecture de São Paulo, BR
* « Salon de Montrouge », 62e édition, commissariat : Ami Barak, au Beffroi de Montrouge, FR
* « Where Silence Begins » à Sound Gallery IGLOO, commissariat : Flóra Gado et Eszter Őze, Jihlava, CZ
* « Transformerz » à Arondit, commissariat : Romain Semeteys, en partenariat avec 40mcube, Paris, FR
* « Polyphonies », au Centre Pompidou, commissariat : Christine Macel et Loïc Le Gall, Paris, FR
2016
* « Générator », au Hub Hug, invitée par 40 mcube, Liffré, FR
* « Rendez-vous », au Château du Nessay, invitée par 40 mcube, Saint-Briac, FR
* « Observations sonores », au Musée Gassendi, commissariat : Bertrand Riou, Digne-les-Bains, FR
2015
* « The Talking Room », épisode 1, à la Galerie des projets en résonance à la biennale de Lyon, FR
* « The Upturn Show », épisode pilote, à la Galerie des projets, Lyon, FR
* « Édition #6 », au Salon du salon, Printemps de l’art contemporain, Marseille, FR
2014
* « Édition #5 », au Salon du salon, Marseille, FR
* « Cônes », avec Sarah Barh, Festival Actoral, à Montévidéo, Marseille, FR
* « Kairos #2 : Hotel el silencio », projet curatorial avec Julie Escoffier présenté au DEAR, Mexico City, MEX
* « In lusio MC », au 6 rue Jouffroy d’Abbans, Lyon, FR
2013
* « Prix Linossier », à l’ENSBA, Lyon, FR
* « Kairos #1 », initié avec Julie Escoffier, au 1 rue Soufflot, Lyon, FR
* « Final », Manuel #3, au 6B, Paris, FR
* « Existe-t’île », Manuel #3, à la Sunset résidence, Lyon, FR
2011
* « Inversion/Perversion », avec le Collectif Musrara, Jérusalem, ISR
* « Piggy and piggy lost in the bubble », à Bezalel Gallery, Jérusalem, ISR
* « Drift, breathe and scream », à la Mer Morte, Palestine
Performances :
2018
* « Remaining Observant », Nocturne au diapason du monde à la Fondation Louis Vuitton, Paris, FR
* « Remaining Observant », la Factatory, Lyon, FR
* « Remaining Observant », 1+1=1 à la Villa Belleville, Paris, FR
2017
* « Remaining Observant », 11e édition de la Biennale d’Architecture de São Paulo, BR
2016
*« Free-floating auscultation #1 », Centre culturel tchèque, invité par Leboudoir 2.0, Paris, FR
* « I Dream Ether I Never Feel », avec Aru Jänkl, Festival Péril électro à Confluence, Paris, FR
2015
* « Clémolojo », performance sonore, avec Aru Jänkl, Nouveau Théâtre du 8e, Lyon, FR
2014
* Cônes, avec Sarah Barh, performance, Festival Actoral, à Montévidéo, Marseille, FR
2013
* « Vernissage, Existe-t’île, Manuel #3 », à la Sunset résidence, Lyon, FR
2011
* « Come to play and forget you », Inversion/Perversion, Jérusalem, Israël, ISR
* « Ramallah my love », invitée par Adina Bar-On, à Barbur Gallery, Jérusalem, Israël, ISR
Publications et éditions :
2017/19
* Projet éditorial « Une généalogie des grandes oreilles » avec les graphistes Jérémy Barrault et Léa Audouze et Tombolo Presses
2018
* « The Helicopter Effect », article diffusé dans Journal, Issue #2, revue immatérielle sur la performance, éditée et performée par Matthieu Blond
2016
* Édition bilingue de« Miroirs acoustiques, Camouflages dazzle, Grandes oreilles »,
avec Jérémy Barrault, diffusée par Tombolo Press
2015
* « The Upturn Show », co-écriture de la Bible et du scénario de l’épisode 1 de la série télévisée éponyme, en résonance à la Biennale de Lyon
* « La voix de Cassandre, nouvelle d’anticipation », en collaboration avec Léna Araguas
2013
* « La sirène d’alerte ou la voix de Cassandre », mémoire DNSEP – texte théorique, Ensba-Lyon
Résidences :
2018
* Création en cours, piloté par les Ateliers Médicis, de janvier à juin, Clichy-Montfermeuil, FR
* Factatory, pilotée par la Galerie Roger Tator, de avril à juin, Lyon, FR
2017-2018
* Villa Belleville, de septembre à février, Paris, FR
2017
* Instituto de Arquitetos do Brasil, en avril, São Paulo, Brésil, BR
* La Cité Internationale des Arts, de janvier à juillet, Paris, FR
2015-2016
* Programme Générator, à 40mcube, de novembre à juin, Rennes, FR
2015
* PiedNu, au Fort de Tourneville, en mai, Le Havre, FR
2014
* Triangle France, à la Friche de Belle de mai, de mai à juillet, Marseille, FR
2013
* Sunset résidence, en avril, Lyon, FR
Workshops et conférences (sélection) :
2018
* Interview radiophonique pour l’émission Embouteillage, Radio Bac FM, avec le centre d’art Parc Saint Léger, Nevers, FR
* Carte blanche dans le cadre de Création en cours, projection vidéo, à Côté Jardin, Bonneville, FR
2017-2018
* Carte blanche à la BNF : Du paysage photographique au paysage sonore, conférence et marches sonores avec des collégiens et lycéens, en résonance à l’exposition Paysage Français, Paris, FR
2017
* Écoute silencieuse pour bruit collectif, conférence et workshop avec la classe préparatoire de l’école d’art IDBL et le CAIRN centre d’art, Digne-les-Bains, FR
* Conférence pour les étudiants en master Arts plastiques de l’université Paris 8, Cité des Arts, Paris, FR
2016
* Mise en silence, workshop avec le Centre Pompidou et les étudiants du Lycée Étienne Dolet, Paris, FR
* Conférence à l’EESAB dans le cadre du programme Générator, Beaux-Arts de Brest, FR
Bourses :
2018
* Bourse de recherche et de production des Ateliers Médicis pour Création en cours
2017
* Bourse de production de l’Institut français du Brésil, au Consulat général de France à Sao Paulo
* Bourse de production du Ministère de la Culture et de la Communication, Conseil départemental des Hauts-de-Seine et la Ville de Montrouge
* Bourse de production du Centre Pompidou
2016
* Bourse de recherche et de production dans le cadre du programme Générator
2014
* Bourse de production dans le cadre de la résidence Triangle France
L’INFO INSOLITE :
La cherche encore.
PROJET DÉVELOPPÉ À MAINS D’ŒUVRES :
Lauren Tortil poursuit sa démarche qui interroge l’écoute comme processus de connaissance et le son comme signe, en regard de leur relation au pouvoir. Sous le nom Une généalogie des grandes oreilles, elle propose de donner forme à sa recherche iconographique qu’elle mène depuis deux ans sur des dispositifs de surveillance sollicitant l’écoute. Cette recherche s’incarne en une édition imprimée réalisée en collaboration avec Tombolo Presses et le duo de graphiste Jérémy Barrault et Léa Audouze. Dans le cadre de sa résidence à Mains d’oeuvres, elle propose de manipuler cette recherche dans le but de la décliner, la développer et la déployer dans l’espace par le biais d’un cycle d’expositions et de tables rondes.
Au sens large, Lauren qualifie de grandes oreilles tout dispositif – qu’il s’agisse d’un système, d’une architecture, d’un appareil, d’un instrument ou encore d’un outil – dont le but est d’augmenter les capacités de l’oreille humaine à des fins offensives ou défensives. Si l’oreille est l’organe qui permet de percevoir par l’écoute l’environnement, plus ou moins proche ou lointain, d’où elle se trouve, les grandes oreilles seraient alors le dispositif qui permettrait d’agrandir le territoire de notre perception, de dépasser les contraintes spatiales imposées par notre corps pour entendre des sons lointains ou hors de notre portée d’écoute : un dispositif qui permettrait tout en étant « ici », d’entendre « là-bas » afin d’anticiper un événement à venir encore invisible à la vue.
À l’instar de Jonathan Sterne, figure majeure des Sound Studies, qui dans son livre Une histoire de la modernité sonore cartographie une vaste historiographie des origines de la reproductibilité sonore au XIXe s., cette édition tente de dessiner une généalogie exhaustive des grandes oreilles. Prenant comme point de départ l’invention du stéthoscope créée par le médecin René Laennec en 1816 et la notion d’écoute médiate – que Stern mentionne dans son livre – l’artiste développe en image les évolutions techniques opérées à partir de cet objet et arrive progressivement aux dispositifs de surveillance contemporains : les grandes oreilles de nos gouvernements.
Pour ce faire, cette généalogie technique se développe en regard d’une constellation d’images aux registres variés (peintures, archives, photographies, extraits de films, etc.) articulées selon des planches iconographiques, organisées par thème, dessinant alors trois axes de recherches principaux : 1/ Analyse des dispositifs sollicitant l’écoute à des fins défensives ou offensives : de l’outil manipulé au système désincarné ; 2/ Dispositifs relevant d’un sytème de croyance en tant que fétiches ambigus : magie salutaire VS idéologie sécuritaire ; 3/ Figure politique de l’homme aux aguets en quête de prophéties.