(Lettre d’un lecteur)
Comme quelques-unes ou quelques uns d’entre vous en ont peut-être déjà eu l’occasion à un moment, j’ai assisté hier soir à une soirée d’information de la compagnie Primerica. Cette entreprise fondée en 1977 est également membre de Citigroup.
Tout a commencé lorsqu’un de mes amis, Roger, m’a appelé en me disant qu’il faisait tout nouvellement partie d’une compagnie qui, aidant supposément le monde à faire de l’argent, avait aussi, supposément toujours, de très bonnes valeurs! Il m’a invité à assister à l’une de leurs réunions d’information. Je me suis donc armé d’un crayon et d’une feuille de papier, question de prendre des notes. Roger (nom fictif) ne pouvait pas assister à cette soirée à cause de son travaille, alors j’y suis allé avec sa formatrice.
En route, elle me pose des questions sur mon emploi et me demande dans quelles circonstances j’avais connu Roger. Nous sommes arrivés 15 minutes avant la réunion eten arrivant sur place, aucune enseigne de la compagnie n’était visible de l’extérieur. Une fois à l’intérieur, je me suis mis en mode observation. Une petite sale qui avait la capacité d’à peu près 12 chaises et trois bureaux, avec un tas de plaques commémoratives de promotions et du club SELECT des « 100 000 ». Sur la table reposent, plusieurs revues de finances anglophones et l’ABC de comment faire de l’argent, un ouvrage qui a été mentionné plusieurs fois lors de la présentation.
Ensuite la conférence commence, je commence donc à prendre des notes et je note mes questions au fur et à mesure que la présentation se perpétue. Les autres membres de Primerica participent également aux échanges, comme n’importe quel spectateur. La présentatrice, Gisèle (nom fictif) nous raconte son histoire : elle travaillait tout d’abord dans une banque et elle a tout plaqué pour s’investir dans Primerica, il y a de cela 6 ans. Tout en ventant son confort et sa grosse paie, Gisèle nous montre avec des calculs mathématiques que Primerica offre un meilleur taux d’intérêt aux gens qui se font avoir par les banques et bien sûr, comment il est facile de faire de l’argent en un temps record.
Mais qu’est-ce que Primerica? Cette division de Citigroup, affiliée à la Citibank, est le plus gros holding financier de la planète. Six millions de clients, 100 000 représentants. Au Québec, l’entreprise est encore à ses débuts, mais déjà 92 bureaux sont ouverts à ce jour, sur un objectif de 1000 d’ici dix ans. Comme la population québécoise serait mal servie par les institutions bancaires et les compagnies d’assurance, Primerica souhaite redresser la situation des milliers de baby-boomers sur le point de prendre leur retraite, dont la plupart sont dans des situations peu reluisantes. C’est pourquoi non seulement elle se spécialise dans les analyses des besoins financiers, mais nous propose également d’entrer dans l’équipe. Mais le hic est que les conseillers financiers de cette compagnie sont des gens pris a gauche et a droite et non pas du monde qui ont fait des études en économie.
Les services de l’entreprise se situent principalement dans trois secteurs. Premièrement, la consolidation de dettes. Primerica propose un plan de rééchelonnement, permettant non seulement de baisser nos paiements, mais aussi d’économiser, sur une plus courte période. L’explication de Gisèle m’est apparue très simple, mais aussi peu convaincante, sur cette façon miracle de se sortir de l’endettement. C’est trop beau pour être vrai.
Le second secteur est l’assurance-vie. La compagnie offre une plus grande couverture, pour deux fois moins cher, ce qui serait selon Gisèle la façon dont s’assurent les riches, ceux-ci ne contribuant à leur assurance que pendant leur vie active. C’est d’ailleurs une des recettes de la fameuse « Méthode ABC » dont je vous ai parlé antérieurement.
Puis enfin, le troisième secteur est « les investissements ». Primerica se spécialise dans des investissements à rendements garantis, rapportant un bénéfice plus élevé que les investissements garantis des autres institutions financières. Pour Gisèle, le risque ne signifie pas une possibilité de perte, mais bien une incertitude sur le rendement. Ainsi, Primerica considère un rendement garanti à 12%, alors qu’il est de 3 à 7% dans des institutions comme le Fonds de Solidarité-FTQ.
Évidemment, je ne suis pas un client-cible, ni même un « prospect » potentiel pour l’entreprise, tant mes valeurs sont en contradiction avec la présentation. D’une part, la stratégie utilisée était très interactive, souvent la présentatrice demandait à la main levé des choses comme « Qui souhaiterait avoir au moins 3 000$ assuré par mois dans son compte? ». Durant toute la présentation, Gisèle dénigre l’employé pour rehausser le travailleur autonome.Ce langage directement venu du populisme de la droite libérale, je l’ai vu venir de loin. Il est très utile pour vendre à des gens qui s’imaginent avoir les capacités de s’enrichir rapidement à portée de la main. Inutile de dire que Gisèle m’a perdu définitivement, en ressassant ces mensonges du capitalisme, dont celui de l’individualisme matérialiste et égoïste en tant qu’attitude positive élevant la société vers le meilleur… Le besoin de commenter ses remarques m’est venu souvent, mais je tenais à rester discret et à prendre le plus de notes possible.
À la fin de la présentation, l’insistance de s’en remettre à notre entourage, à s’enrichir en offrant ces services et ces produits financiers à son entourage immédiat m’a convaincu du côté plutôt malsain de l’entreprise. C’est le principe de la pyramide, la fameuse structure pyramidale, où l’on contacte des gens pour leur soumettre d’entrer en affaire avec vous, en vendant des produits financiers, où ceux à la tête s’enrichissent, au détriment de la base, la piétaille interchangeable. Le plus étonnant, c’est que Gisèle n’a eu aucun complexe à défendre cette structure, en suggérant que toutes les entreprises, comme son ex-employeur, ont des structures pyramidales.
Après plusieurs recherches sur la compagnie, j’ai découvert que cette compagnie est en chute libre dans le secteur boursier. Citigroup est en passe de supprimer plusieurs milliers d’emplois dans son secteur international d’investissement bancaire, a rapporté hier le Wall Street Journal.
Fin 2007, Citigroup employait quelque 147 000 personnes à plein temps,aujourd’hui l’entreprise en compte seulement 65 000. Au cour du dernier trimestre l’entreprise a perdu5.1 milliards de dollars. Pas étonnant avec la récession qui frappe tout les secteurs de l’économie états-unienne, dont le secteur financier. 60 000 employés de l’industrie financière américaine ont déjà perdu leur emploi ou le perdront d’ici la fin de l’année. Avec le secteur « automobile » et « pétrolier », ce sont les troisprincipalement touchés. Citigroup, qui a perdu 154 G$ US ou 70 % de sa valeur boursière depuis décembre 2007, ne fait que nous confirmer ce que nous disons depuis quelque temps et que les capitalistes essaient de nier en faisant l’autruche entêtée. L’économie états-unienne est en chute libre et rien ne montre que la situation ne va s’améliorer, tout au contraire.
Et pour ajouter la cerise sur le sundae, aussi peu étonnant que cela puisse paraître, l’entreprise est prise avec le départ scandaleux de Charles Prince qui sort avec 105 M$ US des avoirs. Il n’est donc pas étonnant que la compagnie veuille économiser en bâtissant une structure peu coûteuse, issue de la rue et de la naïveté.
Jean-Sébastien Vézina