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L'âme déracinée, de Manuela Ackermann-Repond

Publié le 27 janvier 2019 par Francisrichard @francisrichard
L'âme déracinée, de Manuela Ackermann-Repond

Ma particularité la plus marquante est d'avoir été baptisé trois fois, d'avoir endossé autant d'identités, chacune différant des autres.

Angelo Lagannà, surnommé Anniu, est né à la fin des années 1920, en Calabre. Il vit une enfance heureuse dans un petit village de la province de Cosenza, Borgo Sant'Emilio.

Il est le troisième de sept enfants. Quand ses parents et ses deux frères aînés partent dans le nord pour travailler, il reste avec ses grands-parents et ses petits frères et soeurs.

Puis vient un jour où, à son tour, il doit les rejoindre, non plus dans le nord, mais en France, dans la région de Bordeaux, où ils travaillent à la vigne.

Quoi qu'il arrive, Angelo promet à sa petite soeur Maria, à laquelle il est très attachée et avec laquelle il partage quelques secrets, de ne jamais l'abandonner...

Dans la rue à Bordeaux, alors qu'il vend des journaux (il n'est pas assez costaud pour les travaux de la vigne) il est remarqué pour sa beauté par un couple fortuné, qui veut parler à ses parents.

M. et Mme Fabbre veulent adopter Angelo. En contrepartie ils versent à ses parents une avance et s'engagent à leur verser un montant mensuel jusqu'à ses dix-huit ans.

Angelo Lagannà devient Ange Fabbre. Après avoir vécu quelques semaines à Bordeaux, les Fabbre partent avec Ange pour Paris où ils ont un hôtel particulier dans un quartier huppé.

Au collège, les débuts sont difficiles pour Ange parce qu'il n'est pas du même monde que les autres et qu'il est en butte à leurs moqueries.

Alors, pour se faire respecter, il devient un élève modèle, à qui, de plus, il ne faut pas chercher querelle, car il fréquente un club de boxe...

Pendant la guerre ses parents adoptifs l'envoient sur la Riviera suisse. A la fin de la guerre, de retour à Paris, il passe son baccalauréat.

Quand il retourne voir les siens en Calabre, il est désormais considéré comme un étranger. Sa chère petite Maria, notamment, ne le reconnaît plus...

Pour ses dix-huit ans, ses amis emmènent Ange dans un bordel clandestin (Marthe Richard vient d'obtenir la fermeture des maisons closes à Paris).

Au Palais des Délices, Ange fait la connaissance de Myosotis, la fille en bleu, dont il tombe amoureux et qui n'est pas indifférente à son charme.

Il y est remarqué par un client, Ernest Michel, qui, après l'avoir entendu déclamer des poèmes aux filles de joie de l'établissement, le convainc de passer une audition pour un film.

Myosotis disparaît, mais il s'intéresse désormais à la gent féminine, ce qui n'était pas le cas jusque-là et commence, au grand dam de Sylvie Fabbre, une carrière d'acteur de cinéma.

Ernest Michel, devenu son agent, souhaite pour lui un pseudonyme anglophone. Ange Fabbre devient donc Angel Finley (patronyme trouvé sur une carte routière d'outre-Atlantique).

L'enfant de Borgo Sant'Emilio a donc trois identités, mais, au lieu de se substituer successivement les unes aux autres, elles cohabitent en lui et l'empêchent d'avoir l'âme en paix.

Tout le restant de sa vie, ces trois facettes, Angelo et ses remords, Ange et ses bonnes manières, Angel et ses prétentions, cesseront-elles jamais de se bousculer et de l'épuiser moralement?

Comment harmoniser le petit Calabrais, le dandy parisien et la vedette de cinéma ensemble, respirant d'un même souffle et apaisés tous les trois?

Comme son coeur est finalement ligoté de plusieurs liens différents, il se pose également cette question éternelle: [Peut-on] vraiment n'aimer qu'une seule et même personne tout au long d'une vie?

Francis Richard 

L'âme déracinée, Manuela Ackermann-Repond, 392 pages, Slatkine (sortie le 29 janvier 2019)

Livre précédent:

La Capeline écarlate (2017)


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