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Afghanistan : Alberto Cairo, le coeur et les jambes…

Publié le 30 janvier 2019 par Frédéric Joli

Afghanistan : Alberto Cairo, le coeur et les jambes…
« Mon père, ce « Cairo » au sourire si doux… » Certes le jeu de mot est un peu tiré par les cheveux mais c’est celui qui m’est venu, clin d’oeil à « Après la bataille » de Victor Hugo, après avoir lu l’hommage du New York Times à Alberto Cairo.

L’ancien avocat italien, qui, révolté par les blessures de guerre ou celles infligées par les mines antipersonnel, fonda à Kaboul, pour le CICR, le premier centre orthopédique d’Afghanistan. S’ensuivit la création, dès 1999 d’autres structures gérées par le CICR à Mazar-i-Sharif, Herat et Jalalabad et fournis en prothèses par les ateliers de Kaboul. En outre, les centres offraient et offrent toujours une aide financière et des possibilités d’hébergement aux personnes de régions éloignées qui n’ont pas les moyens de voyager et ne savent pas où se loger.

A son actif, en trois décennies, Alberto et ses équipes de prothésistes et de physiothérapeutes ont appareillé 180 000 mutilés et produit plus de 200 000 prothèses.

« Quand vous perdez une jambe, vous perdez aussi une partie de votre coeur, un bout de votre esprit, la confiance en soi »

A l’heure de la retraite, Alberto compte rester à Kaboul. Ecoutez ce qu’il dit de son engagement et de son indignation restés intacts :

A voir également l’hommage de Cornelio Sommaruga dans l’un des épisodes de la série « L’Humanité en Guerre » (2010) où l’ancien président du CICR commente une photo prise en 1996 au centre orthopédique de Kaboul par Sebatiao Salgado.

Les « Chroniques de Kaboul » d’Alberto Cairo, ouvrage paru en 2007 méritent d’être lues…

« Dès que je suis arrivé à Kaboul, en 1990, je m’y suis senti chez moi. Depuis, tant de choses se sont passées, spectaculaires ou secrètes, dramatiques ou comiques… »

Et pour en revenir au jeu de mot saugrenu du début de cette note, voici le poème d’Hugo où Héros rime avec Cairo. Un poème, comment dire… avec un certain accent « humanitaire ».

Après la bataille

Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
Et qui disait: » A boire! à boire par pitié ! »
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. »
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: « Caramba! »
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.


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