Après une journée marquée par la récurrence de l'inclusion financière, voici quelques instantanés des conférences plénières de la seconde partie du Paris FinTech Forum, au cours de laquelle le même thème, encore régulièrement mentionné, cédait le pas à une autre préoccupation : les relations entre startups et acteurs historiques.
Une première approche en était offerte, dans la domaine de l'assurance, par un échange entre AXA et Ping An, le géant chinois qui, du haut de ses 30 ans d'existence, a conservé des réflexes de jeune pousse, en les adaptant à sa dimension actuelle. Deux indicateurs donnent ainsi une idée de sa particularité : la compagnie emploie 30 000 personnes en recherche et développement, dont 1 000 spécialistes de l'intelligence artificielle, qui produisent ses modèles d'évaluation de risques reposant sur 26 000 variables.
Thomas Buberl voit dans cette réussite une inspiration pour la transformation en cours d'AXA, dont la ligne directrice est de faire de l'assurance un outil d'accompagnement des clients dans leur vie quotidienne et non plus seulement l'entreprise qui rembourse les dommages subis en cas de sinistre. Pourtant, quand il évoque ce qui a été réalisé à ce jour, il s'en tient à des avancées techniques, entre adoption du « cloud », centralisation des données des clients, consolidation des systèmes informatiques…
Le débat sur l'opposition entre innovation et réglementation est également une autre manière d'aborder un conflit latent, dont Kristo Käärmann se faisait le porte-parole, à son habitude. Il adoptait cependant une perspective renversée en citant son combat (et celui de TransferWise, qu'il dirige) pour le besoin de transparence sur les frais cachés dans les transferts de devise (130 milliards par an en Europe, selon l'OCDE), qui devrait (enfin) aboutir, 5 ans après une réaction initiale dédaigneuse de la FCA britannique.
C'est donc la députée européenne Éva Kaïlí qui défendait le principe d'une réglementation qui ne soit pas conçue pour étouffer l'innovation – comme elle l'est fréquemment, de l'aveu de Robert Ophèle (AMF). Elle soulignait, par exemple, les travaux actuels du parlement en vue de définir un cadre homogène pour les bacs à sable. Elle rappelait tout de même la limite à ce que le législateur juge acceptable de la part de nouveaux entrants avec une formule claire : « l'innovation, c'est violer les règles, mais pas la loi ».
Des réflexions similaires émaillaient ensuite la conversation à propos de la gestion de patrimoine et de la gestion d'actifs. Frédéric Janbon, directeur général de BNP Paribas AM, était explicite : la manière dont les portefeuilles sont assemblés évolue profondément, vers l'ultra-personnalisation, sous l'influence conjuguée des changements de comportement des consommateurs et des solutions développées par les « robo-advisors ». En arrière-plan, la nouvelle ère est caractérisée par l'obligation pour tous les acteurs de la chaîne de valeur de placer le client au centre des préoccupations.
Le clou de la matinée était certainement la confrontation organisée entre les directeurs généraux de Swift et de Ripple. Là, aucun espoir de réconciliation, même si le dialogue restait cordial. Gottfried Leibbrandt vantait sans relâche les mérites de la plate-forme de Swift – notamment sa dernière évolution « gpi », qui supportera bientôt des interconnexions avec des systèmes concurrents grâce à des API – et assurait que ses clients sont sceptiques quant à la valeur de la blockchain pour les transferts d'argent.
Dans une large mesure, son discours avait néanmoins tendance à confirmer le point de vue de son « adversaire », qui, dès les première minutes avait donné le ton de la session en affirmant que le combat entre Ripple et Swift était réminiscent, pour lui, de la guerre entre Amazon et Walmart à la fin des années 90. Si Brad Garlinghouse défendait bec et ongles son modèle (d'avenir) décentralisé, les deux intervenants finissaient toutefois par se rejoindre sur l'exigence désormais incontournable d'ouverture dans leur activité.
Le thème de l'impact de la FinTech sur la mutation des économies donnait l'occasion de revenir sur l'inclusion financière. Ismail Ahmed, fondateur et PDG de WorldRemit, notait ainsi que la quasi-disparition des espèces dans le quotidien des habitants du Somaliland était un extraordinaire facteur d'autonomisation des femmes. Et Charlotte Hogg, directrice générale de Visa Europe, confirmait avec lui que la « digitalisation » de l'argent permettait de lutter contre l'économie souterraine dans toutes les régions du monde.
Le sujet, proche du précédent, de la transformation « digitale », prise sous l'angle triple de la responsabilité, de la diversité et de la collaboration, offrait matière à l'échange le plus vivant du Forum. Frédéric Oudéa affirmait, d'un côté, sa conviction de l'impératif pour la banque d'accompagner et de soutenir activement le développement du continent africain, en invoquant des raisons géopolitiques. D'autre part, il soulignait l'immense défi que représente la prise de conscience que trois quarts des effectifs de Société Générale devraient changer de métier à moyen terme.
À ses côtés, Viola Llewellyn, charismatique présidente d'Ovamba Solutions, expliquait que le principal challenge auquel sa jeune pousse (américaine) est confrontée dans son activité de financement des petites entreprises africaines est de convaincre ses clients potentiels que l'accès au capital n'est pas le domaine exclusif des banques.
Au cœur de la thématique des relations entre startups et acteurs établis, la question était posée très directement : après une période d'initiatives semblant relever du théâtre, est-on enfin entré dans un âge de collaborations effectives ? En citant l'exemple de projets concrets avec des RegTech, Wim Mijs (EBF) entamait mal la discussion, si on considère que, dans ce domaine, il est généralement question de rapport (classique) entre un éditeur de logiciel et son client et non d'introduction de nouveaux modèles.
Pour leur part, les deux représentants de la FinTech (Diana Paredes pour Suade et Zach Perret pour Plaid), tout en reconnaissant un progrès certain, restent sceptiques sur la capacité des grands groupes à travailler efficacement avec l'écosystème entrepreneurial. À l'extrême, il s'avère que les tentatives d'approcher les équipes dédiées à l'innovation sont souvent contre-productives, tant ces structures sont, dans de trop nombreux cas, de simples vitrines marketing sans réels moyens de transformer l'organisation.
Pour terminer, du panel sur la finance alternative, composé de dirigeants de plates-formes de prêt participatif, nous retiendrons un constat – ces entreprises sont meilleures que les banques au niveau du parcours utilisateur et de l'évaluation du risque et moins performantes sur les taux, selon Olivier Goy (October) – et une promesse – à l'avenir, les clients ne rechercheront plus leur crédit chez un spécialiste, l'offre sera directement intégrée dans une expérience globale, et les institutions traditionnelles auront d'immenses difficultés à s'adapter à cette évolution, selon Christoph Rieche (Iwoca).
Prenez note dès aujourd'hui, la prochaine édition du Paris FinTech Forum se déroulera les 28 et 29 janvier 2020 !