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Une journée de petits bonheurs au temple de Embilipitiya

Publié le 02 février 2019 par Do22
Une journée de petits bonheurs au temple de Embilipitiya

Ce matin, je me suis levée apaisée après ces dernières semaines un peu rock'n roll. J'avais juste envie de prendre le temps qui vient, de l'apprécier à chaque instant... Enfin un peu de calme, une journée où je pouvais faire juste ce que je voulais quand je voulais.

A 6h15, sentir la fraicheur encore humide de la pluie tombée en trombe hier soir sur les marches du temple en les montant à pieds pour aller méditer avant le petit déjeuner. Observer la quiétude et la beauté de la nature devant mes yeux quand je les ouvre. L'aménagement paysager est soigneusement ordonné avec goût par les moines.

Croiser le moine qui bégaie et se mettre à échanger avec lui. Probablement l'aîné, en termes d'âge, de tous les moines présents au temple, c'est pourtant le dernier à avoir pris ses voeux à l'âge de 55 ans, m'a-t-il expliqué ce matin. Son fils est décédé. Il a décidé de devenir moine pour apprendre à se détacher de sa souffrance. Il a tout quitté pour entrer dans les ordres. Il a réussi à être plus heureux depuis. Il a 71 ans.

La grosse fourmi qui se balade le long du cadre de porte au plancher lorsque je suis aux toilettes, est pas mal énervée et me fait rire : la croyance voudrait me faire croire qu'elle va me piquer mais, en fait, elle part en courant quand arrive mon gros orteil. Pas si méchante que ça, la petite.

Les jeunes moines, leur grand robe enlevée, juste en " jupe ", torse nu, qui font de l'exercice dans la cour devant chez moi et rient à gorge déployée. C'est la mousson. Il pleut à gros bouillons. Ils sont " trempe à lavette ", comme on dit au Québec. Ils ont entre 16 et 21 ans. Ils défient la mousson et l'orage en jouant au volleyball. C'est beau de les voir parfaitement vivants et humains en-dehors de leur rôle de moine.

Visakha Home, centre pour filles-mères

Une journée de petits bonheurs au temple de Embilipitiya

J'ai décidé d'apporter le goûter aux jeunes filles-mères cet après-midi (je vous parlerai plus longuement de ce centre dans un autre article). Deux jeunes moines sont venus avec moi.

Nous avons eu beaucoup de plaisir ensemble. J'étais heureuse de voir ces huit jeunes filles sourire et même rire (à part sur la photo, zut...) après que nous ayons fait connaissance aujourd'hui. La moitié a 14 ans, les autres entre 15 et 17 ans. Elles attendent un bébé ou en portent un dans leurs bras. J'en reconnais deux d'entre elles et elles me reconnaissent. Elles étaient déjà là l'an dernier quand je suis venue.

Abusées par un parent ou un étranger, elles sont tombées enceintes. Parias de la société srilankaise, elles sont mises dans ce centre pour y accoucher et passer les premiers mois de vie avec leur bébé. La honte d'être fille-mère au siècle dernier au Québec est encore de vigueur dans ce pays. C'est surtout qu'elles n'ont reçu aucune éducation sexuelle et ne se sentent souvent même pas abusées. " Il ne m'a pas fait mal ", disent certaines. Quand c'est fait avec douceur, ça passe mieux, même si c'est le père, le frère, le cousin, l'oncle, le voisin ou l'ami du frère. On ne sent pas de haine, de colère ou de rancoeur évidente chez la plupart d'entre elles. Elles sont encore si jeunes, des enfants. Elles m'ont invitée à retourner les voir demain matin pour aller jouer avec elles. J'ai hâte de voir ce qu'elles me réservent !

- Que pensez-vous de ce qui se passe pour ces jeunes filles, ai-je demandé à un des deux moines.
- Je n'en pense rien, m'a-t-il répondu, un peu mal à l'aise. Elles ont tellement peu d'éducation.

Il comprend que, si elles avaient su (= avaient reçu une éducation), elles n'en seraient pas là.

En fait, les deux moines ne savent pas quoi en penser. Ils ne jugent donc pas et c'est tout à leur honneur. De leur côté, c'est tout juste s'ils savent ce qu'est leur propre sexualité et il y a de grandes chances pour qu'ils ne connaissent rien à la physiologie féminine et encore moins ce que veulent dire les sentiments amoureux...

Une journée de petits bonheurs au temple de Embilipitiya
J'ai cependant eu la joie d'avoir permis à ces deux jeunes moines de prendre un bébé dans leurs bras pour la première fois de leur vie.

- Avez-vous le droit de prendre un bébé dans vos bras ? ai-je demandé à un des deux moines en arrivant (je ne connais pas toutes les règles des moines).
- Mouiii.... a-t-il répondu, gêné.
- Aimeriez-vous en prendre un ?
- Mouiiiiiiii....
- Pourquoi ne le faites-vous pas ?
- Parce qu'on est timides, a-t-il répondu, probablement les joues toutes rouges sous son beau teint chocolat foncé.

Quand le premier bébé est arrivé sur mes genoux, alors que j'étais assise juste à côté des moines, je n'ai pas pu m'en empêcher. Quelques câlins et photos avec bébé et je l'ai passé au moine qui l'a pris tout doucement, un peu surpris. Bébé a commencé à pleurer. Raté...

Par contre, ça a marché avec le 2e bébé puis le 3e bébé. Même que son copain moine a décidé de s'y mettre aussi. Quel bonheur de les voir s'ouvrir à ces moments de tendresse. Ils ont même réitéré avant de partir, en attendant le tuktuk.

J'étais heureuse de les voir s'ouvrir ainsi et j'assume totalement ma responsabilité s'ils décident un jour de quitter la robe pour se tourner vers une relation amoureuse et fonder une famille ;-).

Drôle de chien

Une journée de petits bonheurs au temple de Embilipitiya

Quelqu'un s'amuse à peindre le chien du coin 🙂

Baptême

En arrivant au puja (chants et rituels quotidiens avec les moines) ce soir, j'ai vu un jeune couple avec un tout petit bébé fille. Le jeune papa, tout fier, me l'a tendue et elle s'est endormie dans mes bras. Photo de famille. Puja. Ils sont restés à la fin et se sont approchés d'un moine plus âgé qui les attendait. A sa façon et avec beaucoup de tendresse dans son regard, Bhante Vimala a versé quelques gouttes d'eau sur le front de la petite tout en chantant quelques incantations. C'est la première fois que j'assistais à un " baptême " bouddhiste. Je ne sais d'ailleurs pas s'ils appellent ça ainsi. Je leur demande demain.

A bientôt !

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© Dominique Jeanneret
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