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Referendum d’initiative citoyenne : pourquoi les gilets jaunes ne l’obtiendront jamais

Publié le 11 février 2019 par David Talerman
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RIC, referendum d'initiative citoyenne

De toutes les revendications des gilets jaunes, celle qui semble avoir le plus d’importance à leurs yeux, bien au-delà de l’augmentation du pouvoir d’achat, c’est le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Et beaucoup de journalistes français se sont jetés sur le sujet, ressortant  à l’envi ce qui se passe en Suisse, mentionnant notamment l’initiative populaire et le référendum. Mais je peux vous l’affirmer, aucun homme politique, aucun sénateur, aucun député français ne sera assez fou pour accepter qu’un système à la Suisse passe en France. Et je vais vous expliquer très simplement pourquoi.

Un système politique qui donne le pouvoir au peuple

Avant de commencer, tentons de comprendre, en quelques mots, comment le système fonctionne en Suisse. Très schématiquement, le peuple a entre les mains beaucoup de pouvoir, grâce à 3 leviers démocratiques très forts qu’il peut actionner :

  • l’initiative populaire, qui permet au peuple de modifier de sa propre initiative la Constitution
  • le référendum facultatif qui permet au peuple de freiner ou stopper une loi votée par le Parlement
  • le référendum obligatoire permet au peuple de voter les modifications de la Constitution initiées par le Parlement

Comment fonctionne l’initiative populaire en Suisse

Par ce qu’on appelle une initiative populaire, ou initiative populaire fédérale, n’importe quel citoyen peut, s’il le souhaite, demander une révision de la Constitution. Les initiateurs doivent alors rédiger un texte présentant le projet, et récolter plus de 100 000 signatures de personnes qui partagent cette volonté de modification de la Constitution. Et ils ont 18 mois pour le faire.

Si le nombre de signatures est atteint dans les délais, le texte proposé est alors soumis au Parlement qui va alors s’assurer que le texte respecte un certain nombre de règles, ainsi que le droit international. Le Parlement a, à ce stade, la possibilité de déclarer l’initiative nulle, intégralement ou partiellement si ces règles ne sont pas respectées.

Si le Parlement valide l’initiative populaire, le texte est alors soumis au peuple : c’est ce qu’on appelle la votation populaire. Et pour qu’une modification de la Constitution soit acceptée, il faut qu’elle obtienne non seulement la majorité du  peuple, mais aussi la majorité des cantons. L’un des derniers exemples marquants d’initiative populaire a été la loi sur la limitation de l’immigration, votée en 2014 par le peuple suisse.

Enfin, si une initiative populaire est validée par le Parlement, le Parlement ou le Conseil fédéral (le gouvernement) peut décider de mettre en place ce qu’on appelle un contre-projet, également soumis au vote du peuple.

Comment fonctionne un référendum en Suisse

En Suisse, le peuple peut aller à l’encontre des décisions du Parlement, en réunissant 50 000 signatures. Dans ce cas, la loi est alors soumise au vote populaire, et ne sera mise en œuvre que si elle obtient une majorité. C’est ce qu’on appelle le référendum facultatif.

Si le Parlement décide de modifier la Constitution, alors cette modification est soumise au vote populaire, et elle ne sera mise en œuvre que si elle obtient une majorité. C’est ce qu’on appelle le référendum obligatoire.

En Suisse, le peuple a le dernier mot

Dans les 3 cas, on constate que le c’est bien le peuple qui a potentiellement le dernier mot. Les députés le savent, ce qui induit clairement dans leurs décisions de modifications de la Constitution et dans les lois qu’ils élaborent ou changent, une prise en compte de l’avis de la population. En clair, une loi qui est sûre d’avoir une forte opposition parmi la population ne sera clairement pas proposée. Dans ce cas, les Parlementaires feront le nécessaire pour adapter la loi aux attentes de la Population, par des consultations, ce qui permet au système démocratique de s’auto-réguler.

En France, la Constitution est l’écrin de protection de la Monarchie politique

En France, la Constitution est un écrin qui protège le Chef de l’État. De manière générale, les institutions françaises sont faites pour que rien ne puisse atteindre le Président de la République. La Constitution française lui donne également des pouvoirs qui lui permettent clairement d’être au-dessus des lois qui régissent la vie du citoyen « lambda ». A titre d’exemple, l’article 17 est assez éloquent  » Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel« . En clair, la lecture des 15 articles dédiés au Chef de l’État permet de constater que la Constitution est une ode à la grande puissance de ce monarque politique qu’est le Président de la République française.

Le Gouvernement et le Parlement ne sont pas en reste. A titre d’illustration, l’article 26 de la Constitution, indique qu’ « Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive« . En clair, à moins de tuer en direct à la télévision 20 personnes à la kalachnikov, il n’arrivera pas grand-chose à un député ou un sénateur. C’est la fameuse immunité parlementaire. En Suisse, cette immunité est limitée depuis 2011 aux activités liées à la fonction de Parlementaire. En France, c’est l’immunité absolue qui prévaut, et il faut vraiment qu’un député ou un sénateur exagère pour que ses pairs décident de lever l’immunité parlementaire.

L’initiative populaire ne passera jamais la rampe en France

La mise en place d’un référendum d’initiative populaire reviendrait à laisser à tout citoyen la possibilité de supprimer illico tous ces privilèges dont bénéficie le Chef de l’État, le Gouvernement et les parlementaires, en modifiant la Constitution. Inutile de tergiverser : cela ne passera jamais la rampe, aucun politique français saint d’esprit n’accepterait une telle chose, car le rôle du Chef de l’Etat, du Gouvernement, des Députés, et surtout leurs avantages seraient probablement immédiatement supprimés par le vote populaire.

Le référendum facultatif ne sera jamais accepté non plus

Imaginez vous vraiment les Parlementaires français accepter de voir leurs propositions de loi supprimées ou modifiées par le Peuple ? Sûrement pas ! Il ne leur sera notamment plus possible de s’auto-voter des primes et avantages, plus possible non plus de faire passer des projets de loi qui étaient l’inverse de ce qu’ils ont promis à leurs électeurs lors de leur élection. Il est même possible qu’on finisse par leur demander des comptes, voire d’être présent au Parlement ou au Sénat. Même chose pour un député qui, une fois élu, ne ferait rien de ce qu’il a promis, comme par exemple le député des français de l’Etranger Joaquim Son-Forget. Donc, le référendum facultatif n’a, selon moi, aucune chance d’être accepté par les hommes politiques en place.

Conclusion : le RIC ne sera jamais accepté

En conclusion, il n’y a probablement rien à attendre de ce RIC, car cela reviendrait à retirer au Président, aux membres du Gouvernement et aux Députés le pouvoir et les privilèges qu’ils ont mis des dizaines d’années à acquérir. Redonner réellement le pouvoir au Peuple ? Pour quoi faire alors même que la classe dirigeante vient, dans son intégralité, des mêmes écoles qui forment des élites, et apprend à ses dirigeants politiques à diriger un peuple. Il ne peut y avoir plusieurs dirigeants ni plusieurs monarques en France, et les gilets jaunes, pensant obtenir le référendum d’initiative citoyenne, rêvent éveillé, et le réveil risque bien d’être brutal pour tout le monde.


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