J’aime ces mains qui sont dans les miennes
« T’as la peau sèche….dis-je la gorge toute aussi sèche
-
Oui ….mais je ne suis pas sèche partout… ».Je me reprends une (petite) décharge électrique dans la moelle épinière
Le pendantmasculinde cette franchise
serait de la vantardise mais je redescends sur terre et je m’abstiens de
répliquer après avoir gouté à sa nuque, ses cheveux, sa bouche dont je viens de
me retirer.
Et puis, quoi ? C’est quoi l’histoire ?
Plus tôt, elle avait posé une fesse timide ou réticente à la
rencontre des acariens des canapés pouraves de l’espace « Darwin » où
la loi de mon évolution naturelle de dragueur low cost l’invitait, pressant et
familier, à s’asseoir à mes cotés. Plus réservée, elle a dit « en face
c’est mieux ! ». Proximité refusée, mon Sergi ! Recadrage, déjà ferme
et pas encore doux. Plutôt viril mais correct et je pose 1 sur mon échelle de
Richter. J’avoue, j’aime, mais faudrait pas déborder, poulette!
Puis, elle a accepté de me suivre et de monter, à mon coté
cette fois, en bagnole.
On décarre.
Elle propose Saint Mich’ et durant le trajet les mots
s’entrechoquent. Je n’arrive pas à terminer mes phrases. On ne sait plus qui
coupe la parole à qui. Je l’ennuie : elle n’a qu’une demi-heure. Je ne me
souviens pas si j’ai lâché un suicidaire : « tu factures à l’heure ? »
mais j’ai posé un 2, plus prés du séisme. J’insiste pour m’arrêter, tirer du
cash et prendre un café à l’arrache avant que l’oiselle, qui sommeille, se tire
d’elle, par manque de curiosité ou montée de l’agacement. Bref, du bar glauque
d’Aumar que je fréquentais célibe dans mes années du 11 cours Victor Hugo, nous
voilà à la découverte de nous, "le long du fleuve qui remonte par
les rives de la rencontre" de cette carte du tendre où la demi-heure de
sécurité de tout à l’heure s’emmêle les aiguilles.
De retour au parking, je déposais à sa voiture, décadent,
compromis et conquis, cette version vivante et chaleureuse de la Julian Moore
du calendrier Pirelli - en préambule à notre rencontre, stimulé par sa
pertinence à l’écrit puis crescendo à l’oral, j’avais fouiné dans les images
qu’elle mettait - qu’elle offrait ?- au regard de ses amis, et j’avais
trouvé une similitude, à son avantage, avec l’actrice photoshopée de "
Crazy, Stupid, Love" -. Capturé par sa conversation et ce que
j’apercevais de son intelligence, l’intersection ou même la collision m’était
devenue indispensable. J’avais, nous avions, engagé un mouvementirréversible.
Je n’avais pas été
déçu, dans le monde réel, par ce sourire si particulier qui plissait aux
commissures dans la version numérique. Pourtant, je l’avais assez peu regardé,
dans les yeux et dans la vraie vie, la laissant m’observer pendant ma déballe.
Sans doute évitais-je, vulnérable et troublé, chacun de ses gestes sobrement
féminins qui activaient en moi une espèce de jubilation puérile et redoutable.
En clair, tandis que je la franchissais par le pont Chaban, il y avait du
clapot sur la Garonne autant que dans ma poitrine. Cette femme était la
petite fille qui me faisait avancer d’un pas au bout du plongeoir du trois mètres
de la piscine de mon enfance. L’échelle de Richter était en train de muter vers
l’escalier d’Escher et moi je suis en boucle. Me voilà encore à me raconter la
même histoire. T’as inventé le mouvement perpétuel mon Sergi !
« C’est normal, tu embellis toujours tout » me dit
une voix fluette
Ça, c’est le Docteur Jekill ! The Doc ! Qui donne
un avis que je n’ai pas sollicité. Doc,sa science et ses analyses fumeuses. Le Doc et sa wrong way. Le Doc et
sa morale. Le Doc et son sécateur. Le Doc et la castration. Il m’a planté
plusieurs fois, lui, et je me demande pourquoi il la ramène encore.
-
Toujours, c’est pas souvent
-
Oui, mais c’est toujours
-
Et alors?
Il cherche !
J’l’aime bien lui !
C’est Hyde ! Bon, normalement, il éructe en anglais
mais, depuis le temps qu’on se fréquente, je lui ai payé un larynx, une
connexion illimitée sur Reverso et offert la voix de Barry White.
-
Il cherche quoi ? Tout va bien à bord,
non ?
-
Il ne cherche pas vraiment…., « ça »
lui tombe dessus
-
Tu parles ! Toujours à laisser filer un
hameçon de pêcheur à la traîne avec ses mots bleus-au-cœur, rouge-colère, la
narration avantageuse, le courroux élégant, l’ire suggestive. Dis, tu la sens
ma grosse poésie ? et ses allusions, genre : j’ai bien connu Rocco
Siffredi !
-
Oui mais il ne conclut pas, enfin pas toujours
-
Passqu’il se plante et puis il revient à la
gamelle comme son clébard »
J’enclenche la boite auto sur R comme Rewind, termine mon
créneau et coupe le contact de la Volvo ce qui a pour effet secondaire de
clouer le bec au proc et à l’avocat du diable et me permet de faire un peu de
ménage dans tout ce bordel.
Le père de tous les mensonges, serait celui que l’on se
ferait à soi et la vie est un roman écrit à quatre mains. Il n’y a pas que la boite
de vitesse qui rembobine le film. Rien n’est acquis, toutefois!
Comment réagir quand on est un comédien de talent –
du moins à ce que l’on croit – et que l’on obtient, pour tout rôle, celui qui
ne vous accorde qu’une seule réplique : «Madame est servie» ? Le cachet a beau
être en or, cela aigrit son homme. Alors, seul dans sa loge attendant le moment
qui ne viendra pas d’entrer sur unescène qui n’existe plus, l’acteur frustré entreprend d’embellir son
monde devant un public virtuel. Enfin…dans l’attente de tout faire sauter… Il
est vrai que cette façon de prendre la parole en solo, c’est laprogrammation inconsciente d’une bombe à
retardement…
…Je viens de la rencontrer, ma bombe. Et ce
crypto-langage, plein de métaphore sur la vie conjugale, le temps impitoyable,
les erreurs de casting et la fidélité, écrit en sortant du spectacle de Romain
Bouteille au Théâtre du Pont Tournant en 2012, prend aujourd’hui tout son sens.
Ainsi que tous ces textes/bombes à retardement opportunément sortis de la naphtaline
et publiés à tord et à travers m’apportant une mauvaise pêche avec cette
obsession immature ajoutée qui me fait prendre les désespérées pour des
romantiques. Confus, comédiante sort de sa loge changeant son texte de
« Madame est servie » en « Monsieur va servir » avec le
projet de désamorcer sa bombe.
La vie est pleine de bonnes ou de mauvaises
surprises et j’aime impudemment,
imprudemment, impunément et assez vite ! Pas souvent, mais vite !
Je reconnais invariablement les
vibrations de ce sentiment précaire et l’invincibilité qu’il me procure.Et même s’il est de bon ton de retarder l’instant précieux de la découverte et de la nudité, je n’ai pas le courage de laisser le temps au doute de se trouver une place dans l’histoire. Attendre, "espérar"chez Cervantès, et donner de l’espoir à l’échec ? Nunca, la peur n’existe que pour celui qui a le choix, moi je n’ai pas le temps d’avoir le choix! Comme il convient d’être prudent et propice, je vais la jouer à l’envers : quand Elle décidera que je fasse d’Elle ce qu’Elle veut, sans sortir de cette caverne Platonicienne - ou Platonique ?! - en pleine lumière, mais, en revanche, entrer au plus profond de cet aven – à prendre au sens de l’antre et première syllabe d’aventure - se plaire etse complaire dans la douce, chaude et humide obscurité du secret où j’aperçois un truc brillant. De l’or, peut-être ? Enfin ou déjà, jouir de ce regard, de cette nuque délicieusement portée, élégante etprometteuse, effleurer, câliner, glisser, descendre, couler, se noyer, enlacer, étreindre, défoncer, combler, sourdre, jaillir « Ne te poses pas trop de questions ! » bippe le Wiko dans ma poche près de ma bite à l’instant où je rentre à la niche. Voulez-vous supprimer cette conversation ? Oui ! Supprimer ! Oup’s, un second message d’elle viens d’arriver, supprimé lui aussi dans la foulée ! Il me semble avoir lu : « Ce serait mieux dans un lit, non ? » J’ai du rêver trop fort !
