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616ème semaine politique: la fin du Grand Débat de Macron.

Publié le 23 février 2019 par Juan

  616ème semaine politique: la fin du Grand Débat de Macron.

Si le Grand Débat est un succès, sa fin risque fort d'être un fiasco. On s'interroge enfin sur cette manipulation publicitaire qui laisse la parole à tous dans un cadre fermé, confie à des algorthme le tri et sur-occupe l'espace médiatique pour masquer les barbouzeries élyséennes, l'échec d'une politique et la colère qui gronde.


La fin du Grand Débat

Il parait qu'Emmanuel Macron s'interroge sur la suite à donner au Grand Débat. Il faut reconnaître le succès des participations: à coup de matraquage publicitaire et télévisuel, quelque un million de contributions auraient été reçues sur le site, et 4000 débats d'importance diverses organisées en 6 semaines. Pour "analyser", le gouvernement a fait appel à Opinion Way, un cabinet de sondages. Les milliers de propositions seront analysées et synthétisées via des algorithmes et de "l'intelligence artificielle". Cette décision révèle combien l'organisation de ce Grand Débat a été (1) improvisée ou (2) volontairement floue quant à sa conclusion: pas de vote, des centaines de milliers de contributions en vrac, sans oublier toutes les prises de paroles non relevées. Autre piste, un référendum pour tuer dans l'oeuf l'idée du RIC et enterrer la contestation dans une autre campagne binaire.
Les audiences télévisuelles des one-man-show présidentiels se sont régulièrement effondrées, mais le constat est là: Macron est parvenu à occuper les antennes et contrebalancer l'impact médiatique des Gilets Jaunes. Mieux encore, le thème de l’immigration « qu’il faudra affronter », posé par Emmanuel Macron lors de son discours « social » du 11 décembre 2018 ne s’est pas imposé, bien au contraire. A l’exception de quelques dérapages, peu d’échos ont été donnés sur les délires xénophobes de l’extrême droite. Comme lors des manifestations des Gilets Jaunes, que la Macronie et son cortège d’éditocrates complaisants ont tenté de caricaturer, les réunions du Grand Débat ont laissé le racisme et l’antisémitisme à la porte.
On voit déjà des premiers ouvrages politiques surfer sur la vague jaune: "C'est un retour presque introspectif sur l'une des plus importantes crises de son élection depuis son élection en mai 2017." commente LCI à propos d'un bouquin sur la récente crise. Il parait que Macron reconnait son aveuglement initial. Mais fidèle à son habitude, il proteste, il accuse, il menace encore: "Qui m’a soutenu pendant la crise des Gilets jaunes ? Personne." Le complotisme est un défaut. Autre fausse contrition officielle, on révèle que Macron ne voulait pas faire autant de cadeaux aux plus riches si tôt dans son quinquennat: suppression de l'ISF et instauration de la flat tax auraient été initialement prévus pour plus tard, une fois obtenus les premiers résultats de cette fameuse "politique de l'offre" en faveur de la lutte contre le chômage et "en même temps" qu'un joli coup de pouce social. Car n'oublions pas l'ADN politique du macronisme: être salaud "et en même temps" sympa, viser ce juste milieu improbable qui ne signifie politiquement qu’une chose – la domination de la majorité par une ultra-minorité riche et puissante.
Patratras, il paraît que le gotha du patronat, "plusieurs membres de la puissante Association française des entreprises privées, l’Afep, regroupant de nombreux patrons du CAC 40" se sont mobilisé pour faire craquer Macron lors d'une "réunion secrète" dès juillet 2017. Et zou, voici donc le premier exercice budgétaire de la Macronista est un étalage en règle de cadeaux, défiscalisations, et exonérations en tous genres. Dix-huit mois plus tard, entendre le premier ministre Édouard Philippe souhaiter des « contreparties » au versement des minima sociaux alors que ni la suppression de l’ISF ni la baisse de la fiscalisation des revenus du capital au nom de l’investissement n’ont été soumises à une quelconque exigence de contrepartie est assez soufflant. Bref, en juillet 2017, Macron craque devant les assauts de quelques grands patrons. Si l’anecdote est vraie, elle illustre combien Jupiter n’est que le travailleur détaché de la France d’en haut, l’obligé du club des riches.
La fin du Grand Débat approche et quatre questions s’imposent.

Primo, ce Grand Débat a-t-il été une manœuvre publicitaire?

A trois mois des élections européennes, c’est évident, et fâcheux. On se croirait en autocratie poutinienne, … à moins qu’on y soit déjà. Monopolisant la couverture médiatique, les macronistes ont placé leur mentor Jupiter, Édouard Philippe et de nombreux ministres et porte-paroles dans ces centaines de moments retransmis « live » par les chaînes d’information continu. L’ampleur de cette publicité politique est inédite en France. Macron se surprend à rêver de remporter, avec un maigre score certes, le prochain scrutin européen. Il ratisse large, à droite, et envoie même Marlene Schiappa rassurer les lecteurs de Valeurs Actuelles de ses convergences de vue.

Secundo, le Grand Débat n'occulte-t-il pas la campagne européenne ?

616ème semaine politique: la fin du Grand Débat de Macron. Fidèle à son habitude, il se garde de présenter sa liste et son programme. L’Europe est pourtant son ADN. Mais il faut reconnaître qu’on ne sait plus de quelle Europe Macron est-il le nom ? L’Europe qui lutte contre la disparition des espèces, la dégradation des conditions climatiques, le réchauffement de la planète ? Non. Macron s’est couché sur le glyphosate, l'extraction minière, et a même coupé les aides à l’agriculture biologique. Il repousse les délais de fermeture de nos centrales nucléaires déjà hors d'âge, et quasi-annule le plan de transition écologique de Hollande. L’Europe qui accueille les réfugiés du monde et aspire à rester ce havre de paix et de démocratie pour le monde ? Non. Macron a fait voter une loi contre les réfugiés, dont le cœur est directement emprunté aux programmes d’extrême droite. Il s’aligne aussi sur l’Italie néo-fasciste pour décourager les aidants de migrants en Méditerranée. L’Europe de Macron est aussi celle de la Finance ou des grandes entreprises qu’il faut protéger contre les lanceurs d’alerte. Ou celle qui s’accommode d’une privatisation de son rail.
Bref…
Il est facile de comprendre pourquoi Macron cache son jeu et veut attendre quelques semaines à peine avant le scrutin pour se dévoiler. C’est d’ailleurs également une habitude de ne pas laisser le temps aux débats qui comptent. En 2017, son programme présidentiel, par ailleurs flou, n’avait été dévoilé que très tardivement pour éviter … tout débat.

Tertio, le Grand Débat n’est-il pas une arnaque ? 

616ème semaine politique: la fin du Grand Débat de Macron. Le gouvernement a prévenu, publiquement, et dès le début, que cet exercice de « libération » de la parole ne serait pas suivi d’effet s’il ouvrait des pistes contraires au projet macroniste « sur lesquels nous avons été élus », répètent-ils à tort et avec mensonge. D’ailleurs, une fois passée la concession d’une dizaine de milliards d’euros de dépense sociale, pour l’essentiel une anticipation de dépense plutôt qu’une véritable revalorisation), toutes les revendications qui surnagent des sondages, des manifestations, ou des débats, sont balayés d’un revers de main, et la première d’entre elles, le RIC.
Le cabinet publicitaire élyséen avait déjà fortement encadré les questions du Grand Débat. Certaines réponses sont par ailleurs interdites. "Les fiches ont été réalisées en lien avec les ministères compétents et sur la base des questions posées par le Président de la République dans sa lettre" a-t-on avoué du côté du gouvernement.

Quarto, le Grand Débat a-t-il véritablement effacé le reste de l’actualité ? 

Pas vraiment. L’ampleur des violences policières à l’encontre des Gilets Jaunes est au moins aussi efficace à contenir le mouvement que ce Grand Débat. Dans la semaine, le ministre de l’intérieur a eu l’indécence de justifier l’usage des grenades devant une classe de jeunes enfants, filmé pour un divertissement télévisuel. L’exercice de propagande, sans filtre ni contre-point, était indécent. "Dessine-moi un CRS" ? Castaner a joué au Saint-Exupéry de la répression. Le ministre ment en n'évoquant que 10 blessés à la tête - on relève déjà 21 éborgnés.
Quand l’affaire Benalla reprend ses droits, le Grand Débat montre ses limites et la Macronie ses dents. Mardi, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla/Crase est publié. Il couvre bien d’autres sujets que les violences illégales du duo de barbouzes élyséens à l’encontre de manifestants le 1er mai 2018. Les sénateurs/enquêteurs dénoncent le parjure des deux mis en examen, les conflits d’intérêt du chef de la sécurité élyséen, et l’incompétence du trio Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République, Patrick Strzoda, directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, et Lionel Lavergne, patron du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), qui dirige la boutique élyséenne. Aux États-Unis, la moitié du cabinet présidentiel aurait été contrainte à la démission avec de pareilles révélations.
Rappelons que Richard Nixon a démissionné en 1974 quand les révélations d’un espionnage illégal du Parti Démocrate et, plus généralement, d’écoutes présidentielles illégales et de mensonges présidentiels avait convaincu le Parlement d’engager une procédure d’ « impeachment ». En France, Macron protège Benalla et Crase ; l’un des barbouzes gérait sa sécurité, l’autre celle du parti présidentiel ; et les deux signaient des contrats de gardiennage pour deux oligarques russes en parallèle. Et quand ces faits sont confirmés au grand jour par des sénateurs, l’Elysée couine qu’il s’agit d’une violation de la sacro-sainte séparation des pouvoirs.
La République ne repose pas sur la séparation des pouvoirs mais sur l’équilibre des pouvoirs.
Visiblement, Jupiter a du mal avec ce concept.
Il serait temps de lui rappeler.


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