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La Voisine, de Yewande Omotoso

Publié le 23 février 2019 par Francisrichard @francisrichard
La Voisine, de Yewande Omotoso

Il était de notoriété publique que les deux femmes partageaient une haine et une haie, qu'elles élaguaient l'une comme l'autre avec une ardeur qui démentait leur âge.

Les deux femmes, octogénaires, s'appellent Hortensia James et Marion Agostino. Elles habitent toutes deux Katterijn Avenue, l'une au n°10, l'autre au n°12, dans une banlieue chic du Cap. L'une est en quelque sorte La Voisine de l'autre:

En vérité elles ne pouvaient être plus opposées. Hortensia, Noire, menue, Marion, Blanche, corpulente. Le mari de Marion, décédé, celui d'Hortensia, pas encore. Marion et ses quatre enfants. Hortensia sans progéniture.

Hormis les domestiques, Hortensia est la seule Noire du quartier. Elle occupe une maison dont Marion est l'architecte et que celle-ci n'a jamais réussi à acheter à chaque fois qu'elle a été mise en vente, au point d'en être toujours obsédée.

Marion a fait des études d'architecte à une époque où les filles de familles blanches d'Afrique du Sud ne faisaient pas de telles études, réservées aux hommes. Hortensia, originaire de la Barbade, a fait à Londres des études de design.

Marion a été éduquée dans un monde de Blancs où les Noirs n'étaient bons que pour les tâches serviles. Hortensia - c'est scandaleux - a épousé un Blanc, un riche Anglais, avec lequel elle s'est retirée au Cap après avoir vécu au Nigeria.

Quand Peter meurt, Hortensia apprend par le notaire qu'elle n'est pas la principale bénéficiaire des biens de son mari: c'est une fille qu'il a eue avec sa maîtresse. Quant à Marion, son mari, Max, lui a surtout laissé des dettes à volonté.

Hortensia est depuis des années habitée par une colère permanente, qui l'a rendue désagréable avec tout le monde. Marion n'a guère meilleur caractère et se montre incompétente comme mère et, même, comme être humain tout court.

Dans ce roman, Yewande Omotoso donne réellement vie à cet antagonisme rassurant pour les deux femmes: elles s'affrontent verbalement à fleurets non mouchetés, destinés à blesser, comme un jeu entre elles, cruel et amusant.

Le lecteur comprend finalement le pourquoi de la citation de Simone Weil, tirée de La pesanteur et la grâce et mise en épigraphe de ce roman habilement mené: Le mur est ce qui les sépare, mais aussi ce qui leur permet de communiquer. 

Francis Richard

La voisine, Yewande Omotoso, 288 pages, Zoé (traduit de l'anglais par Christine Raguet)


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