Emmanuel Macron multiplie les séquences "émotion-proche-du-peuple", surmédiatisées, tandis qu'il cache son programme pour les élections européennes pour encore quelques jours ou semaines. Le décalage entre ces interventions souriantes ou compassées et la réalité d'une action anti-sociale et anti-féministe est surprenant. Sur les réseaux sociaux, quelques nervis philosophes ou simples trolls se déchainent pour caricaturer au plus vite les insoumis en héritiers du fascisme français.
La France politique est folle.
Séquence émotion #1
La photographe officielle est évidemment là. Macron est en maraude avec le SAMU social, ça ne se rate pas: "Objectif du Président: mieux comprendre les besoins et les lacunes des dispositifs. Ensemble, agissons" explique son jeune sous-ministre Lenormandie. Oui, agissons... Macron vient justement de faire supprimer 57 millions d'euros de financement des centres d’hébergement.C'est bêta.
Quelques clichés de la visite"underground" sont rapidement postés sur les réseaux sociaux. Un humoriste talentueux doit s'excuser d'avoir comparer cet affichage publicitaire avec la propagande non moins talentueuse de l'ignoble Leni Riefenstahl. Macron en photo faussement sur le vif génère des commentaires laudateurs de ses propres trolls. La propagande n'a rien à voir avec celle de l'hitlérisme bien sûr. Mais nous n'avons plus rien à à envier à la bêtise nord-coréenne.
Le coup de com', car il ne s'agit que cela, fait flop et suscite des railleries en tous genres. Macron a fait mine d'être surpris. Est-il stupide, ignorant ou hypocrite ? Outre les 57 millions d'euros de suppression de subventions aux centres d'hébergement, le jeune monarque sait bien qu'il a réduit les aides au logement, gelé les prestations sociales (exceptées le minimum vieillesse, exception brandie comme un trophée dans cette sinistrose libérale), supprimé quelques centaines de milliers d'emplois aidés dans les associations, et qu'il a promis encore davantage de réduction d'emplois publics.
Séquence émotion #2
Il arrive "par surprise" et prend rapidement le micro qu'on lui tend. Emmanuel Macron se place au milieu d'une assemblée de femmes. Elles sont 400 ou 500 dans un gymnase de Pessac, et la participation présidentielle à cet énième épisode du Grand Débat serait une surprise. Avec le président, on compte facilement une dizaine de photographes. Sans doute aussi présents "par hasard". Il y a aussi, "par hasard", deux ministres qui attendaient, Marlène Schiappa et Emmanuelle Wargon. On saura plus tard combien de militantes macronistes étaient présentes. Macron se cache toujours pour éviter la "foule haineuse".Pour une fois, point de leçons ni de mépris dans la bouche présidentielle. La première dame fait du ski sans lui, et Jupiter se concentre sur ses séquences "Emotion-et-Proximité". Il montre presque de la compréhension. Le monarque se fait surprendre quelques instants par une femme agacée qui tente de lui offrir un mini-gilet jaune. Macron refuse, avec le sourire. Et la dame doit vite partir.
Macron déroule ses réponses, cela n'engage à rien. Il est tout content: "J'ai lancé un exercice inédit, celui de ce grand débat partout en France." Il enfonce des portes ouvertes pendant 3h45. La presse cherche une annonce, une réponse concrète, elle n'en trouve pas. Il n'y a que du vent et des petites phrases telle cette fausse excuse: " Je ne suis pas le personnage qu'on a voulu caricaturer : je vais toujours vers les gens et je parle très librement", à propos de ses déclarations sur les jobs que l'on trouverait "en traversant la rue"
Macron est souriant, gentil, attentionné. Il cite le film "Les Invisibles", joli succès social dont l'une des actrices principales a refusé de venir à l'invitation présidentielle. Macron recycle, canalise, récupère la colère, la rage, les frustrations, "et en même temps" de ne rien changer à son action anti-sociale. "Ces femmes qui vivent à la rue, ces réalités que vous venez de décrire, il faut à la fois les dire et apporter une réponse."
... Et ?
Et rien.
Séquence réalité #1
Le plan pauvreté de Macron, lancé en septembre dernier, coûtera deux fois moins sur 4 ans que le coût des défiscalisations accordées aux ultra-riches (suppression de l'ISF et instauration de la flat tax pour les revenus financiers et de spéculation).L'échange avec ces femmes de Pessac est mis en valeur sur le site de l'Elysée, avec ce paragraphe d'accroche: "On les a vues en première ligne sur les ronds-points ou dans les cortèges de manifestants : les manifestantEs. Elles ont rendu visible leur réalité : elles sont moins payées que les hommes, ont plus de mal à subvenir à leurs besoins, faire face aux fins de mois et sont plus touchées par la précarité. Le Grand Débat National leur donne la parole.Pour transformer leur colère légitime en solutions concrètes, le Président Emmanuel Macron est à leur écoute au Grand Débat au féminin à Pessac, près de Bordeaux."
Relisons le commentaire élyséen: " Pour transformer leur colère légitime en solutions concrètes, le Président Emmanuel Macron est à leur écoute au Grand Débat au féminin à Pessac, près de Bordeaux." Mais qui a donc trouvé cette formule publicitaire ?
(crédit)
C'est donc la semaine des femmes. L'Académie française accepte de féminiser les noms de métier. Fichtre ! C'est la révolution ! Ce cimetière du masculinisme réactionnaire joue sa partition involontaire dans la mise en scène présidentielle. Mercredi, la Macronie n'est pas en reste pour agresser l'entreprise privée Decathlon qui a osé mettre sur le marché un Hijab de running. Extrême droite et furibards opportunistes de la laïcité fondent en escadrille contre l'enseigne au nom du droit des femmes. Côté clan macroniste, député(e)s (Aurore Bergé,) et ministres (Gérald Darmanin, Agnès Buzyn, Marlène Schiappa) s'expriment avec autant de rage contre Decathlon qu'ils ont de pudeur à l'encontre du client saoudien, cette dictature islamiste amie qui quand elle ne fait pas découper et dissoudre ses opposants, achète nos missiles nationaux pour bombarder la population yéménite. Decathlon cède, retire l'objet du délit, et la France devient la risée de la presse ... occidentale. Vendredi 1er mars, grosse journée: c'est l'entrée en vigueur de "l'index de l’égalité femmes-hommes" voté l'an dernier, pour les entreprises de plus de mille salariés. Cet arbre cache une forêt.Mais revenons sur cette soudaine attention macroniste pour la cause féministe. Macron ne promet rien à ces quelques femmes de Pessac, il est à "l'écoute". Il se garde surtout de rappeler les dégâts de sa propre politique: la loi Travail, passée en force par des Ordonnances sans débat en septembre 2017, a fragilisé les salariés et en particulier les femmes salariées: en autorisant les entreprises à imposer des accords plus défavorables que les accords de branche, elle a rendu possible des clauses de mobilité sans limite géographique, des modifications d’horaires et de temps de travail, ou des conditions moins favorables d'indemnisation des congés maternité. Cette même loi a supprimé les CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), et près de 200 000 postes de représentant(e)s du personnel au passage, dont l'une des missions étaient la prévention des violences sexuelles au travail.
Que dire du gel des prestations sociales, ce "pognon de dingue dans les minima sociaux", dont les prestations d'aide aux parents isolés ? 85% des parents isolés sont des mères, soit environ deux millions de personnes, lâchées en rase campagne par la politique macroniste depuis juin 2017: gel du RSA, gel de l’Allocation de Soutien Familial, gel de l'Allocation de veuvage, gel du Complément familial, gel du PAJE, gel de l'Aide à la garde d'enfants pour parent isolé... Macron ce soir-là devant ces femmes n'avait pas grand chose à dire.
Il ne fut d'ailleurs que peu contredit.
Que dire de la fermeture de maternités "pas rentables" ? A Die, samedi 2 mars, quelque 500 personnes se sont rassemblées pour rendre hommage à Aimé, un bébé mort in utero le 18 février, et pour réclamer la réouverture de la maternité de Die.
Séquence réalité #2
Il ne fallait pas s'inquiéter. Le lendemain de sa prestation toute "féminine", le jeune monarque passe quelques instants dans un autre épisode du Grand Débat qui est bien masculin avec des élus du Grand Est: ils sont tous blancs, hommes et majoritairement quinqua, le cliché de la réunion fait pleurer de conformisme.Forcément, Macron a sa petite langue de bois toute prête: "Il n’y a pas un programme de retour des djihadistes qui est aujourd’hui conçu." Et que fera la République des enfants de ces Djihadistes ? On les laisse crever à l'étranger ?
Le gouvernement stresse. Le Grand Débat, belle anarque, vraie propagande, touche à sa fin. Et il va donc falloir expliquer ce qui sera tiré exploiter de ces "millions" d'interventions et de contributions. Le Grand Débat n'était-il qu'une gigantesque farce ?
"Pour vous rendre compte du manque de professionnalisme qui règne à la mission du grand débat (conduite par les équipes de Matignon et du ministère de l’Écologie), commençons par une anecdote. Mercredi 13 février, l’Élysée envoie à la presse un compte-rendu du conseil des ministres (comme c’est l’usage). Une large place est consacrée au grand débat et au choix des prestataires. Il y est indiqué que « les contributions en ligne reçues jusqu’au 18 mars feront l’objet d’une exploitation quantitative et qualitative par OpinionWay » et qu’un consortium « piloté » par le cabinet de conseil Roland Berger associé au spécialiste de l’analyse sémantique Cognito et à l’entreprise de « civic tech » (ou technologie civique) Bluenove se chargera de l’analyse des « contributions sous format libre » (cahiers de doléances, courriers, comptes-rendus de réunions locales)." (lire la suite sur le site des Jours, article payant mais pas cher)
Ami(e) citoyen(ne), as-tu saisi ? Les contributions en ligne ne seront pas toutes lues. Encore moins retenues. Un algorithme fera le tri. Des sbires élyséens feront le reste. Macron fera un discours. Il dura qu'il a "écouté la colère", qu'il "a compris la rage", qu'il "faut agir". Il va même écrire une "tribune" dans 28 journaux européens pour expliquer que l'Europe, c'est bien. Gageons qu'il ne parlera pas de sa loi anti-réfugiés qui expulse et faire mourir dans la Méditerranée quelques centaines de migrants chaque mois, ni du climat ni même de l'emploi et encore moins de la démocratie.
Il publiera une tribune mais pas son programme, Macron n'aime pas les programmes trop précis., La France d'en haut avance cachée.
Surtout, il ne fera rien, ou si peu contre le réchauffement climatique qui coutera en emplois, en vies, en espérance de vie, on connaît les mesures, mais elles ne sont pas dans l'agenda macroniste. Rien ou si peu contre les défiscalisations, les évasions fiscales, les fraudes fiscales, on connait d'ailleurs les mesures. Mais elles ne sont pas non plus dans le programme macroniste; Espagne et Royaume Uni se sont par exemple dotées d'une taxe sur les Gafa. Et la France ? La France braille qu'il vaut mieux attendre une mesure de toute l'Europe. La France macroniste se couche. Elle promet même de punir les lanceurs d'alerte.
Qui dit mieux ?
Ami(e) macroniste, reste avec nous.
Tiens, Benalla a été libéré de prison.
`