Ian Brossat est tête de liste PCF pour les élections européennes.
Monsieur le Président
de la République,
Vous vous apprêtez à publier une tribune en direction des Européens à un peu moins de cent jours des élections qui se tiendront le 26 mai prochain. Je me permets donc de prendre la plume pour vous faire quelques suggestions.
Commençons par ouvrir les yeux. L’Europe va mal. Plus exactement : les Européens vont mal. Parmi les jeunes de moins de 25 ans, 15 % sont au chômage.
Quant à la pauvreté, elle atteint des niveaux considérables. Dans toute l’Union européenne, 17 % de la population vit avec un revenu disponible inférieur au seuil de pauvreté (60 % du revenu médian national), soit 87 millions de personnes. En Allemagne, si souvent présentée comme exemple de bon élève au sein de l’Europe, près d’un habitant sur cinq vit (ou, plus exactement, survit) sous le seuil de pauvreté.
Cette pauvreté n’est pas l’apanage des seuls chômeurs. Désormais, notre continent compte 10 % de travailleurs pauvres. Ils étaient 7 % il y a dix ans. Dans le même temps, les richesses produites par les travailleurs européens sont passées de 15 000 milliards d’euros à 17 200 milliards d’euros. Autrement dit, ils ont produit davantage, et ils ont été appauvris. Vous êtes fort bien placé pour le savoir : les « réformes » du droit du travail que vous avez entreprises ont largement contribué à les précariser.
Les Européens vont mal, l’Europe aussi. C’est dans ce contexte en effet que l’extrême droite progresse. Elle menace à l’est de notre continent comme dans les pays fondateurs de l’Union européenne. Là même où beaucoup considéraient qu’elle avait été balayée par l’Histoire, elle refait surface : en Italie, en Allemagne, et plus récemment en Espagne.
Pour la première fois depuis la naissance de l’Union européenne, c’est la question de son existence même qui se trouve posée.
Ce qui s’effondre sous nos yeux, c’est une certaine conception de l’Union européenne.
Il suffit pour s’en convaincre de mesurer l’écart abyssal entre la réalité vécue par les Européens et les objectifs que les États de l’UE se sont assignés dans le traité de Lisbonne (en vigueur depuis 2009) : « la promotion du bien-être des peuples », « une croissance économique équilibrée », « une économie sociale de marché qui tend au plein-emploi et au progrès social », « la lutte contre l’exclusion sociale », « la promotion de la justice et de la protection sociales »… Plus qu’un échec : une faillite.
L’Europe meurt d’être devenue une gigantesque machine à fabriquer de la régression sociale. L’Europe et ses 510 millions d’habitants méritent mieux que les dogmes de l’austérité et de la « concurrence libre et non faussée » imposés à coups de lattes aux peuples réfractaires.
Dans un tel contexte, il serait irresponsable de demander à nos concitoyens d’Europe de choisir entre les libéraux et les fachos, car ni les uns ni les autres ne portent de solutions pour répondre aux intérêts des peuples européens.
Face au défi climatique, à l’enjeu de l’accueil des réfugiés, au poids considérable de multinationales plus puissantes que les États, nous avons à l’évidence besoin d’Europe. Mais d’une Europe repensée, transformée, porteuse d’une ambition de civilisation autrement plus utile aux peuples que le respect des sacro-saints 3 % de déficit public.
Je voudrais terminer par une proposition concrète. Depuis dix ans, la Banque centrale européenne a versé 3 000 milliards d’euros aux banques privées. Elle l’a fait sans la moindre condition, sans la moindre contrepartie. Cet argent a pour une bonne part servi à alimenter la spéculation. Pourquoi ne pas imaginer que cet argent serve à autre chose ? Je propose qu’il alimente un fonds pour le développement des services publics partout sur notre continent. Le mouvement des gilets jaunes a montré à quel point la disparition des services publics a fait mal à nos territoires, dans la ruralité comme dans nos quartiers populaires. Si l’Europe servait à cela, elle ferait la démonstration qu’elle peut être au service des gens, pas de l’argent.