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Injonction paradoxale et éducation

Publié le 05 mars 2019 par Christophefaurie
Qu'est-ce que l'injonction paradoxale, et en quoi doit elle être prise en compte par un éducateur ? Une question que l'on me pose. Et ma réponse :
L’injonction paradoxale est un conflit entre des injonctions contradictoires, l’une consciente l’autre non.
A l’origine de l'expression, il y a l’anthropologue Gregory Bateson, qui pense que c’est une cause de la schizophrénie. L’enfant est soumis à une injonction paradoxale, par sa mère, et ne peut s’échapper.
Dans la vie courante on ne s’intéresse pas à la schizophrénie mais à l’injonction paradoxale comme technique de manipulation. Manipulation signifie que l’on obtient quelque chose d’un être humain sans avoir fait appel à son libre arbitre. Par exemple, si vous avez peur du chômage vous serez prêt à accepter beaucoup de votre employeur. Parfois l’impossible.
Bien sûr, il y a beaucoup de formes subtiles d’injonction. La société, en particulier, nous soumet à de nombreuses injonctions inconscientes : rendre ce que l’on a reçu, le respect pour ses parents, la défense du faible, etc. Cela nous rend faciles à manipuler.
En ce qui concerne l’éducation, la tentation est grande d’utiliser l’injonction paradoxale. L’éducateur pense généralement savoir ce qui est bon pour l’élève. Mais ce dernier semble résister à son intérêt. Il est alors tentant d’utiliser des techniques de manipulation, pour son bien. (« Si tu ne fais pas tes devoirs, tu n’auras pas de dessert » dit le parent.) En particulier, l’élève français subit un puissant conditionnement à la note.
La manipulation commence d’ailleurs par le conditionnement. On apprend à l’enfant à aimer le chocolat pour pouvoir ensuite l’en priver.
L’expérience montre que la manipulation ne marche pas parfaitement. Celui qui subit la manipulation finit par en être plus ou moins conscient et développe des tactiques de défense. Mais cela ne crée pas des individus et des sociétés très saines. La schizophrénie de Bateson n’est peut-être pas très loin.
L’injonction paradoxale nous pose la question du respect et de la responsabilité. Comment, en tant qu’être humain responsable, se comporter vis-à-vis d’un autre être humain, que l’on respecte ? Responsabilité signifie, comme dans la loi française, être prêt à payer pour les conséquences de ses actes.
Tout cela pose certainement beaucoup de questions à l’éducateur. Ma pratique ne contient-elle pas une dose d’injonction paradoxale ? Comment obtenir les résultats que je désire par d’autres moyens ? Comment former des êtres humains qui sachent détecter et réagir correctement à l’injonction paradoxale, et ne pas y avoir recours ? Etc.
A mon avis, il faut se méfier de la théorie. Ce qui compte est la pratique. Il me semble, en particulier, important d’examiner ce que l’on fait tous les jours, afin d’y chercher des situations où l’on a utilisé ou aurait pu utiliser ce type de techniques. En fait, il nous arrive, finalement assez souvent, de ne pas s’en servir alors que l’on aurait pu le faire. On peut se demander pourquoi, et comment le répéter systématiquement. Un exercice utile est aussi de se demander si l’on ne s’est pas trouvé déjà en situation d’injonction paradoxale, ce que l’on a fait, ce que l’on aurait dû faire, et ce que l’on fera la prochaine fois que ce sera le cas. 

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