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Au-delà des frontières, d'Andreï Makine

Publié le 07 mars 2019 par Francisrichard @francisrichard
Au-delà des frontières, d'Andreï Makine

Le bannissement concerne une quantité de personnes. La population française a diminué de moitié et ne compte plus que trente millions d'habitants. Cette contraction a déjà reçu un nom: le Grand Déplacement.

Ce passage est extrait d'un brûlot, un roman d'anticipation, Le Grand Déplacement, écrit par un jeune homme désespéré par le déclin de la France, Vivien de Lynden.

La mère de Vivien, Gaïa, a confié le manuscrit au narrateur, afin qu'il lui trouve un éditeur, mais éditer ce Grand Déplacement est le moyen de se faire haïr par tout le monde

Tout le monde? Les Blancs, les Noirs, les antisémites, les racistes, les catholiques, les féministes, les créatifs, les journalistes, les politiques, les députés européens...

Car le Grand Déplacement c'est l'expulsion vers l'Afrique, plus précisément en Libye, de millions de personnes, des Français de souche pour la plupart, châtiés par l'exil pour refus d'assimilation.

Et chacun prend des coups bien assenés par cet auteur de vingt-sept ans, qui se fait le porte-parole d'un petit groupe de jeunes gens identitaires, qui se disent hussards

Ces hussards rejetteraient Gaïa, hypocrite bobo, divorcée, engagée dans l'humanitaire, puis le journalisme mensonger, ayant pratiqué le vagabondage sexuel interethnique.

La rencontre de Vivien avec Gabriel Osmonde l'a ébranlé. Celui-ci fait partie de ceux qui se prénomment les diggers: ceux qui creusent, cherchent au-delà des mensonges de la société.

Mais cela n'a pas empêché Vivien de se suicider... Et sa mère est convaincue que Vivien voulait... montrer que le vrai "déplacement" est tout autre que cette expulsion en Libye...

Dans une clef USB, qui a appartenu à Vivien, le narrateur découvre des textes qui sont le résumé de ses discussions avec Gabriel Osmonde. Il écrit notamment ces lignes:

Je suis alors frappé par cette évidence: racisme et antiracisme, passéisme et révolution, laïcisme et fanatisme, cosmopolitisme et populisme sont deux moitiés d'une même scène où s'affrontent les acteurs, incapables de quitter ce théâtre. Or la vérité de l'homme est en dehors des tréteaux!

Les diggersveulent une refondation de l'humain, une rupture, une troisième naissance dans la vie (vingt ou trente mille jours), après les deux premières naissances, biologique puis sociale.

Dans Alternaissance, écrit par Osmonde, que lisent le narrateur puis Gaïa, cette rupture est expliquée. Elle passe par un jeu qui consiste à quitter cette vie sans avoir à mourir...

Ceux que Bernard Frank avait appelé les hussards avaient quitté la scène en se désengageant: ils s'étaient retirés sous leur tente selon l'expression de Philippe Héduy...

Francis Richard

Au-delà des frontières, Andreï Makine, 270 pages, Grasset

Livre précédent:

L'archipel d'une autre vie, Seuil (2016)


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