Sans le Camp du Bien, le Camp du Mal aurait déjà gagné, et ce serait les heures les plus sombres de l’Humanité. Les pandas et les scarabées auraient disparu, la banquise aurait fondu, l’environnement serait détruit. Le capitalisme le plus méchant, le plus apatride et le plus turbolibéral régnerait en maître. L’horreur.
Heureusement, le Camp du Bien œuvre pour vous.
Le Camp du Bien, ce sont des associations lucratives sans but, des organisations non gouvernables, des partis politiques et des collectifs citoyens, festifs et invasifs, et même toute une population qui, tous, se sont entièrement dévoués à faire du Bien pour lutter contre le Mal, à être les Gentils dans ce monde de Méchants.
Le combat est permanent. Il est même âpre, sans pitié, de plus en plus vigoureux. Alors parfois, entre deux échanges de coups, il y a des petites sorties de route.
Cela lutte contre le cancer, et, oups, cela détourne des millions à son profit personnel. Oups. Cela arrive.
Cela lutte contre la misère et les abus, et oups, cela abuse parfois à tour de zizi bras quand la situation, misérable, s’y prête glauquement, ou quand finalement, tout le monde sur place semble trouver ça sinon normal, du moins compréhensible. Sachons vivre. Oups.
Cela repousse chaque jour les assauts de méchants braconniers, jusqu’à en devenir un et chasser puis tuer de l’homme, ce gros gibier encombrant qui, il est vrai, fait pittoresque dans un tableau de chasse.
Ah, zut, décidément, le Camp du Bien cache parfois des surprises pas très reluisantes… Jusque dans certaines collections de collectifs collectivistes où l’on découvre, tout à fait étonné, que décidément, la lutte contre le Mal en épuise tellement certains qu’ils se laissent aller à de bien tristes dérives.
C’est ainsi qu’on apprend très récemment que le MJCF, le Mouvement des Jeunes Communistes de France, est plus souvent un mouvement frénétique de pubis qu’un mouvement de jeunes cocos : stupéfaction, cet intéressant regroupement de ce que la société fait de plus résolument « Camp du Bien » s’adonne à la pratique pourtant réprouvée du sexisme, du harcèlement sexuel, de l’agression sexuelle et carrément du viol (pour faire bonne mesure).
Tout comme pour Oxfam ou Médecins sans Frontière, on s’étonnera moins de la défense assez pitoyable des responsables qui, apparemment et dans tous les cas, ne savaient pas trop, avaient bien ouï quelque rumeur mais n’avaient décidément jamais assez de moyens pour licencier ou exclure les fautifs :
Hélène Bidard a rappelé qu’en pareil cas de figure, les moyens sont limités, car « ce n’est pas [elle] seule qui peut décider d’exclure dans le Parti communiste, ce n’est pas [elle] seule qui décide à la place de la justice et de la police. »
Quelle plaie, ces organisations où les moyens manquent toujours ! Et surtout, quelle coïncidence que ce soit toujours cette explication qui soit sortie à chaque fois qu’un lièvre est levé : à chaque fois, « on se doutait », on « avait des soupçons », mais à chaque fois, « on n’a pas réussi à avoir des preuves ou des témoignages solides », à chaque fois, la réalité semblait se dérober sous les doigts. Pas de bol.
Et comme avec toutes ses affaires, à mesure que l’une ou l’autre affaire éclate, les langues se délient : au lieu d’un petit témoignage poignant d’une malencontreuse victime d’un dérapage occasionnel et certainement cas isolé, on se retrouve avec des douzaines de victimes et des pratiques qui, à l’analyse, se révèlent massives.
Massives.
C’est une chose étonnante en ces périodes de féminisme affiché, que dis-je, brandi haut et court fort à coups de #mitou par toutes zet tous, de voir que certains continuent malgré tout à se vautrer dans les attitudes les plus répréhensibles alors même que, on le sait sans le moindre doute, elles peuvent maintenant conduire sinon en prison, au moins en enfer (social pour commencer).
Et, chose encore plus étonnante : plus le groupe social, la caste, le collectif, l’ONG ou l’association se veulent irréprochables, plus ils nous abreuvent de ce qu’ils jugent être de la Bonne Moralité par leur marketing, leur publicité, leur propagande ou leurs apparitions effervescentes sur les plateaux télé, à la radio ou dans les journaux, bref plus ils nous font savoir à quel point ils appartiennent et se revendiquent du Camp du Bien, …plus les turpitudes qu’on découvre un beau matin à leur sujet sont glauques et à l’antithèse même de ce qu’ils prétendent défendre.
Est-il besoin de revenir sur les péripéties de la Ligue du LOL – que j’avais évoquée dans un précédent billet – qui, de petites grivoiseries en blagues de moins en moins potaches et de plus en plus malsaines, semble s’être transformée en repaire de sociopathes détendus de l’insulte et du harcèlement ?
Cette Ligue n’était-elle pas dans l’antre même des plus fiers représentants du Camp du Bien, cette caste jacassante si particulière qui s’est directement investie, en distribuant généreusement ses onctions moralistes, de la mission de civiliser le monde alentour et de faire passer les barbares incultes que nous sommes tous à ses yeux à de dévots pratiquants du Camp du Bien ?
Pourtant, patatras, c’est là encore dans ses rangs qu’on trouve une nouvelle vague de témoignages tous plus consternants les uns que les autres montrant encore une fois que ce sont les plus fervents moralisateurs qui sont les premiers concernés par les dégoulinants conseils qu’ils nous distribuent à longueur d’articles.
Et chose encore plus consternante : malgré l’importance des vagues de protestations (depuis #metoo jusqu’à #balancetonporc en passant par toutes les autres avant), malgré l’hystérie qui s’est emparée de cette presse et de ces médias à chaque fois qu’une affaire sordide éclate, force est de constater la pudeur de violette qui s’est solidement chevillée à ce même corps médiatique lorsqu’il s’agit de bien faire comprendre l’ampleur des crimes commis au sein du MJCF ou des dérapages au sein de la profession journalistique.
Avec une telle pondération dans la titraille, avec une telle mesure dans le nombre et la portée des articles qui n’ont d’égales que celles observées lorsqu’il s’agissait d’informer sur la répression policière subie par les Gilets Jaunes, on en finirait par croire qu’enfin, la caste jacassante s’est trouvée un modus operandi raisonnable, viable et conforme à une véritable éthique de la discrétion feutrée.
On peut raisonnablement en douter. De toute façon, il faut toujours se méfier des gens qui vendent de la morale à prix cassé : pour vous épater, ils écouleront très vite les rares échantillons qu’ils ont sur eux mais n’en auront plus jamais ensuite pour leurs propres besoins.
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