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De la Société pulsionnelle à la société de l’algorithme

Publié le 15 mars 2019 par Marc Vasseur

Le court XXème siècle que le monde aura connu, est qualifié par certains historiens comme l'âge des extrêmes. Avec en point d'orgue, des guerres et des gouvernements qui auront décimés plusieurs dizaines de millions d'individus et dans le même temps, l'émergence d'une société moins inégalitaire et plus apaisé par bien des aspects.

L'effondrement du mur de Berlin, loin de consacré la fin de l'Histoire, marque la fin de cette époque. A la fin des années 70, la concomitance de la décrépitude du bloc soviétique et l'émergence du 1 er cycle néolibéral tant aux Etats Unis qu'en Grande Bretagne ont commencé à mettre à mal cette stabilité incertaine.

1989, chute du mur ; 1990, disparition d'Arpanet au profit du web. Dans, le même temps, l'industrie informatique arrive à son premier âge de maturité et devient un produit de consommation courante. En 10 ans, le nombre d'ordinateurs passe de 100.000 à près de 370 millions. Sans compter, une économie qui grâce l'essor computationnel tend à une forme d'inéluctable financiarisation, sans contraintes. Jospeh Stiglitz explique, dans un de ses ouvrages, ce phénomène où l'administration Clinton joue son plein rôle.

Tout est marche pour la consécration de l'individu au " déprofit " de la société, de la société qui fait sens. Dans le même temps, il faut permettre aux classes moyennes d'accéder à cette frénésie de consommation. Or pour compenser, les déséquilibres induits des dérives néolibérales, il faut fluidifier et faciliter l'endettement de ces dernières. La machine redistributive issue de la 2 nd Guerre Mondiale étant désormais mise à mal depuis la fin des années 70. Un exemple, en 1980 le salaire moyen annuel d'un patron américain. Il représentait 380 fois le salaire moyen américain, en 2011, 380 fois.

Si la crise de 2008 aurait pu enrayer cette tendance à l'individualisation extrême ; le poids des nouveaux géants non plus de l'industrie informatique mais d'Internet ont balayé toute velléité allant dans ce sens, s'il y en a eue. Nulle doute que les Réseaux Sociaux ont et continuent d'amplifier ce phénomène.

A la différence notable des années 90, ce " Je " s'expose et doit s'exposer aux yeux de tous et en tout lieu, le monde " est " son univers. On existe que si on est vu.

Cette Hypertrophie du Je s'accompagne d'une hyperconsommation où la seule question qui compte et sa réponse réside dans un " est-ce que tu l'as ? " et où les conséquences ne sont à ce jour que détail. Avec une aliénation toujours plus forte de sa liberté assumée et choisie ce qui n'est pas le moindre des paradoxes mais on y reviendra.

L'autre paradoxe de cette nouvelle société où désormais la pulsion semble guider nos pas, c'est qu'elle n'a jamais autant contingenté par un tiers. Un tiers déjà fortement déshumanisé où chacun, consciemment ou pas, y participe. Un épisode de la série BlackMirror a parfaitement décrit cette réalité qui se rapproche un peu plus vite chaque jour. Pour schématiser chaque fait et geste de l'individu est noté par l'autre, et sa socialisation est dépendante de sa note moyenne. Délire scénaristique ? La Chine met en place ce système à grande échelle.

A ce stade, la question de l'IA forte ou faible, n'a déjà plus d'intérêt, pour ma part on y viendra tôt ou tard, non désormais il s'agit de penser cette société de l'algorithme qui s'annonce et dans laquelle nous avons déjà un bon pied.

Loin des promesses de liberté, se dessine un monde de contraintes individuelles toujours plus forte sous couvert de consommation irraisonnée devant satisfaire nos moindres pulsions. Pulsions souvent bien aidées par nos nouveaux géants.

Enfin, une autre conséquence se fait jour également .... L'hystérisation de l'espace publique et du débat politique. Et là encore on peut y voir une concomitance des temps évoqués un peu plus haut.


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