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Destruction : et si le langage résistait mieux que le Fouquet's ?

Publié le 19 mars 2019 par Guy Deridet

Excellent édito de Daniel Schneidermann, du site Arretsurimages.net



Destruction : et si le langage résistait mieux que le Fouquet's ? Destruction : et si le langage résistait mieux que le Fouquet's ?
Destruction : et si le langage résistait mieux que le Fouquet's ?


Et soudain le pouvoir ne trouve plus les mots. Au petit matin, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nunez est interrogé sur RTL par Elisabeth Martichoux sur la défaillance policière qui, 18 semaines après le début du mouvement des Gilets jaunes, a permis plusieurs pillages et incendies sur les Champs Elysées, à commencer par celui du symbolique restaurant Le Fouquet's.

"Il n'y avait pas seulement 1500, mais 10 000 manifestants violents", commence Nunez, pulvérisant (sans doute sans s'en rendre compte) le discours traditionnel du pouvoir, lequel distingue rituellement les "casseurs-black-blocs" des "braves-gens-qui-ont-du-mal-à finir-leurs-fins-de-mois". Nunez concède ainsi que la colère est authentiquement populaire. Nonobstant les astuces dilatoires comme ce "Grand débat", ce mouvement est déterminé à aller jusqu'au bout de sa dynamique. C'est ce que répètent encore plusieurs manifestants interrogés par Le Monde, journal qu'on ne peut soupçonner de complaisance envers les "casseurs". C'est ainsi depuis le début, et seuls les aveugles volontaires refusent de le voir.

Cela n'explique pas pour autant la défaillance policière, au sujet de laquelle toutes les explications restent ouvertes. Problème de stratégie ? Elle avait pourtant été révisée en décembre, justement pour éviter pillages et incendies. D'effectifs ? Non, selon Nunez. De simple fatigue policière ? La question n'est pas posée. Démoralisation, alors ? A en croire Nunez, la police, samedi, a fait preuve de "retenue" dans l'emploi des LBD. "Sur consigne ?"demande Martichoux. Non. Pas de consigne. Alors ? Manque de munitions ? Problème d'approvisionnement ? Scrupule soudain ? Dufresnisation de la police ? Ou bien ce pouvoir a désormais un sérieux problème policier, ou bien il a laissé intentionnellement brûler le Fouquet's, pour impressionner une supposée majorité silencieuse. En fonction du théorème de base, selon lequel il y a toujours davantage d'inefficacité que de complots, la première hypothèse semble la plus probable. Quoi qu'il en soit, "toute la chaîne de commandement va être examinée" languedeboiïse Nunez. "Jusqu'à la préfecture de police ?"demande Martichoux. Mais pourquoi pas jusqu'au ministère, ou jusqu'aux pistes de ski de La Mongie ?

Pourquoi cette errance verbale est-elle ce matin si spectaculaire ? Parce que ce pouvoir ne nous y a pas habitués. Ce pouvoir vit dans sa bulle néo-libérale (sur ses origines philosophiques, voir notre émission de cette semaine avec la philosophe Barbara Stiegler), bulle qu'il a joliment meublée avec ses mots à lui, ce que résumait ainsi Frédéric Lordon la semaine dernière, pour expliquer son refus d'aller à l'Elysée participer au "grand débat" des intellectuels : "Quand Mme Buzyn dit qu'elle supprime des lits pour améliorer la qualité des soins, quand Mme Pénicaud dit que le démantèlement du Code du travail étend les garanties des salariés, quand Mme Vidal explique l'augmentation des droits d'inscription pour les étudiants étrangers par un souci d'équité financière, quand M. Macron présente la loi sur les fake news comme un progrès de la liberté de la presse, la loi anti-casseurs comme une protection du droit de manifester, on est dans la destruction du langage et du sens même des mots."

Il faut croire, avec ces satanés Gilets jaunes, que quelque chose résiste à cette destruction du langage.






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