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Modification crânienne et formation de l'identité dans le Pérou précolombien

Publié le 20 mars 2019 par Jann @archeologie31
Avant l’expansion de l'empire inca, l'époque intermédiaire tardive a été marquée par un bouleversement politique et l'émergence de nouvelles pratiques culturelles.
Modification crânienne et formation de l'identité dans le Pérou précolombien Crâne modifié du Pérou. Photo: Didier Descouens, Wikimedia Commons 
Dans l'article: "Ethnogenesis and Social Difference in the Andean Late Intermediate Period (AD 1100-1450): A Bioarchaeological Study of Cranial Modification in the Colca Valley, Peru" (Ethnogenèse et différence sociale dans la période intermédiaire andine tardive (1100-1450 après J.-C.): étude bioarchéologique de la modification crânienne dans la vallée de Colca, au Pérou), paru dans Current Anthropology, Matthew C. Velasco examine comment la prévalence et l’évolution des pratiques de modification crânienne à la fin de la période intermédiaire ont influencé la formation de l’identité ethnique dans la vallée de Colca au Pérou.

Dans l'étude, Velasco explore la façon dont les pratiques de modelage de la tête peuvent avoir permis la solidarité politique et aggravé les inégalités sociales dans la région.


Des recherches ethnogénétiques ont été faites pour déterminer les processus historiques responsables de la formation et de l'incarnation de nouvelles identités de groupe au cours de cette période.
La modification crânienne est un marqueur d'identité délibéré, permanent et très visible qui est mis en œuvre lors de la petite enfance. La forme de la tête a pu servir d'indicateur d'affiliation ethnique, de catégorisation dans la parenté, où d'origine géographique.
Les données archéologiques et ethnohistoriques donnent un aperçu des pratiques de façonnage de la tête de deux groupes ethniques majeurs dans la vallée de Colca, les Collaguas et les Cavanas.
Les Collaguas ont utilisé des méthodes pour que leurs têtes prennent une forme plus longue et plus étroite, tandis que les Cavanas cherchaient à élargir leur tête.
Afin d'analyser l'évolution de la fréquence et de l'importance de la modification crânienne au fil du temps, des échantillons de squelette ont été prélevés dans deux sites de la morgue de la région de Collagua et soumis à une datation au radiocarbone. Les crânes ont été classés en cinq catégories en fonction du type de modification. 
En utilisant des datations au radiocarbone récemment recalibrées, les échantillons ont été divisés en deux groupes représentant le début de la période intermédiaire tardive (1150-1300 de notre ère) et la fin de la période intermédiaire tardive (1300-1450 de notre ère).
Les données bioarchéologiques et radiométriques présentent une augmentation signifiante dans la prévalence des pratiques de modification crânienne.

Pendant le début de la période intermédiaire tardive, 339% des individus présentaient des modifications. Ce pourcentage monte  jusqu'à 73.7% à la fin de la période intermédiaire tardive.


L'étude montre aussi un changement significatif das la distribution des types de modification au cours du temps.
Au départ, il existe une répartition égale des individus entre quatre types de modifications: tabulaire, dressé, oblique et léger. Cependant, les résultats indiquent que, vers la fin de la période intermédiaire tardive, la modification oblique - semblable à la forme allongée de la tête du Collaguas - est devenue le style prédominant de la modification crânienne.
L’homogénéité accrue des formes crâniennes à la fin de la période intermédiaire tardive suggère que les pratiques de modification ont contribué à la création d’une nouvelle identité collective.
Alors que la modification crânienne consolide les frontières sociales antérieures, l’auteur affirme que la normalisation de ces pratiques a peut-être exacerbé les nouvelles différences sociales.
En tant que signifiant de l'affiliation, la forme de la tête peut avoir encouragé l'unité parmi les élites et favorisé une coopération accrue en politique. La participation à des questions politiques et sociales peut, à son tour, avoir élevé le statut d’individus modifiés et leur a conféré des privilèges distincts qui n’étaient pas accessibles aux individus non modifiés.
Les preuves bioarchaologiques suggèrent également que les pratiques de modification renforçaient les structures d'inégalité privilégiant les femmes modifiées. Comparées aux femmes non modifiées, les femmes modifiées avaient davantage accès à diverses options alimentaires et étaient moins susceptibles de faire face à la violence.
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